6.2 : La discrimination géographique

Enfin, après la discrimination sociale, un élément complémentaire de celle-ci.mérite d’être évoqué. La qualité de l’enseignement peut varier d’un quartier à l’autre, d’une ville ou d’une région à l’autre. Les inégalités locales et régionales existent et suivant ces paramètres les taux de scolarisation sont très inégaux. Antoine PROST le met en évidence dans son rapport sur les lycées :

‘- “ à résultats scolaires identiques, il est plus difficile d’entrer en seconde à Vesoul qu’à Tarbes. Où sont donc la justice et l’égalité des chances ? Où est plus simplement, l’égalité des jeunes Français devant le service public de l’Education Nationale? “ ( 93 ) ’

L’égalité des chances, en fonction des aptitudes est donc un vain mot, un leurre. 37 % d’une génération obtient le bac dans la région Midi-Pyrénées, 35 % en région parisienne. A l’inverse 26 % en Haute-Normandie et en Picardie.

D’une façon purement mécanique, il n’est donc pas étonnant de retrouver 23 % des jeunes Toulousains de 18 à 25 ans en formation supérieure et seulement 9 % en Picardie (région du Nord fortement touchée par le chômage) ou encore 10 % dans le Poitou. D’aucuns n’hésiteront certainement pas à s’appuyer sur ces chiffres recouvrant la réalité, pour étayer une thèse génétique de l’intelligence des individus dans les différentes régions qu’ils soient du Nord ou du Sud. Par analogie, nous noterons que le taux d’alphabétisation en France aux XVII ème et XVIII ème siècles était fluctuant suivant l’histoire économique et politique de ces régions, de même les discriminations géographiques et sociales sont encore présentes dans la réussite scolaire à l’aube de notre XXI ème siècle. Les difficultés financières rencontrées par un jeune bachelier qu’il soit citadin ou issu de milieu rural, peuvent constituer un obstacle supplémentaire : en effet, si celui-ci, au vu de son dossier, du nombre pléthorique de candidatures lors de son inscription ou tout simplement du choix de la matière enseignée ne peut s’inscrire dans l’Université ou l’IUT le plus proche de son domicile, le voilà contraint à s’exiler avec le coût financier que cela implique.

Aujourd’hui, 20 % des enfants soit 1 enfant sur 5 qui sont de futurs adultes, arrivent encore aujourd’hui en sixième sans maîtriser les quatre opérations de base et sans comprendre la signification du texte qu’ils lisent. Un jeune, qui à l’issue de sa scolarité obligatoire ne maîtrise pas ces connaissances de base, est inexorablement exclu de notre organisation sociale. 80 % de bacheliers en l’an 2000, avec des bacs prestigieux et “des sous-bacs“, cet objectif, n’est-il pas un leurre ? En 1999, 61 % d’une classe d’âge est titulaire du baccalauréat et 68 % arrivent en terminale ou à un niveau (IV) préparant à un diplôme équivalent. C’est donc bien 32 % d’une génération qui n’a ni le bac, ni même le niveau. Il est consternant, que ces jeunes exclus du système de formation ne soient pas reconnus dans leur potentiel d’éducabilité et de modifiabilité, et sortent ainsi, avec un niveau de culture générale qui ne correspondant pas au niveau que requiert la vie dans notre société actuelle. Notre système éducatif rencontre aujourd’hui, des difficultés pour remplir sa mission première : apprendre à lire, à écrire, à compter à tous et donner le minimum de culture générale pour évoluer, se former et s’intégrer. Certains enseignants préfèrent analyser cette situation d’échec comme une fatalité inéluctable, un déterminisme social voire un Darwinisme social, une logique de reproduction des classes sociales ( 94 ). D’autres, environ la moitié, pensent que l’Education Nationale est “une institution incapable de s’adapter aux exigences nouvelles” ( 95 ). N’est-ce pas là, “ l’arbre qui cache la forêt “ ? en dissimulant les finalités d’une éducation ou d’un système scolaire à deux vitesses comme d’autres domaines : Justice, Social, Santé, etc.. ?

- " A chacun selon son mérite et ses aptitudes " ( 96 ) ce voeu pieux est loin d’être réalisé et nous risquons de l’atteindre difficilement car il devient urgent maintenant, de se pencher sur les phénomènes d’exclusion et de marginalisation qui engendrent la très médiatique “violence à l’école”. Il semble que l’institution scolaire soit obligée aujourd’hui, de repenser son fonctionnement en opérant son ouverture face à la réalité sociale des élèves tout en accompagnant la formation des enseignants. C’est de cet aspet d’ouverture et de partenariat que nous traiterons dans notre prochain chapitre.

Notes
93.

Antoine PROST, Les lycées et leurs études au seuil du XXI ème siècle, Ministère de l’éducation nationale, service d’information, Décembre 1983.

94.

BOURDIEU / PASSERON : La reproduction, Paris, Editions de minuit, 1973.

95.

“Les sorties sans qualification moins de cinq ans après l’entrée au collège”, de Sylvain Broccolichi, Éducation et formation n° 48, DEP/MEN, Paris, décembre 1996

96.

Plan Langevin-Vallon.