2.3 Qu’est ce qu’une citoyenneté active ?

Le terme Citoyenneté est aujourd’hui employé à tort et à travers, notamment en période électoral, au risque de lui ôter toute sa valeur et sa force. C’est la raison pour laquelle, au-delà d’une conception plus générale, nous parlerons d’une “citoyenneté active” , qui renvoie à l’exercice de la citoyenneté dans des situations précises. Elle traduit la capacité des personnes à se prendre ou se reprendre en charge individuellement ; collectivement, à renouer des liens avec les autres et l’environnement dans lequel elles vivent. Le concept de “sujet”, développé par A. Touraine, exprime cette idée :

‘“Etre Sujet signifie avoir la volonté d’être acteur, c’est-à-dire de modifier son environnement plutôt que d’être déterminé par lui”. ( 114 )’

Sujet : (n.m.) cause, raison, motif. Personne considérée par rapport à ses actes. Le sujet n’est-il à considérer que par rapport à ce qui le fait agir, comme cause de son comportement ?

Sujet : (adj.) soumis, astreint. Etre le sujet de, être sujet à ; le sujet envisagé comme le lieu et le temps d’une soumission, à un ordre symbolique, humain.

Subjectif : qui se rapporte au sujet pensant, par opposition à l’objectif, qui se rapporte à l’objet pensé. Le sujet renvoie à l’opposition sujet/objet ; le sujet comme être connaissant par opposition à l’objet comme être connu.

Si l’on s’intéresse de plus près à l’étymologie du mot “sujet”, un historique de ce mot éclaire ses différents sens.Tout d’abord, le sujet est renvoyé à une notion d’assujettissement et de soumission.comme dans l’expression : “les sujets du Roi”. Puis le terme va évoluer et désigner une chose qui possède une nature propre. Parallèlement, il va aussi représenter un être humain, objet d’expérience, puis un être humain autonome, capable d’action. Pour Kant, le sujet est un être pensant, considéré comme le lieu de la connaissance. Nous parlons également de sujet de droit (à savoir celui qui possède la maîtrise de ce dernier) Ainsi, la notion de sujet oscille toujours entre existence et expérimentation, entre libre arbitre et manipulation.

D’un point de vue plus sociologique, la nuance est plus clairement explicite. Le sujet s’oppose à l’objet. Le sujet est toujours un être humain, alors que l’objet est ce sur quoi l’on agit ou intervient. Cependant, dans la réalité de la pratique quotidienne, nous revoyons poindre les possibilités de confusion ; ainsi, le public peut être sujet à divers problèmes et objet de toute notre attention. La distinction sociologique montre que ces individus en souffrance sociale sont objet de soin, dans le sens où le soin s’applique à eux ; ainsi, nous verrons un public objet d’éducation, d’animation, etc...

Nous observons également l’engrenage qui se produit car plus un sujet est objet d’action, moins il est sujet en tant que tel dans cette réalité. Ainsi, nous découvrons que, si nous ne pouvons rendre sujet un être de par notre action, en revanche nous pouvons lui interdire de l’être. Une rupture peut donc rapidement se s’opérer entre le discours, l’objet de l’action, et l’action elle-même. Ainsi, nous constatons aisément que la prise en charge de l’individu radicalise la situation en rendant objet le sujet. Nous voyons donc là, que les limites d’une action visant l’autonomie sont atteintes. En effet, qu’est-ce-qui permet de valider que l’intervention ne vient pas limiter la capacité de l’autre à être sujet ? A quel moment ne nous substituons-nous-pas au sujet, à sa capacité de dire, de penser et de faire ? En quoi lui interdit-on d’être un citoyen actif et reconnu ?

Etre un individu, un sujet, c’est exister comme unité, comme l’expression du JE SUIS : je suis en vie, je suis moi-même. C’est se reconnaître comme sujet appartenant à une communauté humaine et reconnu par les autres comme tel. C’est trouver sa dignité, être conscient de sa valeur, de ses capacités à être et à agir pour soi, pour les autres, être relié au monde, en somme, c’est une prise de conscience.

Sur la scène locale, vivre une citoyenneté “active”, c’est mettre en pratique sa citoyenneté ; redonner un sens à sa vie ; agir dans son quotidien ; refaire des démarches au niveau professionnel et familial ; connaître ses droits ; avoir les moyens de faire des choix, de participer à la vie de son quartier, de s’intégrer dans le tissu social, de recréer ou développer des relations de voisinage, d’amitiés et de reprendre du pouvoir sur les choses. “Pouvoir” signifie, au sens positif du terme, être capable mentalement, physiquement et moralement d’agir.

Notes
114.

A. Touraine - Le retour de l’acteur, 1984, Paris, Edition Fayard, p 349, Mouvement 3.