2.5.3 : L’action de la Prévention Spécialisée révèle des dichotomies

La Prévention Spécialisée met en évidence des contradictions. En fonction du point de vue auquel l’on se situe, les conditions favorables à son développement (reconnaissance des besoins de l’homme en termes d’accomplissement de soi, d‘appartenance), apparaissent comme des freins à une idéologie dominante (en référence à une conception purement économique du développement humain et des sociétés modernes). L’inscription dans le long terme et le décloisonnement géographique - quartiers “ghéttoïsés”/centre ville - conditionnent la “viabilité” et la “fiabilité” de l’Action Sociale. Ces conditions nécessitent une prise en compte qui va à l’encontre des tendances actuelles de gestion de l’urbanisme et du social.

Un travail en profondeur, sur un objectif à long terme, peut transformer les situations de dégradation individuelle en participation durable. Comment est-il possible à des personnes qui ont cumulé, depuis plusieurs années, des situations d’échec dans les différents domaines de la vie (familiale, scolaire, professionnelle, etc..), “de remonter la pente” en quelques mois ? Car seule la multiplication de situations de réussite et de regards positifs portés sur eux contribuera à revaloriser leur image, à leur faire reprendre confiance en eux et à leur faire retrouver leur dignité. Plus les personnes sont en situation de fragilité, “d’écrasement”, plus le temps à leur consacrer est long. On ne transforme pas trente ans d’histoire en six mois, un an !...

Cet accompagnement trouvera une autre force, s’il est relayé en dehors de la Prévention Spécialisée, dans le quotidien des personnes : milieu familial, monde du travail, administrations, institutions, avec une modification des représentations. Un autre regard est un soutien important et catalyseur de multiples transformations en enrayant certains “blocages” psychologiques et sociaux. C’est au bout de cinq années de fonctionnement que certaines évolutions s’opérent et se repèrent, aussi bien auprés des personnes cumulant des “handicaps sociaux”, fortement “stigmatisées”, pour qui les travailleurs sociaux ont épuisé toutes les solutions d’aide, que pour la mise en oeuvre d’une mobilisation collective.