3.2 : Le travail social, enjeu de socialité et paradoxes

Certes, les différences entre les catégories que nous nommons “les exclus” ne sont pas les mêmes pour St Vincent de Paul et pour Lenoir. Pour le premier, et, surtout avant lui, les pauvres ont une place dans la société, celle d’être un jour “les heureux qui verront Dieu”. De ce point de vue, St Vincent tente, d’une part de modifier la situation des pauvres sur terre, sans tenir compte du “futur meilleur promis” et d’autre part, de faire l’éducation des riches afin de les sensibiliser à la condition de pauvre. De même, le pouvoir royal sous St Vincent, n’est pas assimilable au pouvoir démocratique d'aujourd’hui bien que les décideurs dans les deux cas, aient la possibilité pour les d’apporter des réponses.

Depuis, des structures d’assistance se sont développées et l’Etat a inscrit dans la loi des dispositions particulières à l’égard de ces populations : il s’agit de décrets concernant l’aide sociale, principalement, pour ce qui nous concerne : l’aide sociale à l’enfance. Cependant, une question se pose : l’Etat, de par son fonctionnement, et les collectivités territoriales (depuis la décentralisation) n’ont-ils pas une tendance à vouloir gérer l’urgence sociale et, par conséquent, à englober les exclus dans la société en niant qu’ils en soient exclus et, de ce fait, à les considérer comme tels, en leur donnant droit à certaines prestations sans, pour cela, avoir pour projet de les rendre autonomes en vue d’une réelle intégration ?

Il nous semble qu’il convient de placer le travail social au coeur des paradoxes, non pas tout simplement pour formuler des questions rhétoriques, mais pour tenir compte des effets pervers des mesures prises jusqu’ici. Il semblerait que le travail social atteigne souvent des objectifs détournés de son objet. Demandons-nous, par exemple, si le versement des prestations RMI sans être accompagné d’un réel travail de reconnaissance et d’insertion sociale, est efficace du point de vue d’une vraie intégration et, de ce fait, évite des suivis répétitifs et inopérants ? Posons nous également la question de l’efficience d’une action sociale qui suit, parfois depuis trois générations, la même famille. En fait, rien ne permet de mesurer la validité de la proposition de départ : tout repose sur la bonne conscience ou l’illusion des décideurs, donc des “payeurs“ , qui ont pouvoir sur la question sociale.

Nous pourrions multiplier les exemples, mais nous souhaiterions plutôt développer ce que nous considérons comme les paradoxes fondamentaux dans lesquels s’inscrit le travail social aujourd’hui.