INTRODUCTION

Des grillons ou des abeilles dans les oreilles, des cocottes-minutes dans la tête, voilà comment décrire simplement les acouphènes. Intermittents ou continus, dans une oreille, les deux, ou dans la tête, nous serions 10 % d’individus à entendre ces bruits d’origine interne, c’est-à-dire sans équivalent sonore dans l’environnement.

De nombreuses recherches se sont attaquées à l’épineux problème des causes de cette perception fantôme : causes otologiques, causes neurologiques, causes vasculaires ou causes psychosomatiques, elles peuvent être multiples. Le symptôme d’acouphène s’exprime de manière incontrôlée et souvent encore en partie mystérieuse. Mais, une fois qu’il est là, il peut se faire discret, lointain, sans importance, ou au contraire envahissant, bruyant, insurmontable. Pour ceux chez qui il correspond à ce dernier cas, il peut rapidement devenir un véritable handicap, source de conséquences parfois dramatiques.

Pourquoi les acouphènes deviennent-ils parfois très invalidants, autrement dit, qu’est-ce qui entraîne la pérennisation de ce symptôme ? Cette question paraît absolument prépondérante au vu du nombre de personnes déjà touchées et handicapées par la présence d’un acouphène. En particulier, à partir des observations cliniques des patients acouphéniques, il est apparu que les facteurs associés à des problèmes otologiques semblaient secondaires par rapport à des facteurs non otologiques, dans le devenir de l’acouphène. Ainsi, dans son modèle neurophysiologique de l’acouphène, Jastreboff (1990) postule que ce symptôme résulterait d’un ensemble d’interactions entre de nombreux sous-systèmes nerveux centraux, la pérennisation de l’acouphène étant plus sous la dépendance des systèmes de traitement attentionnel et émotionnel que du système auditif. D’un point de vue thérapeutique, de nombreux essais dérivés de ce modèle et de ceux qui sont associés aux thérapies cognitives ont montré quelques succès dans l’aide à la gestion de ce symptôme et dans l’habituation progressive à cette perception, mais très peu de recherches expérimentales ont porté sur les processus cognitifs impliqués dans la perception de l’acouphène. Puisque la cognition paraît jouer un rôle prépondérant dans la manière dont nous percevons et nous traitons les stimuli, incluant les stimuli auditifs, il est apparu important d’entreprendre l’investigation des processus cognitifs qui pourraient être impliqués dans la perception et la pérennisation de l’acouphène.

Dans un premier temps, nous allons définir le symptôme de l’acouphène puis brièvement effectuer quelques rappels sur les voies de traitement de l’information auditive. Ensuite, nous préciserons les objectifs de la recherche entreprise dans ce travail de thèse. Enfin, nous développerons les études menées afin de préciser les liens entre réorganisation fonctionnelle, attention ou émotion et symptôme de l’acouphène.