1.4 Objectifs de la thèse

Comme nous l’avons vu, les modèles explicatifs des mécanismes de l’habituation à l’acouphène sont tous essentiellement tournés vers le développement de stratégies thérapeutiques et n’ont pas constitué une base expérimentale cherchant à prouver la véracité des mécanismes sous-tendant la survenue ou non de l’habituation à l’acouphène telle que décrite par ces modèles. Seuls les récents travaux d’Andersson (Andersson, 2002b) semblent apporter des arguments en faveur d’une implication des mécanismes cognitifs dans la survenue de l’habituation à cette perception auditive fantôme. Deux autres études (McKenna & Hallam, 1999; McKenna, Hallam, & Shurlock, 1996) s’étaient déjà intéressées au fonctionnement cognitif chez les acouphéniques à travers l’analyse de tests neuropsychologiques (tests de lecture, de fluence verbale, de barrage de lettres, de substitution de symboles ou encore d’empan mnésique). Bien que, quand on les interroge sur les difficultés cognitives qu’ils rencontrent (« Cognitive Failures Questionnaire »), les patients en rapportent plus que des individus sans acouphène, les scores obtenus aux différents tests neuropsychologiques ne montrent que très peu de différences entre ces deux groupes, tendances se révélant non significatives quand l’anxiété et la perte auditive sont utilisées comme facteurs co-variant avec le facteur « groupe ».

Il nous est donc apparu nécessaire de rechercher d’autres arguments expérimentaux en faveur de l’implication des processus cognitifs dans la pérennisation de l’acouphène, et, par là même, des principes développés dans le modèle neurophysiologique de Jastreboff, lequel représente encore à l’heure actuelle le modèle explicatif le plus complet et le plus simple de l’habituation ou de la pérennisation de l’acouphène. Les travaux de cette thèse visent trois objectifs principaux liant la pérennisation de perception d’un acouphène à 1) l’organisation cérébrale des fonctions cognitives, 2) l’attention, et 3) l’émotion.

En effet, la première question qui nous a intéressée est la suivante : la perception d’un acouphène peut-elle engendrer des modifications de l’organisation cérébrale fonctionnelle ? Une telle réorganisation pourrait alors expliquer pourquoi le signal de l’acouphène continue d’être perçu et traité consciemment par le SNC (pérennisation) au lieu d’être rejeté avec les informations non pertinentes (habituation).

La deuxième question que nous avons abordée concerne les hypothèses associant la pérennisation du symptôme de l’acouphène et des perturbations des mécanismes de l’attention. La détection et le traitement du signal de l’acouphène ne seraient-ils pas favorisés par une allocation excessive et irrépressible de l’attention qui lui est accordée ?

Enfin, dans un troisième questionnement, nous avons cherché à discuter des liens entre les mécanismes de traitement de l’émotion et ceux de la perception auditive fantôme. Un renforcement du sentiment négatif associé à l’acouphène ne peut-il pas être entretenu par des biais de négativité dans le traitement des stimulations auditives environnementales ?