2.2.2 Réorganisations corticales induites par l’acouphène

Une seule étude publiée a porté sur l’organisation tonotopique du cortex auditif primaire chez des patients acouphéniques ayant une perte auditive de maximum 25 dB sur la moins bonne des fréquences (Mühlnickel et al., 1998). Dans cette étude, des participants acouphéniques et contrôles étaient soumis à des stimulations sonores de fréquences variées, dont celle de l’acouphène. Les activations cérébrales étaient objectivées par la technique de magnéto-encéphalographie (MEG).

Les auteurs ont ainsi observé un déplacement de la représentation corticale de la fréquence de l’acouphène vers les aires adjacentes (codant les fréquences adjacentes), se traduisant par une sur-représentation corticale de la fréquence de l’acouphène (Figure 11). De plus, ils ont obtenu une corrélation positive entre le degré de réorganisation des cartes tonotopiques et la sévérité de l’acouphène, significative uniquement dans l’hémisphère controlatéral (Figure 12). Ceci suggère donc une réorganisation tonotopique de A1 avec sur-représentation de la fréquence de l’acouphène d’autant plus accentuée que l’acouphène est perçu comme sévère. Cependant, les auteurs n’ont pas pu mettre en évidence de corrélation entre le degré de réorganisation à la fréquence de l’acouphène et l’ancienneté de celui-ci, ce qui semble surprenant. Ces données ne peuvent donc permettre de préciser la cause de la réorganisation observée : est-ce la présence de l’acouphène et/ou la perte auditive, même faible, qui, quand on la cherche avec des techniques précises est présente chez quasiment tous les patients, puisque des études précédentes ont déjà permis de montrer une plasticité due à des augmentations ou des diminutions d’entrées sensorielles auditives (Pantev et al., 1999; Rajan, Irvine, Wise, & Heil, 1993; Robertson & Irvine, 1989) ? Cependant, la forte corrélation entre le degré de réorganisation tonotopique et la sévérité de l’acouphène demeure et constitue un argument important en faveur d’une modification des fonctions cérébrales associée à la présence de cette perception auditive fantôme.