2.3 Modification des fonctions cérébrales du langage chez des patients acouphéniques, étude dans les modalités auditive et visuelle

2.3.1 Orientation de la recherche : Expériences 1, 2, 3

Puisque des études d’imagerie permettent d’envisager une réorganisation des fonctions du cortex auditif primaire associée à la perception d’un acouphène, il est possible que de telles modifications puissent aussi concerner des fonctions cérébrales de plus haut niveau. Parmi ces dernières, celle du langage nous a paru pertinente sachant que les acouphéniques, indépendamment de leur éventuelle perte auditive, se plaignent souvent de problèmes dans la compréhension de la parole, notamment lors de situations où il existe plusieurs interlocuteurs. Les fonctions du langage ont été étudiées depuis de nombreuses années en psychologie cognitive. Parmi leurs particularités, la plus connue est la distribution cérébrale asymétrique de cette fonction. Depuis les observations de Wada et Rasmussen (1960), on sait que, chez la plupart des individus droitiers, l’hémisphère cérébral gauche est spécialisé dans le traitement du langage.

Cette organisation des fonctions du langage, ainsi que sa désorganisation dans des pathologies variées allant de la dyslexie à la schizophrénie, a fait l’objet de nombreuses études (Crow, 1997; David et al., 1996; Harris, 1999; Heidrich & Strik, 1997, par exemple). Elle n’a jamais été étudiée dans des cas d’acouphènes, c’est pourquoi nous avons décidé de préciser les patterns d’asymétrie hémisphérique fonctionnelle auditive chez des patients acouphéniques et des contrôles (Expérience 1). De plus, afin de déterminer si cette éventuelle modification dans l’organisation des fonctions du langage chez les patients acouphéniques pouvait se répercuter à un niveau plus amodal (c’est-à-dire à un niveau non exclusivement auditif), nous avons entrepris d’étudier l’asymétrie hémisphérique fonctionnelle observée en réponse à des stimulations verbales visuelles (Expérience 2). Enfin, pour s’assurer que ces réorganisations fonctionnelles sont indépendantes des effets perceptifs d’interférence dus à la présence continue d’un son non pertinent pour les tâches, nous avons testé des participants soumis à une stimulation sonore simulant un acouphène (Expérience 3) dans les tâches utilisées dans les Expériences 1 et 2.