4.2 Arguments en faveur d’une implication de l’émotion dans la pérennisation de l’acouphène

L’intervention des mécanismes émotionnels dans le devenir (gênant ou non gênant) de l’acouphène est au centre de plusieurs modèles comme nous l’avons vu précédemment (Chapitre I). Cependant, aucune étude ne s’est vraiment centrée sur l’analyse d’un tel mécanisme. Rappelons simplement que des études d’imagerie (Lockwood et al., 1998, 2001; Salvi et al., 1999) ont montré que, chez des patients capables de faire varier l'intensité de leur acouphène par des mouvements faciaux, les changements d'intensité s'accompagnaient d'une activation localisée non seulement dans le cortex auditif, mais aussi dans certaines structures limbiques. De plus, l'étude de Oestreicher et al. (1999) suggère que les patients acouphéniques présenteraient un hypométabolisme dans les structures cortico-limbiques du système nerveux central. Ceci constitue des arguments en faveur de l'hypothèse d'une association entre un état émotionnel particulier (négatif) et l'acouphène invalidant, qui consoliderait la détection du pattern associé à l'acouphène et empêcherait donc l'habituation (Jastreboff, 1990, 1996, 1999). Des études épidémiologiques ont porté sur les significations émotionnelles associées au signal de l’acouphène (Geoffray & Chéry-Croze, 1999). Cependant, aucune étude ne s’est intéressée au traitement émotionnel des stimulations auditives (voire d’autres modalités sensorielles) chez les acouphéniques. Les modèles du devenir de l’acouphène mettent tous l’accent sur la connotation négative associée au signal de l’acouphène invalidant. Les acouphéniques tolérant mal leur symptôme pourraient donc présenter un biais de négativité dans le traitement des stimulations auditives ; le caractère aversif et nuisible des informations sonores serait donc renforcé, d’où la pérennisation de l’acouphène. Afin de tester la validité de cette hypothèse, nous avons cherché à savoir a) si les acouphéniques présentent un plus fort degré de réactivité corporelle que des personnes contrôles face aux stimulations auditives négatives (Expérience 10), et b) s’ils présentent un biais de traitement favorisant la détection de ce type de stimulations (Expérience 11).