A.2 Fonctionnement

Comme il ne s’agit pas ici de discuter les différentes théories concernant le fonctionnement du système auditif, nous présentons la théorie la plus classiquement utilisée, la théorie de l’onde propagée de Békésy, 1960 (Tonndorf, 1980) pour décrire les étapes de la transformation des ondes aériennes en signal nerveux.

Les ondes sonores qui parviennent à l’oreille humaine pénètrent par le canal auditif jusqu’au tympan qui fait fonction de récepteur de la pression acoustique. Les mouvements du tympan déclenchés par ces variations de pression acoustique se répercutent sur les osselets de l’oreille moyenne, qui transmettent ces oscillations à l’oreille interne. L’effet de levier de cette chaîne d’osselets amplifie ces mouvements environ vingt fois. Les oscillations amplifiées sont retransmises dans l’oreille interne à la membrane basilaire et à l’organe de Corti où elles sont transformées par les cellules ciliées en impulsions bioélectriques. Ces dernières sont captées par les fibres du nerf auditif qui les dirigent vers les centres auditifs corticaux.

A.2.1 Rôle des cellules ciliées externes

Les cellules ciliées externes (CCE) ont un rôle d'amplification ou, au contraire, d'amortissement selon l’intensité des sons qui leur parviennent. Elles font vibrer activement (Davis, 1983) tous leurs cils lorsque le plus long d'entre eux se trouve déformé. Cette vibration est d'une fréquence particulière suivant le lieu de la cochlée où elle prend place. On parle de tonotopie pour nommer cet arrangement ordonné selon la sélectivité fréquentielle. Si la fréquence du son extérieur et celle des cils coïncident, il y a résonance entre les deux et une très forte amplification. Au contraire, lorsque la fréquence propre de la cellule ciliée externe diffère de celle du son, en particulier si ce dernier est plus grave, un amortissement se produit.

Les CCE reçoivent beaucoup de fibres en provenance du cerveau (système efférent). Ces fibres pourraient avoir le rôle de renforcer ou d'affaiblir la sensibilité pour telle ou telle fréquence : l'affaiblir en cas de stimulation répétitive non informative (habituation) ou en cas de stimulation excessive (saturation); la renforcer en cas d'événement sonore imprévu, faible en intensité ou encore sous l'effet d'une attention aiguisée pour détecter un pattern précis associé à un désir ou une crainte. Il ne s'agit pas toujours d'attention volontaire. Un bruit insignifiant pour la conscience peut avoir du poids pour les attentes inconscientes et submerger la plus farouche des envies de ne pas entendre. On sait que certaines excitations du cortex temporal peuvent conduire à une plus grande sensibilité de l'écoute (hyperacousie relative). Ceci suggère que les centres nerveux pilotent, pour les améliorer ou les affaiblir, les performances cochléaires (Collet et al., 1990a).

A.2.2 Rôle des cellules ciliées internes

Les cellules réceptrices du système nerveux sont les cellules ciliées internes (CCI) : en l’absence de stimulus sonore, c'est selon un rythme assez lent, et apparemment au hasard, qu'elles émettent leurs décharges excitatrices (activité spontanée).

Si un événement vibratoire proche de leur fréquence d'accord surgit, les CCI répondent par une flambée d'impulsions dont le rythme décroît si la stimulation se prolonge (adaptation). Le silence revenu, les « spikes » disparaissent tout à fait pour reprendre, peu à peu, leur rythme de repos (impulsions survenant au hasard). Dans les basses fréquences, la décharge des fibres suit assez bien le rythme du son : pour un hertz, une bouffée d’impulsions nerveuses ; cela n'est plus possible au-delà de 2000 hertz, dans ce cas, un codage spatial prend le relais. En effet, les CCE et CCI codant la même fréquence sont couplées, et la tonotopie observée pour les premières se retrouve pour les dernières.

A.2.3 Voies de transmission de l’information auditive

Les fibres issues du ganglion spiral pénètrent dans le tronc cérébral par le nerf auditif. Au niveau du tronc cérébral, les axones innervent le noyau cochléaire dorsal et le noyau cochléaire ventral, du côté ipsilatéral par rapport à la cochlée. Différentes voies existent ensuite entre les noyaux cochléaires et le cortex auditif. Nous présenterons ici les deux voies classiquement considérées (Rouiller, 1998).

Voie auditive primaire ou lemniscale

Cette voie ascendante est purement auditive, courte (3 ou 4 relais) et rapide.

Les cellules du noyau cochléaire ventral projettent des axones sur le complexe olivaire supérieur, de chaque côté du tronc cérébral. Les axones des neurones olivaires empruntent ensuite le lemnisque latéral et innervent le colliculus inférieur au niveau du mésencéphale.

Les neurones du colliculus projettent vers le corps genouillé médian (CGM) du thalamus, qui se projette à son tour sur le cortex auditif. Le cortex auditif primaire (A1) correspond à l’aire 41 de Broadman et est situé dans le lobe temporal au niveau du gyrus de Heschl. A côté de A1, d’autres aires corticales situées à la surface supérieure du lobe temporal sont sensibles à différentes caractéristiques des stimulations auditives (par exemple l’aire de Wernicke, responsable de la compréhension du langage parlé).

Voie auditive non primaire ou extra-lemniscale

Cette voie ascendante est plurimodalitaire et plus longue.

Les cellules du noyau cochléaire dorsal projettent des axones suivant la voie réticulée ascendante, lieu où les informations auditives sont intégrées à toutes les modalités sensorielles. Après la formation réticulée au niveau du mésencéphale, les fibres projettent sur le thalamus, puis au niveau de plusieurs régions corticales, notamment le cortex auditif secondaire, les cortex associatifs d’autres modalités sensorielles (en particulier le cortex somesthésique) et le système limbique. La voie ascendante non primaire est décrite comme comportant 2 systèmes : un système diffus et le système polysensoriel. Les neurones du système polysensoriel reçoivent des entrées inhibitrices et excitatrices d’autres systèmes sensoriels comme les systèmes somesthésique, vestibulaire et visuel. Ceux qui transmettent l’information auditive se projettent de manière peu spécifique sur l’ensemble des aires auditives corticales (secondaires et associatives). On ne connaît pas beaucoup le rôle de ce système en condition normale, cependant ces projections indiquent qu’il serait impliqué dans les sensations d’émotion et de douleur.