13.2.c. Compulsions, pulsion de mort et tendances agressives

Dans sa conceptualisation de la névrose obsessionnelle, Freud évoque l’importance des tendances agressives et leur substrat pulsionnel, la pulsion de mort. La théorie psychanalytique freudienne est d’ailleurs dans son ensemble une théorie des pulsions. La fixation au stade sadique-anal et l’ambivalence qui l’accompagne indique la coexistence sur un même plan de sentiments d’amour et de haine. L’explication des manifestations d’agressivité et d’hostilité est référée à la dynamique des pulsions d’auto-conservation, en particulier la pulsion de mort et la pulsion d’emprise, une partie de la pulsion de mort étant directement mise au service de la pulsion sexuelle en étant tournée vers l’intérieur (le masochisme) ou tournée vers l’extérieur (sadisme ou pulsion d’agression / destruction). La compulsion de répétition, qui n’est pas spécifiquement en rapport avec les tendances agressives, constitue également un phénomène déterminé par la pulsion de mort.

Certaines des descriptions cliniques faites par Freud peuvent trouver un écho dans les conceptions actuelles suggérant l’existence d’une dimension impulsive cognitive et comportementale chez les sujets présentant un TOC. Les désirs inconscients à l’origine des obsessions et des compulsions sont supposés empreints d’une ambivalence amour/haine et d’impulsions agressives envers les objets externes. L’isolation, en créant une neutralisation de l’affectivité par une séparation entre les émotions et la représentation inconsciente qui leur est associée, engendre une inhibition motrice et émotionnelle. Ce mécanisme de défense empêche la relation angoissante entre l’objet et les pensées et conduit à une véritable inhibition des affects, la pensée se substituant aux actes. Malgré tout, l’affect lorsqu’il est exprimé, l’est de manière violente et à travers le passage à l’acte. Par ailleurs, le mécanisme de formation réactionnelle, défini comme “ le contre-investissement dans une attitude autorisée de l’énergie pulsionnelle retirée aux représentations interdites auxquelles elle est associée ” (Bergeret, 1995), indique que le sujet obsessionnel présente des tendances agressives et violentes envers l’objet qui ne sont pas autorisées à s’exprimer du fait des instances du Surmoi particulièrement interdictrices et qui sont contrôlées et détournées dans les compulsions. Ainsi, la sollicitude constitue une formation réactionnelle contre les sentiments de haine envers l’objet. Les exigences de propreté exprimées dans les compulsions de lavage constituent, quant à elles, une formation réactionnelle contre le désir inconscient de souiller.

Les compulsions partagent également des similarités avec la notion d’impulsion. La compulsion ( Zwang désignant une force interne contraignante) est définie comme une pensée, une action ou encore une séquence complexe de comportements dont “  le non-accomplissement est ressenti comme devant entraîner une montée d’angoisse  ” (Laplanche et Pontalis, 1998). De manière plus générale, les symptômes observés dans la névrose obsessionnelle sont sous la domination de tendances agressives et de la compulsion de répétition provenant de l’instance de pulsion de mort qui représente la tendance fondamentale de tout être vivant à la réduction complète des tensions et à retourner à un état anorganique. Les compulsions peuvent être considérées comme des impulsions ritualisées et stéréotypées, en réponse à une tension émotionnelle interne insurmontable pour le sujet sous-tendue par la pulsion de mort. La compulsion comme l’impulsion constitue un mode de défense et de lutte contre les conflits et la douleur menaçant l’intégrité psychique du sujet. Les compulsions sont assimilées à un processus de formation réactionnelle, les émotions originelles, non verbalisables, ayant été non seulement isolées de la représentation auxquelles elles sont associées mais également retournées. Cependant, à la différence du passage à l’acte impulsif, le comportement compulsif représente une décharge détournée d’un état affectif source d’une détresse psychique insupportable pour le sujet. Par ailleurs, on ne retrouve pas dans l’impulsion la lutte, la complexité de la compulsion obsessionnelle ainsi que le caractère agencé et ritualisé de la compulsion de répétition. Impulsion et compulsion représentent néanmoins l’expression en acte ou expression motrice d’un état émotionnel non verbalisable visant à soulager et à réduire la tension pulsionnelle.