4.1. Le paradigme Go / No go

Le paradigme Go / No go requière l’émission d’une réponse motrice pour une stimulation cible, le stimulus Go, en même temps que l’inhibition de cette réponse en présence d’une autre cible, le stimulus No go. Il est censé évaluer les fonctions exécutives, en particulier les processus d’inhibition de la réponse comportementale (Leimkuhler et Mesulam, 1985). Ce paradigme peut-être associé avec une procédure d’apprentissage par essais-et-erreurs (“ Go / No go learning task ”). Dans ce cas, les sujets ne connaissent pas par avance les stimuli requérant l’une ou l’autre des réponses et celles-ci sont accompagnées de renforcements positifs ou négatifs qui peuvent être verbaux, auditifs et/ou ou monétaires.

De nombreux travaux ont montré des performances déficitaires à cette tâche dans le cas de lésions frontales et préfrontales provoquées chez le singe (Allen, 1943 ; Butter, 1964 ; Iversen et Mishkin, 1970) ainsi que chez l’homme, dans le cas de tumeurs, d’accidents vasculaires, de lésions ou de lobectomies touchant les régions frontales et préfrontales (Drewe, 1975 ; Petrides , 1986 ; Leimkuhler et Mesulam, 1985). Les performances déficitaires sont observées en terme d’erreurs de commission, c’est-à-dire dans l’échec à inhiber la réponse motrice pour le stimulus No go. Drewe (1975) a noté la tendance des patients frontaux à faire plus d’erreurs de commission comparés à des sujets contrôles, bien que les latences de réponse des deux groupes ne diffèrent pas, aussi bien pour les réponses motrices en faveur du stimulus Go que pour les erreurs de commission. Les patients frontaux ne montrent aucune erreur de commission dans le cas où la modalité des réponses n’est pas motrice mais verbale. Luria (1973) a interprété ce profil d’erreurs, associé à des lésions bilatérales frontales, comme un déficit dans la régulation des comportements moteurs par les “ instructions verbales ” qui est remplacée par l’émission de réponses motrices stéréotypées. De manière plus générale, les aires frontales sont considérées comme fonctionnellement impliquées dans les comportements d’adaptation aux situations environnementales (les capacités d’anticipation, de planification et de régulation des comportements et des impulsions) (Luria, 1966). La supériorité du nombre d’erreurs de commission chez des patients frontaux à une tâche Go / no go est donc interprétée comme résultant d’une difficulté à réfréner une réponse motrice pour une stimulation cible. Les performances basées sur des réponses verbales apparaissent meilleures que les réponses motrices et les latences des réponses pour le stimulus Go sont plus courtes que celles associées aux erreurs de commission. Cette différence dans la latence des réponses implique qu’une différenciation ait été faite par le sujet, préalablement à l’émission de la réponse motrice, entre les stimuli requérant une réponse motrice et ceux requérant au contraire son inhibition (Milner et Ettlinger, 1972). Cette dernière interprétation est confirmée par l’observation de l’augmentation de la différence dans les latences de réponse au cours des différents essais d’un paradigme Go / no go avec apprentissage par essais-et-erreurs successifs (diminution de la latence de réponse pour le stimulus Go et augmentation de la latence de réponse dans le cas des erreurs de commission) (Milner et Ettlinger, 1972 ; Drewe, 1975). Dans cette étude, notre intérêt s’est donc surtout porté sur les erreurs de commission qui traduisent un déficit d’inhibition pour le stimulus No-go. Les erreurs d’omission correspondent, quant à elles, à une absence de la réponse comportementale pour le stimulus Go. Elles sont plus difficiles à interpréter. Elles sont supposées constituer un marqueur comportemental de plusieurs processus : un déficit attentionnel (Trommer, Hoeppner, Lorber et Armstrong, 1988) et/ou un déficit de mise en mémoire. A un niveau plus intégré du traitement cognitif de l’information, ces erreurs peuvent également rendre compte d’une stratégie de résolution de problèmes “ prudente ” dans laquelle le doute dans la réponse à fournir entraîne une suppression de la réponse motrice plutôt que son émission. L’incertitude quant à la qualité de la réponse (le stimulus présenté appartient-il à la catégorie Go ou No go), à l’origine d’une telle stratégie de réponse, pouvant être en retour causée par des perturbations d’attention sélective ou de mémorisation.