1. PROBLEMATIQUE

L’idée centrale de ce projet est d’évaluer la place de la dimension clinique et cognitive d’impulsivité dans le Trouble obsessionnel-compulsif à l’aide d’une tâche cognitive expérimentale et d’outils psychométriques.

Nous faisons référence à un modèle intégratif des troubles impulsifs versus compulsifs dans lequel l’expression clinique de la dimension impulsive s’étend d’un versant impulsif automatique et non perçu par le sujet à un versant impulsif perçu et contrôlé (Figure 8.)

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Figure 8. Modèle intégratif des troubles impulsifs versus compulsifs

L’hypothèse de l’implication de la dimension impulsive dans le trouble obsessionnel-compulsif est étayée par des données provenant de champs de recherche différents qui ont été présentées et illustrées précédemment.

Nous nous référons au modèle de l’impulsivité perçue et de la compulsivité compensatoire développé par Cottraux (1995, 1998). Ce modèle théorique explicatif s’intègre dans les travaux de recherche actuels suggérant l’existence d’un spectre de troubles apparentés au trouble obsessionnel-compulsif. Il cherche à intégrer la dimension d’impulsivité comme facteur impliqué dans le trouble obsessionnel-compulsif dans un cadre théorique qui tente de lier entre

elles l’interprétation cognitiviste des obsessions-compulsions et les données neurobiologiques disponibles par ailleurs. Il postule que l’un des facteurs étiologiques du trouble obsessionnel-compulsif serait la présence d’une dimension impulsive primaire comprise comme un déficit d’inhibition cognitive et comportementale. Un tel déficit d’inhibition rendrait compte des symptômes obsessionnels et du caractère pathologique des pensées intrusives ainsi que des perturbations des mécanismes d’habituation et des difficultés à contrôler les activités compulsives secondaires. Ce modèle suppose qu’une interaction entre un facteur d’impulsivité et certains facteurs environnementaux familiaux et sociaux tels que des principes éducatifs rigides, culpabilisant et responsabilisant, conduit le sujet à développer des schémas cognitifs de responsabilité/culpabilité automatiques et inconscients. Ils fonctionnent comme un système automatique de détection du danger. Aussi bien l’attention consciente que les phénomènes pré-attentifs automatiques se polarisent sur la détection, la prévention et la mise en place de comportements destinés à prévenir, contrôler ou annuler le danger. Ils conduisent le sujet à interpréter de manière catastrophique et dangereuse ses pensées intrusives dont le contenu est souvent fait d’impulsions antisociales et amorales. L’interprétation et le traitement dysfonctionnels des pensées intrusives en fonction de ces schémas cognitifs sont sources d’anxiété pour le sujet qui se perçoit alors comme impulsif. Il craint de réaliser le contenu des pensées qu’il ne peut inhiber et qui l’assaillent de manière récurrente et répétitive. Il a une évaluation négative de ses pensées et de ses actes ainsi que de ses capacités à leur résister.

Au sein du modèle de “ l’impulsivité perçue ”, c’est donc l’interaction entre une dimension impulsive objective et le développement de schémas de responsabilité/culpabilité qui est supposée à l’origine de la perception de sa propre impulsivité par le sujet. La mise en place des actes compulsifs, rituels mentaux ou moteurs, est secondaire à cette “ impulsivité perçue ”. Ils visent à prévenir le passage à l’acte par la mise en place de comportements de neutralisation. Ils permettent également de diminuer l’anxiété ainsi que les sentiments de culpabilité et de responsabilité vis-à-vis du contenu des pensées intrusives. Le trouble obsessionnel-compulsif serait ainsi caractérisé par une compulsivité compensatoire de l’impulsivité perçue et non tolérée par le sujet. Perçue par le patient comme dangereuse, l’impulsivité est compensée par la compulsivité qui est une tentative de mettre sous contrôle tout danger potentiel pouvant menacer autrui. La procrastination constitue une activité compulsive de neutralisation par laquelle le sujet cherche avant tout à ne pas agir, à ne pas prendre de décision afin de ne pas être responsable des conséquences fatales de ses actions pour autrui, conséquences qui constituent le contenu même des pensées intrusives. Les rituels de lavage visent à prévenir la contamination des autres. Les rituels de vérification sont mis en jeu pour arrêter à temps les catastrophes qui sont anticipées dans les obsessions.

En somme, une interaction entre une dimension biologique d’impulsivité, certains facteurs de l’environnement social, tels que des principes éducatifs rigides culpabilisant et responsabilisant et la survenue de facteurs environnementaux anxiogènes va conduire le sujet à juger négativement l’état d’impulsivité activé. Il tente alors de le réprimer et de le mettre sous contrôle par des compulsions mentales (neutralisations) ou comportementales (rituels). Une vue synthétique de ce modèle est présentée dans la figure 9.

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Figure 9. Modèle de l’impulsivité perçue et de la compulsivité compensatoire (Cottraux, 1995, 1998)