2.2.3. Le Questionnaire d’Impulsivité, d’Aventurisme et d’Empathie de Eysenck (Adult IVE-7)

L’intérêt de H.J Eysenck et S.B.G. Eysenck pour le concept d’impulsivité est né d’un questionnement concernant l’élaboration d’un système de description de la personnalité et des différentes dimensions qui le compose. La personnalité et les comportements qui le caractérisent sont décrits en terme de traits (tels que l’impulsivité, la sociabilité, la persévération, l’activité), compris comme des dimensions de second ordre qui appartiennent et sont corrélés à des dimensions de premier ordre. Le modèle de référence est un système hiérarchique composé d’un grand nombre de traits mais de peu de dimensions primaires. A partir de l’élaboration d’un questionnaire de personnalité (l’EPI - Eysenck Personality Inventory qui remanié devient l’EPQ - Eysenck Personality Questionnaire, que l’on connaît actuellement) (Eysenck, Eysenck et Barret, 1985), trois facteurs de premier ordre ou dimensions primaires de la personnalité ont été extraits, le Psychoticisme (P), le Neuroticisme (N) et l’Extraversion (E). La dimension d’impulsivité, considérée comme un trait de second ordre a été incluse dans ce questionnaire et un certain nombre d’items y font référence. Une analyse factorielle antérieurement pratiquée sur des échelles d’impulsivité préexistantes a conduit Eysenck à isoler quatre facteurs relativement indépendants qui rendent compte de la dimension d’impulsivité : le facteur “ Impulsivité ” au sens étroit du terme (Narrow Impulsivity), le facteur “ Prise de risque ” (Risk-taking), le facteur “ Absence de planification ” (Non-planning) et le facteur “ vivacité ” (Liveliness). Au terme de plusieurs études (S. B. G. Eysenck, 1993), deux facteurs distincts de l’impulsivité ont été finalement postulées : une composante Impulsivité (Impulsiveness) et une composante Recherche d’aventure (Venturesomeness), la première associée préférentiellement à la dimension primaire de Psychoticisme et la seconde à celle d’Extraversion (Eysenck et Eysenck, 1978). La dimension Impulsivité regroupe les composantes Prise de risque, Absence de planification, Vivacité et Impulsivité “ étroite ” et la dimension Recherche d’aventure regroupe les composantes Recherche de sensation, Recherche d’expériences, Désinhibition et Susceptibilité à l’ennui.

C’est à partir de l’élaboration de deux facteurs distincts de la dimension Impulsivité, le facteur “ Impulsiveness ” et le facteur “ Aventuresomeness ”, que Eysenck et Eysenck ont donc élaboré une échelle d’Impulsivité et de Recherche d’aventure (Eysenck et coll., 1985 pour la 7 version). Etant donné la similarité de contenu des items relatifs à chacune de ces deux dimensions, une troisième échelle d’Empathie a été incluse afin de rompre la monotonie du questionnaire. Cette dernière version été étudiée sur deux populations de sujets normaux anglophones : un premier groupe de 1320 sujets (559 hommes d’âge moyen de 43.53 ans avec s(x) = 18.57 et 761 femmes d’âge moyen de 39.28 ans avec s(x) = 17.96) et un deuxième groupe de 589 sujets (383 hommes d’âge moyen de 25.07 ans avec s(x) = 9.94 ans et 206 femmes d’âge moyen de 27.85 ans avec s(x) = 10.87 ans). La consistance interne calculée séparément pour les hommes et les femmes est satisfaisante pour les trois dimensions (.84 et .83 respectivement pour le facteur Impulsivité, .85 et .84 pour le facteur Recherche d’aventure et 0.69 pour le facteur Empathie chez les hommes et les femmes). Les intercorrélations sont à .35 entre les dimensions Impulsivité et Recherche d’aventure et non significatives entre les dimensions Impulsivité et Empathie, Recherche d’aventure et Empathie. La structure factorielle de l’IVE 7 a été confirmée dans l’étude de Luengo et coll. (1991). Corulla (1987, 1988) (cités dans Luengo et coll., 1991) a également mis en évidence une corrélation persistante entre les dimensions Impulsivité et Recherche d’aventure. L’impulsivité et la recherche d’aventure apparaissent donc bien comme deux aspects distincts de la dimension Impulsivité au sens large. De l’ensemble des études de corrélations, il ressort que la dimension Impulsivité est corrélée préférentiellement avec la dimension primaire de Psychoticisme et la dimension Recherche d’aventure avec la dimension d’Extraversion. La dimension Empathie, quant à elle, apparaît positivement corrélée avec la dimension primaire de Neuroticisme et négativement avec celle de Psychoticisme. Les auteurs observent par ailleurs que les femmes obtiennent généralement un score plus élevé aux dimensions Impulsivité et Empathie alors que les hommes obtiennent un score plus élevé à la dimension Recherche d’aventure.

Le Questionnaire d’Impulsivité, d’Aventurisme et d’Empathie de Eysenck, dans sa 7 version actuelle, (Adult IVE-7) (Eysenck, Pearson, Easting et Allsopp, 1985 ; Eysenck S.B.J, 1993 ; Eysenck, H.J, 1993; Bouvard, 1999- traduction et version française non validée : Dupont, Bouvard et Cottraux., 1998) (Annexe IX.) est un auto-questionnaire qui comprend 54 items dont la cotation est en vrai/faux. Chaque item est côté 0 ou 1 en fonction d’une grille de correction. L’échelle se compose de trois sous-scores indépendants qui ne peuvent donner lieu à un score total. On distingue un score “ d’Impulsivité ” qui comprend 19 items, un score de “ Recherche d’aventure ” qui comprend 16 items et un score “ d’Empathie ” qui comprend 19 items. La dimension “ Impulsivité ” renvoie au fait d’agir de manière impulsive, sans réflexion préalable et sans évaluation des risques et conséquences d’une action. La dimension “ Recherche d’aventure ” caractérise les sujets qui agissent en tenant compte des risques encourus. La dimension “ Empathie ”, enfin, totalement indépendante des deux autres et utilisée comme distracteur, est définie comme la faculté de s’identifier à l’autre et de faire preuve de compassion. Plus le score est élevé pour l’une ou l’autre des dimensions, plus cette dimension constitue un trait de personnalité important. Il est à noter qu’un sujet peut obtenir des scores élevés à plusieurs dimensions parallèlement.

La répartition de l’ensemble des items selon les trois dimensions évaluées est la suivante :

Eysenck et Eysenck ont fourni des valeurs normatives obtenues à partir des deux populations de sujets contrôles cités plus haut, normes disponibles pour les deux sexes et par tranche d’âge, de 16 à 89 ans (Eysenck et coll., 1985). Ces normes sont présentées dans le tableau 7.

Tableau 7. - Moyennes () et écarts-type () des trois scores de l’IVE 7 obtenus auprès de deux populations contrôles anglophones (Eysenck et coll., 1985).
HOMMES FEMMES
Echantillon 1
n = 559
Age moyen de
43.53 (s(x) =18.57)
Echantillon 2
n = 383
Age moyen de
25.07 (s(x) = 9.94)
Echantillon 1
n = 761
Age moyen de
39.28 (s(x) = 17.96)
Echantillon 2
n = 206
Age moyen de
27.85 (s(x) =10.87)
FACTEURS m(s(x)) m (s(x)) m (s(x)) m (s(x))
Impulsivité 6.55 (4.43) 8.76 (4.31) 7.48 (4.42) 8.17 (4.44)
Recherche d’aventure 7.64 (4.25) 10.61 (3.22) 6.51 (4.0) 8.32 (3.83)
Empathie 12.01 (3.31) 11.22 (3.51) 14.32 (2.92) 14.26 (3.12)

Il est également possible de se référer aux scores moyens obtenus par Luengo et coll. (1991) dans leur étude visant à compare la BIS-10 et l’IVE 7 auprès d’une population de 307 étudiants de langue espagnole. Les valeurs obtenues sont présentées dans le tableau 8. Les scores moyens d’impulsivité obtenus apparaissent moins élevés que les valeurs normatives obtenus par Eysenck et coll. (1985). Les scores de Recherche d’aventure et d’Empathie sont par contre similaires. Par ailleurs, Luengo et coll. (1991) retrouvent les différences obtenues entre hommes et femmes dans l’étude de Eysenck et coll. (1985) pour les dimensions Recherche d’aventure Empathie mais non pour celle d’Impulsivité.

Tableau 8. - Moyennes () et écarts-type () des trois scores de l’IVE 7 obtenus auprès d’une population espagnole (Luengo et coll., 1991).
Echantillon Total
n = 307
Age moyen de
21.85 (s(x) = 2.72)
Hommes
n = 55
Age moyen de
21.42 (s(x) = 4.03)
Femmes
n = 252
Age moyen de
21.94 (s(x) = 2.36)
FACTEURS m(s(x)) m (s(x)) m (s(x))
Impulsivité 6.64 (3.99) 6.62 (4.19) 6.65 (3.95)
Recherche d’aventure 9.6 (3.83) 11.40 (3.5) 9.21 (3.8)
Empathie 14.46 (2.78) 13.10 (14.76) 14.76 (2.6)

Il n’existe, par contre, pas de version française de cette échelle qui ait été validée et normalisée auprès d’une population de sujets francophones. Quelques études ont par ailleurs étudié cette échelle auprès de patients présentant un trouble du contrôle des impulsions (Kennedy et Grubin, 1990) ainsi qu’un trouble des conduites alimentaires de type boulimie (Fahy et Eisler, 1993). Eysenck a également étudié l’IVE auprès de sujets délinquants (Eysenck, S.B.G, 1993). Les résultats indiquent que les sujets délinquants présentent des scores d’impulsivité plus élevés que les sujets contrôles, des scores d’empathie plus faibles et des scores de recherche d’aventure similaires. Il est à noter qu’il existe également une version de l’IVE pour les enfants (Junior IVE- Eysenck, Easting et Pearson, 1984).

Comme pour la BIS-10, l’IVE-7 constitue un instrument psychométrique sans doute plus utile dans le cadre de travaux de recherches clinique et cognitive que dans un cadre d’aide au diagnostic ou d’évaluation clinique individuelle.