DISCUSSION

1. Caractéristiques démographiques

Les trois groupes de sujets évalués sont appariés pour les variables de sexe, d’âge et de niveau d’éducation.

Les trois échantillons de sujets évalués sont majoritairement constitués de femmes avec une sur-représentation féminine essentiellement dans le groupe de sujets impulsifs et obsessionnels-compulsifs. Cette sur-représentation féminine s’explique par le biais de recrutement des patients dans les services de psychiatrie spécialisés dans les troubles anxieux et dépressifs. Cette prédominance féminine est, par ailleurs, retrouvée pour la personnalité borderline dans la littérature (Zanarini et coll., 1989 ; Chaîne et coll., 1995 ; Bateman et Fonagy, 1999). En ce qui concerne le trouble obsessionnel-compulsif, la littérature rapporte un sexe-ratio voisin de 1., certaines études indiquant néanmoins une prévalence légèrement supérieure chez les femmes (Antony et coll., 1998).

La tranche d’âge dans laquelle se place nos trois échantillons s’étend de 18 à 51 ans avec une moyenne située autour de 30-35 ans. On sait que l’évolution de la symptomatologie borderline se caractérise par une atténuation des conduites impulsives, addictives et suicidaires avec l’âge. Durant la quatrième et la cinquième décennie, les sujets deviennent généralement plus stables dans leurs relations et dans leur vie professionnelle (DSM-IV, American Psychiatric Association, 1994). Les sujets impulsifs de notre étude, avec une moyenne d’âge 35.22, se situent donc théoriquement à la période charnière au cours de laquelle une atténuation des conduites impulsives est observée. Cette donné nous semble importante à prendre en considération car elle peut constituer un facteur modérateur sur les performances d’impulsivité obtenues tant au niveau des évaluations psychométriques que de la mesure comportementale pratiquées.

Le nombre moyen d’années d’études correspond à un niveau Bac + 1 pour les deux groupes de patients et Bac + 2 pour le groupe de sujets contrôles. Au regard des évaluations psychométriques et de la tâche informatique proposées, La différence significative observée entre sujets obsessionnels et contrôles ne nous semblent pas constituer un facteur déterminant dans les différences de performances observées.

Concernant la tâche Go / no go , les études utilisant le même paradigme que celui employé dans cette étude n’évoquent pas d’effets de la variable, âge, sexe ou niveau d’études sur les performances (Iaboni et coll., 1995, LeMarquand et coll.,1998, 1999). Ces variables n’apparaissent ni en tant que covariants, ni en tant que variables prédictives des performances. Dans notre étude, l’âge apparaît comme une variable prédictive significative du nombre d’erreurs de commission et d’omission tout groupe confondu : Une augmentation de l’âge serait liée à une baisse globale des performances, donc à une accentuation des déficits d’inhibition et des erreurs attentionnelles.

Sur le plan des évaluations psychométriques,

En ce qui concerne l’Echelle d’Impulsivité de Eysenck (IVE-7), si Luengo et coll. (1991) n’indiquent pas d’effet du sexe sur les scores d’impulsivité dans une population de sujets contrôles jeunes, Eysenck et coll. (1985) observent, à l’inverse, que les femmes de ses échantillons obtiennent des scores d’impulsivité plus élevés que les hommes. Il note, par ailleurs, que les sujets jeunes présentent des scores d’impulsivité significativement plus élevés que les sujets adultes. Nos données psychométriques n’indiquent pas d’effet du sexe, sachant l’existence d’une sur-représentation féminine dans les deux groupes de patients. En revanche, elles montrent un effet de l’âge sur les scores d’impulsivité, mais, à nouveau, uniquement dans le groupe de patients impulsifs : l’élévation de l’âge s’accompagne d’une augmentation du score d’impulsivité, comme il s’accompagne une élévation du nombre d’erreurs de commission. Cet effet est à l’inverse de celui observé par Eysenck et coll. (1985) mais il n’est pas observé sur la même population de sujets, les résultats de l’étude de Eysenck et coll. (1985) ayant été obtenus auprès de sujets contrôles. Bien que ce résultat apparaisse en contradiction avec l’observation d’une atténuation des conduites impulsives avec l’âge noté dans le cadre du trouble de personnalité borderline et qu’il puisse être expliqué par la faible taille de notre échantillon, il permet, néanmoins, d’éliminer le biais, évoqué plus haut et constitué par une corrélation négative entre l’âge et la dimension d’impulsivité pour l’interprétation des performances au paradigme Go / no go ainsi que pour les évaluations psychométriques.

En ce qui concerne l’Echelle d’Impulsivité de Barratt (BIS-10), les données disponibles peuvent être considérées pour information mais ne peuvent être utilisées de manière comparative avec nos résultats. En effet, les études de Luengo et coll. (1991) et Baylé et coll. (2000) portent sur la 10 version de la BIS mais se réfèrent à un mode de cotation des items discontinu. L’étude de Patton et coll. (1995) porte, quant à elle sur la dernière version de l’échelle (la BIS-11). On note cependant que Luengo et coll. (1991) comme Patton et coll. (1995) n’observent pas de différence liée à la variable sexe sur deux échantillons de sujets contrôles jeunes (étudiants) et dans une population de patients présentant un ou des trouble(s) addictif(s). Par contre, Patton et coll. (1995) observent une élévation du score total des sujets de sexe féminin comparés aux sujets de sexe masculin dans une population de patients de psychiatrie générale (présentant des troubles de l’humeur, des troubles de personnalité et/ou des troubles anxieux). Baylé et coll. (2000) observent, quant à eux, une faible corrélation entre l’âge et le score total et les deux sous-scores impulsivité “ motrice ” et impulsivité “ non-planification ”. Cet ensemble de corrélations n’est par ailleurs pas affecté par la variable sexe. Enfin, le sous-score d’impulsivité “ cognitive ” varie avec l’âge et avec le sexe : les femmes de classe d’âge supérieure à 33 ans présentent des scores significativement supérieurs à ceux obtenus par les hommes de la même classe d’âge. Dans notre étude, nous n’observons ni d’effet du sexe ni de l’âge sur les trois sous-échelles d’impulsivité de la BIS-10.

En ce qui concerne la version abrégée de l’Inventaire Multiphasique de la Personnalité du Minnesota (Minimult), dans le cas de l’échelle de “ déviation psychopathique ”, il est intéressant de noter qu’elle a été élaborée à partir d’une population présentant un diagnostic de personnalité psychopathique composée de sujets jeunes et majoritairement de sexe féminin. Dans notre étude, les analyses pratiquées indiquent uniquement une corrélation négative entre l’âge et le score obtenu à cette échelle pour le groupe de sujets contrôles. L’accroissement de l’âge s’accompagnerait, dans cet échantillon, d’une diminution du score de déviation psychopathique. Ces données sont compatibles avec les observations cliniques d’une atténuation des comportements et manifestations impulsives avec l’âge ainsi qu’avec les données de Eysenck et coll. (1985) obtenues à l’IVE auprès de sujets contrôles. Nous n’observons cependant pas d’effet de l’âge ou du sexe dans les deux groupes de patients.

Finalement, la dimension d’impulsivité n’apparaît pas clairement corrélée eux variables d’âge et de sexe. La variable sexe semble avoir plus clairement un effet sur l’intensité de l’impulsivité, les femmes obtenant généralement des scores plus élevés que les hommes. Etant donné le caractère subjectif des modes d’évaluation sur lesquels se basent ces observations, il est également possible de considérer les choses différemment : les hommes se considèrent comme étant moins impulsifs que les femmes. Dans notre étude, nous ne retrouvons aucun effet du sexe sur les différents scores d’impulsivité obtenus. Nous observons une corrélation négative de l’âge avec l’intensité de l’impulsivité pour le groupe de sujets contrôles à l’échelle de déviation psychopathique du Minimult et une corrélation, au contraire, positive pour le groupe de sujets impulsifs à l’échelle d’impulsivité de l’IVE.