2. Place de la dimension impulsive dans le TOC : IMPULSIVITE PERCUE

2.1. Impulsivité comportementale et cognitive

L’évaluation de la dimension impulsive à l’aide d’échelles et de questionnaires requière une démarche d’auto-évaluation et fournit une appréciation subjective de la manière dont le sujet se perçoit. Les manifestations impulsives, cognitives, comportementales et émotionnelles qui sont proposées à la cotation font appel à la perception que le sujet a de lui-même, de sa personnalité et des comportements et attitudes qui lui semblent caractéristiques de son fonctionnement. Le sujet se positionne donc le long du continuum qu’implique la dimension d’impulsivité. En ce sens, il s’agit bien d’une impulsivité perçue.

Les sujets obsessionnels-compulsifs de notre population ne se perçoivent comme particulièrement impulsifs, tout du moins ils ne s’évaluent pas plus impulsifs que les sujets contrôles en ce qui concerne la dimension d’impulsivité de Eysenck et la dimension d’impulsivité “ motrice ” de Barratt. Ils se perçoivent également comme moins impulsifs que les sujets impulsifs, qui obtiennent, en ce sens, les scores les plus élevés. Ces deux échelles rendent compte essentiellement des composantes motrice et comportementale de l’impulsivité. Dans le cadre de la BIS-10, cette échelle mesure la composante comportementale de l’impulsivité (Baylé et coll., 2000). Elle est définie par Patton et coll. (1995) comme “ le fait d’agir en l’absence de réflexion ” et Luengo et coll. (1991) lui assignent les composantes de prise de risque, d’action sans réflexion préalable. Dans le cadre de l’IVE-7, l’échelle d’impulsivité est également définie par la composante motrice de l’impulsivité (narrow impulsivity) et par les composantes de prise de risque, d’absence de planification et de “ vivacité ” (liveliness) (Eysenck et coll., 1985). Elle est considérée comme une caractéristique comportementale présente chez les sujets qui agissent sans réfléchir et sans évaluer les risques qu’impliquent leurs comportements et leurs actions (Luengo et coll., 1991).

Si l’hypothèse d’une impulsivité comportementale n’est pas mise en évidence avec deux des outils psychométriques utilisés dans cette étude, on constate que la mesure d’impulsivité fournie par l’échelle clinique de déviation psychopathique du Minimult indique que les sujets obsessionnels-compulsifs obtiennent des scores considérés comme pathologiques, équivalents à ceux obtenus par les sujets impulsifs. Les deux groupes de patients se distinguent, par ailleurs, significativement du groupe de sujets contrôles par le profil clinique obtenu avec une élévation pathologique et concomitante des échelles de psychasthénie, de schizophrénie et de déviation psychopathique. Ce profil clinique confirme celui observé dans deux études antérieures menées auprès de sujets obsessionnels (Carey et coll., 1986 et Cotraux et Mollard, 1992). Selon les analyses factorielles pratiquées par Green (1980), l’échelle de déviation psychopathique regroupe cinq facteurs : timidité, hypersensibilité, délinquance, contrôle des impulsions et neuroticisme. Elle inclus la composante comportementale de l’impulsivité : elle témoigne d’un caractère narcissique à la recherche de buts immédiats, en l’absence de réflexion et de prévision (Greene, 1980) et l’incapacité à tirer profit de l’expérience (Cottraux et Mollard, 1992).

On peut s’interroger sur les facteurs qui peuvent rendre compte de la dissociation des scores entre les deux échelles d’impulsivité de Barratt et Eysenck et l’échelle de déviation psychopathique du Minimult. Les résultats des analyses de corrélations entre ces trois échelles indiquent l’existence d’une corrélation positive entre le score d’impulsivité total et la dimension d’impulsivité motrice de la BIS-10 et la dimension d’impulsivité de l’IVE-7. Ces corrélations sont significatives pour les trois groupes de sujets. Par contre, aucune corrélation significative n’est observée entre les différentes mesures d’impulsivité de Barratt et de Eysenck et l’échelle clinique de déviation psychopathique. Cette absence de corrélation indique probablement que l’échelle clinique du Minimult n’évalue pas les mêmes composantes d’impulsivité que les deux autres. Les dimensions auxquelles elle renvoie et évoquées plus haut (Greene, 1980 ; Cottraux et Mollard, 1992) renvoient effectivement à la dimension comportementale d’impulsivité mais regroupent également d’autres dimensions de la personnalité parfois divergentes telles que l’absence de réponse émotionnelle profonde évoquée par Cottraux et Mollard (1992) et les facteurs hypersensibilité et timidité extraits par Greene (1980) qui ne sont pas inclus dans les conceptions de la dimension impulsive développée par Barratt et Eysenck.

Enfin, les patients obsessionnels-compulsifs obtiennent des scores d’impulsivité “ cognitive ” significativement supérieurs aux sujets contrôles et comparables à ceux obtenus par les sujets impulsifs. Cette composante de la dimension impulsive est définie comme “ une prise de décision cognitive rapide ” (Patton et coll., 1995) et le contenu des items est relatif aux difficultés éprouvées par les sujets pour des tâches intellectuelles, en particulier en terme de prise de décision, de patience et de rapidité de pensée et à leur propre façon d’évaluer leur mode de fonctionnement cognitif (Baylé et coll., 2000).