2.2. Procrastination et prise de décision cognitive rapide

Les sujets obsessionnels de notre étude se considèrent donc comme étant impulsifs sur le plan cognitif.

Si l’on se réfère à la définition donnée par Barratt de l’impulsivité “ cognitive ”, les sujets obsessionnels de notre étude se perçoivent donc comme prenant des décisions rapidement. Selon Baylé et coll. (2000), le contenu des items est relatif aux difficultés éprouvées par les sujets pour des tâches intellectuelles, en particulier en terme de prise de décision, de patience et de rapidité de pensée et à leur propre façon d’évaluer leur mode de fonctionnement cognitif. Nos résultats peuvent paraître surprenant au regard des attitudes cognitives de doute pathologique, d’indécision, d’incertitude et de perfectionnisme conduisant fréquemment à des comportements de procrastination, constituant souvent des manifestations cognitives typiques de la symptomatologie obsessionnelle-compulsive (Ferrari, 1993) et qui peuvent parfois même entraîner un ralentissement moteur (Hymas et coll., 1991). Ces attitudes cognitives viennent différer et freiner la prise de décision et par conséquent l’exécution d’une action. Cependant, comme cela a été développé dans le modèle de Ferrari (1993), l’attitude perfectionniste des sujets qui les conduit à se focaliser sur des détails, empêchant la formation d’une perception synthétique et globale, ainsi que l’absence de prise en compte de tous les éléments pertinents à la réalisation d’une action, peut entraîner, certes, une prise de décision différée mais peut également conduire à une prise de décision et une exécution de l’action irréfléchie et rapide dans le sens où elle est exécutée par le sujet dans un état “ d’urgence ”, au terme d’un temps de préparation long mais inefficace. Dans une perspective de similarités entre comportements impulsifs “ dysfonctionnels ” comme l’entend Dickman (1990), processus cognitif de doute pathologique et d’indécision et comportements de procrastination, il est possible d’interpréter la perception que les sujets obsessionnels ont de leur impulsivité cognitive. Au terme d’un temps de préparation à l’action constitué de réflexions infructueuses et d’une attitude d’évitement du fait du phénomène de doute pathologique, l’exécution de l’action va être réalisée de manière brutale et rapide. Considérant alors leurs prises de décision comme insuffisamment réfléchies, les sujets obsessionnels-compulsifs peuvent considérer leur attitude de prise de décision comme étant impulsive.

Par ailleurs, étant donné la charge émotionnelle négative, en terme d’anxiété, que constitue une situation de prise de décision pour une personne confrontée au processus cognitif de doute et d’indécision, le “passage à l’acte” ou l’émission impulsive d’un comportement peut constituer un mode de décision et de résolution de problème permettant l’extinction à court terme de la réponse émotionnelle anxieuse. Le témoignage d’une patiente illustre cette idée : “ face au doute, soit je n’agis pas du tout, soit, j’agis au contraire de manière impulsive pour ne pas laisser le temps que le doute s’immisce ”.