2.3. Impulsivité cognitive et pensées intrusives obsessionnelles

Les items associés à la sous-échelle d’impulsivité “ cognitive ” renvoient également à la notion de rapidité de la pensée et donc à l’intensité de l’activité cognitive. Il est intéressant de noter que les différentes analyses factorielles pratiquées par Barratt et d’autres chercheurs afin de valider les trois sous-dimensions d’impulsivité postulées n’ont jamais permis d’extraire un facteur spécifiquement cognitif d’impulsivité (Luengo et coll., 1991). Les items composant cette dimension se répartissent sur l’ensemble des trois facteurs mis en évidence, celui d’impulsivité “ motrice ”, “ cognitive ” et de “ non-planification ” (Patton et coll., 1995). La distinction apparaît finalement difficile à faire entre la composante motrice et cognitive de l’impulsivité. Dans la 11 et dernière version de la BIS-10 (la BIS-11), les items de cette sous-échelle ont d’ailleurs été regroupés sous la facteur impulsivité “ idéomotrice ”. Si l’on examine de plus près les différents items qui sont censés rendre compte de la composante cognitive de l’impulsivité dans la version que nous avons utilisée (BIS-10), cette sous-dimension peut, selon nous, renvoyer à trois grandes caractéristiques de l’activité cognitive :

  1. La prise de décision cognitive rapide (p. ex., item 3 : “ Je me décide rapidement ”, item 12 : “ Je réfléchis soigneusement ”, item 27 : “ Je résous les problèmes par tâtonnements ”)

  2. Les difficultés d’attention focalisée et de concentration (p. ex ., item 18 : “ Réfléchir à un problème m’ennuie vite ”, item 9 : “ Je me concentre facilement ”, item 24 : “ Je ne peux penser qu’à un problème à la fois ”)

  3. L’intensité de l’activité cognitive ainsi que les phénomènes de perturbation cognitive de l’activité mentale et du cours de la pensée associés à des pensées interférentes (p. ex., item 6 : “ J’ai des idées qui fusent ”, item 30 : “ Quand je réfléchis, mes pensées s’égarent souvent ”)

Si l’on accepte que la dimension d’impulsivité “ cognitive ” implique ces trois composantes cognitives distinctes, il est possible de considérer l’élévation des scores obtenus à cette échelle par les sujets compulsifs comme pouvant rendre compte des manifestations obsessionnelles : les pensées intrusives fréquentes, égodystoniques et perturbatrices de l’activité cognitive. Pour certains auteurs comme Wells et Mathews (1994) ou Salkovskis (1999), l’intensité et la fréquence de survenue des pensées intrusives ainsi que l’incapacité à les inhiber, à les différer ou du moins à les rejeter hors de la conscience sont des manifestations de l’activité cognitive générées par un phénomène de biais attentionnel et d’attention focalisée consécutifs à l’activation de schémas cognitifs spécifiques. On sait, par ailleurs, que les tentatives volontaires pour supprimer une pensée aboutissent à un phénomène paradoxal d’accroissement de cette pensée (Lavy et Van Den Hout, 1990 ; Purdon, 1994). Les perturbations attentionnelles et du cours de la pensée que provoque la survenue répétée de pensées obsédantes peuvent, par conséquent, être interprétées par les sujets obsessionnels comme une impulsivité cognitive. De plus, en particulier en ce qui concerne les phobies d’impulsions, le contenu même des pensées obsédantes est associé à des impulsions (la peur de faire du mal, d’avoir bousculé quelqu’un, la crainte de provoquer un accident, la profération d’un blasphème que le sujet se sent obligé de conjurer). Enfin, dans le cadre des entretiens cliniques et thérapeutiques, le discours des patients est souvent empreint de plaintes concernant le fait d’avoir une “ activité mentale continuelle ”, d’être en permanence dans une attitude de réflexion et de “ cogitation ”, d’être continuellement assailli de pensées et de n’avoir jamais  “ l’esprit libre ”. Ce profil clinique diffère d’ailleurs de celui observé dans la personnalité borderline, où les patients oscillent entre une activité mentale intense, proche de celle retrouvée lors d’épisodes hypomaniaques ou maniaques et une sensation de vide intérieur.