3. IMPULSIVITE COMPORTEMENTALE ET PROCESSUS D’INHIBITION / DESINHIBITION

3.1. Performances de commission et dimension d’impulsivité

3.1.1. Performances de commission en tant que corrélat d’une réponse motrice impulsive

Le groupe de sujets impulsifs évalués fait un nombre d’erreurs de commission significativement plus élevé que le groupe de sujets contrôles dans la condition de renforcement R+/R+ (condition dans laquelle les erreurs ne sont pas renforcées négativement et ou seules les réponses correctes sont systématiquement renforcées positivement) et dans le premier bloc d’essais uniquement. Ces résultats ne valident pas les capacités de la version du paradigme Go / no go que nous avons utilisé à mettre en évidence le principe d’évitement passif d’un renforcement négatif et la dimension d’impulsivité comportementale entendue comme un déficit d’inhibition chez des sujets présentant des comportements impulsifs pathologiques dans une condition de renforcement où les renforcements positifs et négatifs sont en compétition. En terme écologique, une telle condition est associée aux situations dans lesquelles l’impulsivité est censée se manifester de manière la plus marquée et dans lesquelles les difficultés à inhiber un comportement qui satisfait un besoin immédiat ou procure du plaisir à court terme mais qui est néfaste à moyen et/ou à long terme surviennent.

Les performances de nos trois groupes de sujets apparaissent fait équivalentes dans la condition de renforcement R-/R+, censée rendre compte de ce principe d’évitement passif d’un renforcement négatif et qui est la condition de renforcement préférentielle dans laquelle les erreurs de commission sont corrélées à la dimension impulsive. Elles contredisent donc les données des études antérieures utilisant le même paradigme (Iaboni et coll., 1995 ; Lemarquand et coll., 1998, 1999). Néanmoins, l’observation du nombre moyen d’erreurs montre que ce sont les sujets impulsifs qui présentent le nombre d’erreurs de commission, toutes conditions confondues, le plus élevé et que c’est, de plus, dans la condition R-/R+, que ce taux est le plus élevé.

La condition de contingence inverse R+/R- qui satisfait le même principe est celle qui, paradoxalement, présente le plus faible taux d’erreurs de commission pour les trois groupes de sujets. C’est pourtant dans cette condition que Newman et coll. (1985) ainsi que Newman et Kosson (1986) et Patterson et coll. (1987) retrouvent le plus fort taux d’erreurs de commission. Leurs procédures Go / no go n’impliquent cependant pas de condition R-/R+, ce qui peut rendre en partie compte des divergences de résultats. Ils ont néanmoins recours à une condition au moins dans laquelle un seul mode de renforcement (positif ou négatif) est appliqué. Or en l’absence de compétition des modes de renforcement, ils n’observent pas de différences significatives entre leur groupe contrôle et les groupes de sujets présentant des conduites impulsives.

Les divergences observés entre nos résultats et ceux des études antérieures peut s’expliquer par la faiblesse de nos échantillons. Cependant, dans les études que nous citons, les échantillons de sujets évalués sont également faibles et ne dépassent pas 30 sujets par groupe. Une autre hypothèse peut-être faite. En effet, les groupes de sujets évalués dans les études anglo-saxonnes auxquelles nous nous référons sont le plus souvent constitués de sujets présentant des conduites hautement impulsives, hétéro-agressives et violentes, beaucoup plus importantes que les sujets impulsifs de notre étude. Ils se situent à l’extrémité de la dimension d’impulsivité. Par ailleurs, l’étude de Iaboni et coll. (1995) est conduite chez des enfants présentant un trouble de l’attention et de l’hyperactivité. LeMarquant et coll. (1998, 1999) utilisent, enfin, une procédure consistant à provoquer une réduction du taux de sérotonine et évaluant donc une impulsivité induite physiologiquement.

Une explication peut être également apportée concernant le fait que la condition R+/R- présente le plus faible taux d’erreurs de commission pour les trois groupes alors que la condition R-/R+ est celle qui présente le plus fort taux d’erreurs de commission. La logique qui sous-tend le rapport entre le type de réponse fournie et les contingences de renforcement qui lui sont associées est source d’un conflit plus important dans la condition R-/R+ que dans celle R+/R-. Du point de vue du déroulement de la procédure, nous avons remarqué que l’ensemble des sujets a eu beaucoup plus de difficultés à comprendre et à intégrer les instructions relatives à la condition R-/R+ comparées aux consignes relatives aux trois autres conditions. Le mode de réponse (réponse motrice ou son inhibition) et la répartition des contingences de renforcement (“ punition ” pour avoir oublié de fournir la réponse motrice, “ récompense ” pour l’avoir inhibée) présentent une logique inattendue pour les sujets et entrent en conflit. Etre “ récompensé ” pour avoir émis un comportement adapté et être “ puni ” pour avoir émis un comportement inadapté (condition R+/R-) constitue un cas de figure plus écologique et plus souvent rencontré dans l’environnement naturel et social que le fait d’être “ puni ” pour ne pas avoir émis un comportement requis et d’être au contraire “ récompensé ” pour ne pas avoir émis un comportement inadapté et non attendu (condition R-/R+).