CONCLUSION

En conclusion, les résultats de cette étude confirment en partie nos hypothèses en ce qui concerne l’existence d’une composante d’impulsivité comportementale dans le trouble obsessionnel-compulsif. Le tableau ci-dessous présente une vue synthétique de nos résultats.

DIMENSION METHODE D’EVALUATION RESULTATS
IMPULSIVITE PERCUE ECHELLES PSYCHOMETRIQUES 
(auto-évaluation)
Impulsivité comportementale Score IVE- 7 impulsivité
TOC < ; Imp. (S)
Cont < ; Imp. (S)
Score BIS-10 Impulsivité Motrice
TOC = Cont.
Profil Minimult Elévation pathologique (score 70) des échelles cliniques “Pd”, “Pt”, “Sc”
TOC = Imp.

Impulsivité Cognitive Score BIS-10 Impulsivité Cognitive TOC = Imp. (S)
TOC > ; Cont. (S)

Imp. > ; Cont. (S)
Non Planification Score BIS-10 Non -Planification TOC < ; Imp. (S)
TOC < ; Cont. (S)

Imp. = Cont.
IMPULSIVITE COMPORTEMENTALE PROCEDURE EXPERIMENTALE : Tâche Go / No go
Déficit de contrôle
comportemental
Erreurs de commission TOC > ; Cont.  (S):
Dans toutes les conditions sauf R-/R+
Imp. > ; Cont. (S) :
Dans condition R+/R+
uniquement
LEGENDE  : IVE-7 : Echelle d’Impulsivité de Eysenck ; BIS-10 = Echelle d’Impulsivité de Barratt ; Minimult = version abrégée de l’Inventaire Multiphasique de la Personnalité du Minnesota  ; Echelle “Pd” = échelle clinique de déviation psychopathique ; Echelle “Pt” = échelle clinique de psychasthénie ; Echelle “Sc” = échelle clinique de schizophrénie ;  TOC = groupe de sujets obsessionnels-compulsifs ; Imp. = groupe de sujets impulsifs (trouble de personnalité borderline et/ou trouble de contrôle des impulsions ; Cont. = groupe de sujets contrôles ; R-/R+ = condition dans laquelle un renforcement négatif est associé à l’absence d’émission d’une réponse motrice pour le stimulus Go et un renforcement positif est associé à l’inhibition de la réponse motrice pour le stimulus No go ; R+/R+ = condition dans laquelle un renforcement positif est associé à l’émission d’une réponse motrice pour le stimulus Go ainsi qu’à l’inhibition de la réponse motrice pour le stimulus No go ; (S) = différence statistiquement significative à .05

Nous reproduisons les résultats des deux études antérieures indiquant une élévation pathologique de l’échelle clinique de déviation psychopathique de la version abrégée du MMPI chez des patients obsessionnels-compulsifs (Carey et coll., 1986 ; Cottraux et Mollard, 1992). Les sujets obsessionnels-compulsifs de notre échantillon ne présentent cependant pas la dimension d’impulsivité motrice et comportementale définie par Barratt et Eysenck en terme de dimension de la personnalité. L’absence de planification et d’anticipation des comportements et de leurs conséquences, n’apparaît pas non plus comme une manifestation présente chez ces sujets, ce résultat s’accordant par ailleurs avec les données empiriques issues des modèles cognitifs. En revanche, ils présentent une impulsivité cognitive marquée sur l’échelle d’Impulsivité de Barratt (BIS-10) comparable à celle mesurée pour le groupe de sujets impulsifs, et significativement supérieure à celle des sujets contrôles. Les rituels moteurs et les compulsions ne semblent donc pas considérés par les patients obsessionnels comme des comportements impulsifs, bien qu’ils impliquent un échec du contrôle de soi. Ces derniers se perçoivent seulement impulsifs dans le domaine du fonctionnement cognitif et de l’activité intellectuelle. Cette dimension d’impulsivité cognitive peut rendre compte de la survenue fréquente, répétitive et intrusive des pensées obsessionnelles. Les perturbations attentionnelles et du cours de la pensée que provoque la survenue des pensées intrusives peuvent être interprétées par les sujets comme la manifestation d’une impulsivité cognitive. Il serait intéressant de vérifier si la dimension cognitive de l’impulsivité mis en évidence est domaine-spécifique et s’applique seulement aux pensées intrusives.

Les données fournies par la passation du paradigme Go / No fournissent également des preuves partielles concernant l’hypothèse d’un déficit d’inhibition comportementale associée à la dimension d’impulsivité et à celle de compulsivité. Les sujets obsessionnels et impulsifs évalués obtiennent un taux d’erreurs de commission équivalent mais des profils de performance différents. Un déficit d’inhibition comportementale dont rendent compte les erreurs de commission est observé pour le groupe de sujets obsessionnel dans toutes les conditions de renforcement sauf pour celle associée au principe théorique d’évitement passif d’un renforcement négatif. Les sujets impulsifs, quant à eux, présentent uniquement un déficit d’inhibition de la réponse motrice pour les stimulations associées à des contingences de renforcement positifs. L’hypothèse théorique d’un déficit du processus d’évitement passif des conséquences négatives d’un comportement associé à la dimension impulsive n’est pas validée dans notre étude ni pour les sujets impulsifs ni pour les sujets obsessionnels. L’observation d’u taux d’erreurs de commission supérieur dans le groupe de sujets obsessionnels nous conduit néanmoins à supposer l’existence d’un déficit à inhiber une réponse comportementale. Ces sujets présenteraient à la fois un mode de réponse impulsif et un mode de réponse prudent, caractérisé par une inhibition préférentielle de la réponse motrice pour les situations spécifiques dans lesquelles la probabilité que l’émission d’un comportement soit suivie de conséquences négatives est élevée ou estimée comme telle. Les sujets impulsifs présenteraient des anticipations globalement poitives et les sujets des anticipations globalement négatives. La dimension compulsive serait donc associée à une stratégie de réponse comportementale dépendante de processus attentionnels orientés préférentiellement vers l’anticipation des conséquences négatives et “ risquées ” d’un comportement alors que les stratégies de réponse des sujets impulsifs seraient plutôt dépendantes d’une orientation préférentielle de l’attention vers les renforcements et conséquences positifs d’un comportement.

L’hypothèse d’une impulsivité primaire est donc en partie objectivée avec la mesure de la dimension clinique de déviation psychopathique de la version abrégée du MMPI. Le déficit d’inhibition comportementale postulée dans le TOC présente, par ailleurs un profil différent de celui observé dans les troubles caractérisés par des manifestations impulsives pathologiques et marquées. Cette divergence mériterait d’être approfondi par la réalisation d’autres études utilisant des protocoles expérimentaux dans lesquels les facteurs impliqués sont mieux contrôlés.

D’un point de vue thérapeutique, il nous semble intéressant de considérer les liens qui peuvent être faits entre le biais attentionnel exagéré que les sujets obsessionnels-compulsifs montrent pour les conséquences négatives et “ risquées ” envisagées à l’émission d’une réponse comportementale et à l’anticipation qu’ils en font, et le déficit de contrôle et d’inhibition de certaines réponses comportementales dépendantes de facteurs émotionnels difficilement