2.1. La séparation analytique de la croissance et du changement technique

Au‑delà de l’hommage rendu aux pionniers des théories de la croissance, c’est toute la base de l’analyse néoclassique traditionnelle de la croissance qui est résumée dans ces quelques mots. Solow rappelle que ses deux textes sont à l’origine de la théorie néoclassique de la croissance. Arrêtons‑nous un instant sur chacun d’eux :

  • le premier « A Contribution to the Theory of Economic Growth », publié en 1956, fournit les outils pour l’analyse de la croissance ;
  • le second « Technical Change and the Aggregate Production Function », publié en 1957, concerne le rôle du changement technique sur la croissance.

Dès le début, l’analyse néoclassique accepte de séparer l’étude de la croissance de celle du progrès technique. En fait, la question du progrès technique apparaît déjà dans l’article de 1956 mais est rapidement évoquée. Le progrès technique neutre au sens de Hicks est traité dans l’avant‑dernier paragraphe, au même titre que les variations de l’offre de travail, de la propension à épargner, de l’imposition et de la croissance de la population.

La séparation de facto des thèmes est intrinsèque aux théories néoclassiques. Elle peut être illustrée par deux exemples similaires non‑exhaustifs :

  • le premier correspond aux six leçons données par Solow [1970] lui‑même à l’Université de Warwick en Grande‑Bretagne en 1969. C’est dans la seconde moitié de la deuxième leçon seulement qu’est abordé le « progrès technologique » après une longue description des outils d’analyse de la croissance ;
  • le second exemple correspond au survey publié dans l’Economic Journal en 1964 par Hahn et Matthews. Les auteurs présentent d’abord « ces aspects de la théorie de la croissance qui peuvent être abordés en écartant le progrès technique » 129 avant de s’intéresser au progrès technique proprement dit.

La séparation de la croissance et du progrès technique n’est pas une singularité, mais constitue la base des théories néoclassiques de la croissance. Ses partisans mettent en avant la rigueur de sa construction qui, à partir d’un modèle basique, permet de traiter différents problèmes comme une augmentation de la population, une modification des comportements d’épargne ou encore un changement de l’état de la technologie, à la manière du modèle proposé par Solow en 1956.

Notes
129.

« Those parts of the theory of growth than can be dealt with in abstraction from technical progress », Hahn ‑ Matthews [1964], p. 780.