Chapitre 1
Application de la notion de programme de recherche scientifique àux sciences économiques

Dans la première partie, nous avons supposé que les analyses néoclassiques traditionnelles de la croissance et de l’innovation étaient complémentaires. De plus, avec le recul historique dont nous bénéficions, nous avons considéré qu’elles se comportaient comme la science normale au sens de Kuhn, dans la mesure où elles n’ont pas été remplacées par des approches alternatives. Les développements de ces thématiques au sein des théories de la croissance endogène et des théories évolutionnistes résultent d’une évolution interne propre aux analyses. Les théories présentées précédemment ont évolué différemment : les théories néoclassiques de la croissance ont modifié leur approche de la croissance, alors que les théories du changement technique se sont scindées en deux ensembles, l’un s’appuyant sur des hypothèses incompatibles avec le cadre néoclassique (les théories évolutionnistes) et l’autre continuant à travailler avec elles. Dans le même temps, les théories néoclassiques de la croissance et les théories évolutionnistes ont élargi leurs thèmes de recherche et ont porté leur attention sur une partie des questions et des problèmes soulevés par l’autre type de théories. En termes moins généraux, cet aspect souligne la remise en cause quasi‑unanime du découpage opéré entre la croissance et le changement technique. Les économistes s’accordent toujours à voir le changement technique et l’innovation comme le moteur principal de la croissance, mais désormais ils refusent de les voir comme deux analyses complémentaires. Dans ce contexte, le recours à des outils méthodologiques aptes à rendre compte de la concurrence durable entre des théories économiques est nécessaire. Le cadre de Kuhn ne suffit plus, dans la mesure où il n’est pas conçu pour expliquer la concurrence entre des théories. La méthodologie des programmes de recherche de Lakatos est un candidat des plus crédibles pour nous éclairer sur cette question.