3.1. Une notion difficile à mettre en œuvre

Dans l’introduction de l’ouvrage Appraising Economic Theories co‑édité avec Blaug, de Marchi [1991] récapitule différentes applications de la méthodologie des programmes de recherche scientifiques aux sciences économiques sur la période 1972‑1989. Même si la présentation n’est pas aussi explicite, elle distingue trois problématiques principales pour les trente‑trois références recensées et citées cinquante‑cinq fois en tout :

  • la première s’intéresse au programme de recherche néoclassique et à ses sous‑programmes. Une version extrême considère l’existence du seul programme de recherche néoclassique ;
  • la deuxième problématique suppose un ensemble de sous‑programmes issus du programme néo‑walrasien. Cette présentation considère que le noyau dur du programme général est constitué de l’analyse de l’équilibre général ;
  • la troisième problématique concerne l’existence et la définition d’autres programmes de recherche.

Les trois problématiques proposent à la fois des travaux théoriques et des travaux empiriques. de Marchi [1991] vérifie si chacune des références s’intéresse explicitement à la détermination de l’heuristique négative (le noyau dur), à la définition des éléments d’heuristique positive et à l’appréciation empirique du programme en question. Les résultats montrent que sur les cinquante‑cinq citations, trente‑neuf définissent le noyau dur du programme étudié, trente‑trois précisent ses éléments d’heuristique positive et vingt‑sept l’évaluent empiriquement. Onze seulement remplissent ces trois conditions simultanément. Des différents commentaires formulés par de Marchi, le plus important concerne certainement l’identification des programmes de recherche. Il note que les économistes définissent les caractéristiques de programmes de recherche dont ils n’ont pas vraiment justifié l’existence. Ce type de comportement est lié au fait que leur démarche consiste à définir un programme de recherche comme « une manière de mener l’analyse » 422 et qu’elle ne s’intéresse pas véritablement à l’émergence du programme en question ou à l’évolution de son noyau dur. En ce sens, elle réduit considérablement la portée de la méthodologie des programmes de recherche scientifiques. Malgré ces remarques, de Marchi affiche son optimisme et considère Lakatos comme un guide utile pour les sciences économiques. Blaug [1991] manifeste la même confiance et reste persuadé que « ‘Lakatos est encore capable d’inspirer des travaux méthodologiques fructueux’ » 423 .

Notes
422.

« A distinct line of inquiry ».

423.

Blaug [1991], p. 510.