3.3. Applications aux théories de la croissance endogène et aux théories évolutionnistes

Les théories de la croissance endogène et les théories évolutionnistes de l’industrie et de la technologie partagent de facto un certain nombre de thèmes sur la création et la diffusion de l’innovation et sur son impact sur la croissance économique. Cependant, que leurs conclusions soient proches ou contradictoires sur ces thèmes, leurs origines différentes se traduisent par un recoupement partiel seulement de leurs thèmes. L’objectif des deux prochains chapitres est de voir comment les théories de la croissance endogène et les théories évolutionnistes s’inscrivent chacune dans un programme de recherche aux frontières cohérentes. Pour cela, nous avons défini les thématiques qui sont au cœur de ces programmes de recherche. La principale difficulté réside à trouver, dans le temps, la limite entre les programmes de recherche et les travaux antérieurs desquels ils s’inspirent, mais qui ne constituaient pas à proprement parler un programme de recherche. Ce point permet d’échapper à la critique de de Marchi [1991], énoncée précédemment, consistant à s’intéresser à un programme de recherche sans en avoir véritablement défini les limites. Nous pouvons prévenir ce problème avec les propositions suivantes :

Pour les théories néoclassiques de la croissance, la rupture est nette et franche entre les anciennes propositions et les nouvelles. Elle l’est beaucoup moins pour les théories évolutionnistes. Il est donc nécessaire d’expliquer ce qui différencie les théories évolutionnistes des travaux antérieurs sur le changement technique qui sont à l’origine de ces théories. Intuitivement, la réponse revient à dire que depuis Nelson et Winter, il s’agit de théories évolutionnistes et qu’avant il s’agit de théories « pré‑évolutionnistes ». En fait, l’explication nous est donnée par Saviotti [1996]. Celui‑ci souligne que « le travail central de Nelson et Winter, An Evolutionary Theory of Technical Change [1982], s’est révélé être le catalyseur et le palier permettant le développement des théories évolutionnistes » 429 . Il souligne dans le même temps l’importance de travaux précurseurs, tels que ceux de Rosenberg en 1976 430 sur les « impératifs technologiques » 431 , de Abernathy et Utterback en 1975 432 et 1978 433 sur le « cycle de vie de la technologie » 434 , de Nelson et Winter en 1977 435 sur les régimes technologiques et les trajectoires naturelles, de Sahal en 1981 436 sur les « indicateurs technologiques » 437 et de Dosi en 1982 sur les paradigmes technologiques.

Notes
429.

« The seminal work of Nelson and Winter, An Evolutionary Theory of Technical Change [1982], proved to be the catalyst and the threshold for the development of evolutionary theories », Saviotti [1996], p. 6.

430.

Rosenberg N. [1976], Perspectives on Technology, Cambridge University Press, Cambridge.

431.

« Technological imperatives ».

432.

Abernathy W. ‑ Utterback J. [1975], « A Dynamic Model of Process and Product Innovation », Omega, vol. 3, no. 6, pp. 639‑656.

433.

Abernathy W. ‑ Utterback J. [1978], « Patterns of Industrial Innovation », Technology Review, June‑July, pp. 41‑47.

434.

« Technology life cycle ».

435.

Nelson R. ‑ Winter S. [1977], « In Search of Useful Theory of Innovation », Research Policy, vol. 6, no. 1, February, pp. 36‑76.

436.

Sahal D. [1981], Patterns of Technological Innovation, Addison Wesley, Reading et Sahal [1981], « Alternative Conceptions of Technology », Research Policy, vol. 10, pp. 2‑24.

437.

« Technological guideposts ».