Dans un article publié en 1986 et reprenant la problématique de son PhD, présenté à l’Université de Chicago en 1983, Romer propose un modèle de croissance de long terme. Son ambition est d’associer les fondements des modèles néoclassiques de croissance optimale proposés par Ramsey [1928], Cass [1965] 438 et Koopmans [1965] 439 avec la notion d’apprentissage par la pratique énoncée par Arrow [1962a]. Ce renouvellement de l’analyse néoclassique de la croissance est prolongé par Lucas dans un article de 1988. Son objectif est de déterminer « les moyens de construire une théorie néoclassique de la croissance et du commerce international qui soit compatible avec certaines des principales caractéristiques du développement économique » 440 . Pour cela, il s’intéresse aux relations entre le capital humain et la croissance et tente de lier les travaux de Schultz [1963] 441 et de Becker [1964] 442 avec ceux de Arrow [1962a] et de Uzawa [1965] 443 . En 1991, Solow donne son sentiment sur les théories de la croissance endogène et reconnaît que ces travaux ne correspondent pas aux pistes qu’il avait en tête en 1979 tout en soulignant que grâce à eux, « la machinerie analytique de la théorie néoclassique de la croissance peut être utilisée pour obtenir de nouveaux résultats » 444 .
Depuis les articles fondateurs, les travaux sur la croissance endogène mettent en évidence de multiples sources de la croissance. Les contributions de Aghion et Howitt [1992] et de Grossman et Helpman [1991] ont apporté d’importants éclaircissements concernant le rôle de la R&D et de l’innovation. D’ailleurs, dès 1988, Lucas précise qu’il existe sans aucun doute d’autres mécanismes que ceux qu’il décrit, capables d’expliquer les faits. Il souligne que c’est la raison pour laquelle il a intitulé son article « Sur les mécanismes... » 445 plutôt que simplement « Les mécanismes du développement économique » 446 . Barro et Sala‑i‑Martin [1995] notent que les premiers modèles de croissance endogène ne s’intéressent pas au changement technique en tant que tel, mais s’appuient sur l’élargissement de la notion de capital. Ensuite, les théories de la croissance endogène se sont développées avec « l’intégration des théories de la R&D et de la concurrence imparfaite » 447 . Les théories de la croissance endogène répondent à deux problématiques, différentes en termes d’intention, mais pas nécessairement en termes de pratiques :
Cette distinction permet de définir deux types de modèle, selon qu’ils insistent sur le capital et la nature de son accumulation ou qu’ils s’intéressent à l’innovation et aux activités de R&D. Elle signifie que la recherche des moyens techniques de générer de la croissance a engendré une recherche sur l’intégration des principales caractéristiques de la création et de la diffusion de l’innovation technologique dans une problématique de croissance. D’ailleurs, cette double origine de la croissance endogène se retrouve à la lecture du manuel sur la croissance proposé par Barro et Sala‑i‑Martin en 1995. Cet ouvrage accorde une place centrale aux développements sur le capital et l’investissement et ne consacre que trois chapitres sur onze au « progrès technique ». A l’inverse, les livres de Grossman et Helpman de 1991 et de Aghion et Howitt de 1998 portent presque toute leur attention sur les questions liées à l’innovation.
Cass D. [1965], « Optimum Growth in an Aggregative Model of Capital Accumulation », Review of Economic Studies, vol. 32, issue 3, July, pp. 233‑240.
Koopmans T. [1965], « On the Concept of Optimal Economic Growth », in The Econometric Approach to Development Planning, North ‑ Holland, Amsterdam.
« The prospects for constructing a neoclassical theory of growth and international trade that is consistent with some of the main features of economic development », Lucas [1988], p. 3.
Schultz T. [1963], The Economic Value of Education, Columbia University Press, New York.
Becker G. [1964], Human Capital, Columbia University Press, New York.
Uzawa H. [1965], « Optimal Technical Change in an Aggregative Model of Economic Growth », International Economic Review, vol. 6, no. 1, pp. 18‑31.
Solow [1991], p. 394.
« On the mechanics... », Lucas [1988], p. 5.
« The mechanics of economic development », Lucas [1988], p. 5.
Barro ‑ Sala‑I‑Martin [1995], p. 13.