La pluralité des thèmes évolutionnistes se retrouve dans l’ouvrage de Nelson et Winter [1982]. Elle est fondamentalement intrinsèque au développement de l’évolutionnisme contemporain et trouve ses racines dans les travaux pionniers de Nelson et Winter et dans leur parcours individuel :
La double origine de l’évolutionnisme contemporain montre la voie pour expliquer les phénomènes macro‑économiques (la croissance) à partir des fondements micro‑économiques (la firme). En ce sens, Nelson et Winter associent les thèmes de recherche de Schumpeter sur l’évolution de l’industrie avec ceux de Alchian [1950] ou Penrose [1952] 627 sur l’évolution de la firme. Le développement des thèmes se comprend comme un enrichissement des analyses évolutionnistes organisées autour d’une volonté commune de comprendre l’économie en termes d’évolution et de lier micro‑économie et macro‑économie. La multiplicité des analyses transparaît dans une remarque de Paulré [1997], lorsqu’il distingue le « courant sélectionniste » spécifié par Nelson et Winter, le « courant structuraliste » développé par Dosi et le « courant de l’émergence » organisé autour des travaux de Arthur et David 628 . Dans le même temps, il caractérise quatre niveaux d’analyse portant respectivement sur « la dynamique techno‑économique sectorielle, l’étude des régimes technologiques, les phénomènes de diffusion et la théorie évolutionniste de la firme » 629 . En incluant implicitement les théories de l’évolution non‑centrées sur le changement technique, Witt [1991] définit, quant à lui, « quatre traditions intellectuelles très différentes » 630 : l’école autrichienne, la tradition schumpeterienne, l’institutionnalisme et l’école marxiste. Il considère que la cohérence de ces traditions repose sur leur volonté commune de s’opposer aux propositions néoclassiques. Néanmoins, ce sentiment partagé de rejet ne peut justifier à lui seul l’existence d’un programme de recherche. Ce point est abordé de manière plus générale à la fin de cette partie, lorsque nous étudions les relations entre les programmes de recherche 631 .
En fait, nous avons vu que Hodgson [1993] insiste sur la notion d’évolution et sur la multiplicité des définitions proposées. Pour se convaincre de cette diversité, les quatre exemples suivants sont significatifs :
Néanmoins, malgré la diversité des définitions de l’évolution, les points fondamentaux constituant les éléments du noyau dur du programme de recherche évolutionniste portent sur la diversité, la nouveauté, la sélection, la diffusion et la mutation. Hodgson [1995] rappelle, de surcroît, que dans la biologie post‑darwinienne, l’évolution requiert un mécanisme de variation entre les membres d’une population, un principe d’hérédité et un principe de sélection naturelle. Nous allons revenir sur ces différents éléments et justifier leur sens.
« For Nelson, the starting point was a concern with the processes of long‑run economic development. Early on, that concern became focused on technological change as the key driving force and on the role of policy as an influence on the strength and direction of that force », Nelson ‑ Winter [1982], p. vii.
Nelson R. [1959], « The Simple Economics of Basic Scientific Research », Journal of Political Economy, vol. 67, no. 3, June, pp. 297‑306.
Nelson R. ‑ Phelps E. [1966], « Investment in Humans, Technological Diffusion and Economic Growth », American Economic Review, vol. 56, no. 2, May, pp. 69‑75.
Winter S. [1964], « Economic « Natural Selection » and the Theory of the Firm », Yale Economic Essays, vol. 4, pp. 225‑272.
« For Winter, the early focus was on the strengths and the limitations of the evolutionary arguments that had been put forward as support for standard views of firm behavior », Nelson ‑ Winter [1982], p. vii.
Penrose E. [1952], « Biological Analogies in the Theory of the Firm », American Economic Review, vol. 42, no. 5, December, pp. 804‑819.
Nous revenons sur l’originalité et la démarche intellectuelle de ces auteurs dans la section 5, voir pp. 334 et suivantes.
Paulré [1997], p. 262.
« Four quite different intellectual traditions », Witt [1991], p. 83.
Voir pp. 356 et suivantes.
« Evolution is considered to be the transformation of a system over time through endogenously generated change », Witt [1991], p. 87.
« Institutions indeed matter », Witt [1991], p. 91.