Deuxièmes résultats de la confrontation des théories

Deuxième question : Une des théories est‑elle supérieure à l’autre du point de vue de l’explication économique de la convergence/divergence des taux de croissance ?

De ce point de vue, nous avons observé que les théories de la croissance endogène se sont appuyées sur l’existence de rendements croissants et sur les activités d’innovation au sein des économies nationales pour justifier la possibilité d’une différence dans les taux de croissance nationaux. La prise en compte des rendements croissants dans la théorie de la croissance a bénéficié des avancées réalisées par l’économie industrielle internationale. Ce point de rencontre est en ce sens une nouvelle représentation du lien particulier qui unit les différentes théories néoclassiques entre‑elles. Quoi qu’il en soit, concernant les théories de la croissance endogène, nous pouvons maintenant affirmer que la présence des rendements croissants dans l’analyse de la croissance est une explication qui n’est pas ad hoc. Les théories de la croissance endogène sont donc capables à partir de leur discours théorique sur les rendements croissants d’expliquer le mécanisme de divergence. Néanmoins, nous avons indiqué que, pour Romer [1994], la prise en compte des rendements croissants n’est pas une fin en soi, mais une première étape vers une explication du contenu des rendements croissants. Les modèles d’innovation correspondent à cette seconde étape. Sur ce plan, nous avons vu que la volonté des théories de la croissance endogène d’intégrer les avancées réalisées sur les liens entre innovation, information et connaissance a ouvert la porte à de nombreuses critiques de la part d’économistes intéressés par cette question. La représentation de ces liens dans les modèles s’est traduite par une simplification trop importante et montre le chemin qu’il reste aux théories de la croissance endogène pour proposer des conclusions plus robustes sur cette question. Par ailleurs, les caractéristiques de la formalisation théorique des théories de la croissance endogène sont telles, qu’elles empêchent une représentation d’une économie particulière.

Nous avons également vu que les théories évolutionnistes expliquent la différence des taux de croissance nationaux à partir du concept de système national d’innovation et des notions de transferts technologiques et institutionnels. Nous avons indiqué que la formulation théorique du système national d’innovation s’appuie sur la description historique des économies scandinaves. Cette démarche signifie que le contenu théorique repose sur certaines caractéristiques réelles des économies. Cet avantage est cependant contre‑balancé par le fait que les aspects théoriques ne peuvent pas s’appliquer à toutes les économies, mais seulement aux économies industrialisées occidentales et à l’économie japonaise. Néanmoins, comme nous avons rappelé que la question de la convergence/divergence n’est pertinente que lorsqu’elle s’intéresse à des économies dont les niveaux de développement sont proches, cette limite ne s’applique pas ici. Concernant l’explication des déterminants de la divergence eux‑mêmes, la notion de système national d’innovation est précisément adéquate en ce qu’elle a été produite avec l’objectif de déterminer les caractéristiques spécifiques des pays en même temps que leurs similarités technologiques et institutionnelles. L’outil est donc particulièrement robuste, même s’il est nécessaire de rappeler que la justification des frontières nationales est complètement ad hoc.

En conclusion, il ressort que les théories de la croissance endogène ont quelques difficultés à proposer une formulation suffisamment fine des caractéristiques de l’innovation, alors même que la représentation des rendements croissants semble prometteuse. Encore une fois, ce commentaire n’est pas définitif mais témoigne des progrès théoriques que doivent réaliser les théories de la croissance endogène sur cette question. Notons encore une fois que ce point est largement souligné par les économistes concernés eux‑mêmes. Parallèlement, les théories évolutionnistes souffrent du problème inverse : alors que les outils théoriques mobilisés sont particulièrement efficaces pour expliquer les faits stylisés de la croissance, la définition conceptuelle de ces outils posent certains problèmes difficiles à éliminer.