3.4. Principales conclusions sur les politiques publiques en faveur de l’éducation

Dans le rapport Innovation et croissance, Boyer et Didier [1998] recensent plusieurs politiques que les pouvoirs publics peuvent mettre en place à la lumière des types d’externalités mis en avant par les théories de la croissance endogène. Dans la section précédente, nous avons présenté ces politiques publiques quand elles concernaient les activités de R&D 1499 . Nous voulons maintenant voir les outils que Boyer et Didier proposent pour l’action publique en ce qui concerne les individus. Ils expliquent ainsi que si l’innovation revient essentiellement à produire de nouvelles connaissances à partir de connaissances anciennes, l’accroissement de l’innovation implique que les connaissances anciennes soient largement diffusées. Pour atteindre cet objectif, les moyens les plus efficaces passent par la mobilité des chercheurs et des ingénieurs, l’amélioration de l’enseignement et de la formation des chercheurs et des producteurs. Finalement, tout ce qui permet de renforcer la diffusion des connaissances anciennes accroît in fine le taux de croissance. Le développement de l’ouverture internationale va dans le même sens. Par contre, si la source des nouvelles connaissances réside dans l’apprentissage liée à la production, Boyer et Didier expliquent que « ‘les savoir‑faire sont très largement idiosyncratiques, propres à un type de procédé, ou à une forme d’organisation de l’entreprise’ » 1500 . Dans ce cas, la mobilité des travailleurs est une entrave à l’innovation qui nécessite au contraire la stabilité de l’emploi.

En fait, quelle que soit la (principale) source de l’innovation, Boyer et Didier [1998] précisent que la connaissance résulte en définitive des interactions entre les individus, ou en d’autres termes du capital humain. Aussi, la formation et l’éducation des individus est primordiale, au même titre que l’attractivité des carrières scientifiques et technologiques. Concernant la prise en compte du capital humain, dont chacun s’accorde à pointer l’importance dans les résultats des économies nationales, quelques remarques conclusives s’imposent. La principale concerne le fait que la difficulté de l’analyse focalisée sur les systèmes nationaux d’innovation à proposer des commentaires précis sur le système d’enseignement et de formation concernant l’accumulation de capital humain ne signifie pas que leurs conclusions divergent nécessairement de celles avancées par le cadre néoclassique. Ainsi, l’article co‑écrit par Nelson et Romer [1996] va dans le sens des conclusions de Romer [2000] comme de celles de Nelson et Rosenberg [1993] et de Nelson [1993]. Nelson et Romer [1996] soulignent d’ailleurs eux‑mêmes ce point‑là. Ils indiquent que « ‘bien que les questions ouvertes sur la manière dont les économistes perçoivent le progrès technique ne doivent pas être sous‑estimées, un consensus possible pour l’analyse de la politique publique semble émerger de ces perspectives divergentes. La technologie doit être vue comme un ensemble de plusieurs types de biens, avec des parts variables de caractéristiques de type bien public et de type bien privé. Certains sont financés essentiellement par le soutien public à la R&D, les autres par la R&D privée. Les firmes commerciales et les universités sont impliquées à plusieurs titres dans le processus. D’autres aspects de la technologie sont produits essentiellement à travers l’apprentissage par la pratique et l’apprentissage par l’usage, les deux pouvant interagir puissamment avec la R&D’ » 1501 .

Nelson et Romer [1996] expliquent notamment que le fait que les objectifs de la recherche publique concernent de moins en moins les questions de sécurité nationale ou les questions de santé et poursuivent de plus en plus des objectifs commerciaux et économiques ne remet pas fondamentalement en question le statut de la recherche publique et des individus qui la composent. Les changements doivent intervenir dans la définition des priorités et passent par la mise en place de deux mesures :

Notes
1499.

Voir p. 518.

1500.

Boyer ‑ Didier [1998], p. 41.

1501.

« While the important open questions about how economists ought to understand technical advance should not be underplayed, a workable consensus for policy analysis seems to be emerging from these divergent perspectives. Technology needs to be understood as a collection of many different kinds of goods, with the attributes of public goods and private goods in varying proportions. Some are financed primarily by public support for R&D, others by private R&D. Business firms and universities are involved in various aspects of the process. Other parts of technology are produced primarily through learning‑by‑doing and learning‑by‑using, both of which can interact powerfully with research and development », Nelson ‑ Romer [1996], pp. 58‑59.

1502.

« These exchanges might even be supported by government funds. Instead of giving money directly to firms to do research on specific topics, the government might fund competitive fellowships that encourage these exchanges. The government might also explicitly subsidize the training of students who will go to work in the private sector. By taking these steps, the government could subsidize the inputs that go into private sector research instead of contracting with firms for specific research outputs », Nelson ‑ Romer [1996], p. 71.

1503.

« The Bay‑Dole act ».

1504.

« A renewed attention to the needs of industry does not have to be associated with a major change in the intellectual property rights regime. No reason exists to treat science as private instead of public knowledge », Nelson ‑ Romer [1996], p. 72.