La loi Le Chapelier (14 juin 1791) interdit l’association 171 ; toute forme d’action collective autre que celle de l’Etat n’est pas reconnue. Le Code Pénal en 1810 proscrit toute association de plus de vingt personnes sauf dans des cas particuliers 172 . Devant le développement d’associations clandestines après la révolution de Juillet 1830, le gouvernement adopte une législation encore plus contraignante à partir de 1834 (loi du 9 avril 1834). Parallèlement, les autorités publiques se préoccupent peu du droit de réunion toléré et devenant une pratique collective prédominante qui favorise le développement des insurrections de février 1848. Le gouvernement distingue au cours de l’année 1848 trois types de groupements collectifs : les clubs, les sociétés secrètes et les réunions non publiques. Après un intermède où la liberté d’association est reconnue par la Constitution du 4 novembre 1848, le gouvernement bonarpatiste, en place à partir de décembre 1848, commence à réprimer toute forme d’action collective 173 ; par le décret du 25 mars 1852 et du 15 janvier 1853, le droit d’association est interdit, alors que la formation de clubs ou l’établissement de réunions sont fortement contrôlés 174 . Globalement, les groupements collectifs à but politique restent largement réprimandés voire proscrits au cours de cette première moitié du XIXe siècle ; l’Etat constitue le seul garant de l’intérêt collectif et aucun contre-pouvoir ne doit venir contester son autorité 175 .
L’Etat développe davantage de bienveillance à l’égard des associations dont le but est économique. Le Code de commerce en 1807 reconnaît trois formes sociétaires : la Société en Nom Collectif (SNC), la Société en Commandite et la Société Anonyme (SA). Les premières sont dominantes dans la première moitié du XIXe siècle relevant le plus souvent d’activités commerciales et industrielles effectuées à petite échelle dans le cadre d’une gestion familiale 176 . Les secondes, beaucoup moins importantes en proportion, permettent d’entreprendre des activités économiques nécessitant une forte capacité en capital 177 . Enfin, les dernières sont soumises à une autorisation jusqu’en 1867 témoignant de la crainte des gouvernants que les activités entreprises échappent à la responsabilité familiale et ne soient conduites que pour maximiser les profits des actionnaires. Les activités industrielles et commerciales jusqu’au Second Empire sont donc réalisées généralement au sein d’entreprises familiales de petite taille. Ainsi, bien que la croissance de la concentration industrielle soit constante dans cette première moitié du XIXe siècle prenant la forme notamment des Sociétés en Commandite, elle ne connaît un véritable essor que postérieurement aux évènements de 1848.
L’industrialisation cause première de la question sociale doit donc être entendue dans un sens large ; elle ne se résume pas en effet à une modification de l’organisation du travail provoquée par l’introduction de la grande manufacture, au sein de laquelle les activités de production sont centralisées et concentrées, mais tient aussi au développement de la proto-industrialisation et de nouvelles productions artisanales urbaines et rurales. Plus généralement, elle ôte aux marchands le contrôle du processus de production, favorisant le déploiement du contrat salarial ; le travail devient dès lors une activité régulière et disciplinée, déstructurant les anciennes tutelles de l’Ancien Régime autour du travail 178 .
Le Chapelier déclare : « il n’y a plus de corporation dans l’Etat ; il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général . Il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation », extrait du Discours Le Chapelier reproduit dans P. Buchez et P.-C. Roux, Histoire parlementaire de la Révolution française, ou journal des Assemblées Nationales depuis 1789, Paris : Paulin, 1834, tome X, p. 194., cité dans J.-P. Potier [1989, pp. 235-254].
Suivant l’article 291 du Code pénal, les associations de plus de vingt personnes doivent faire l’œuvre d’une autorisation, mais si elle est acceptée, l’association ne détient pas la personnalité morale.
Le droit d’association est implicitement reconnu par le premier décret du 25 février 1848 par lequel le gouvernement « s’engage à garantir l’existence de l’ouvrier par le travail . Il s’engage à garantir du travail à tous les citoyens » ; ce « droit au travail » donne lieu le 28 février 1848 à la création des « Ateliers nationaux » dissous le 21 juin 1848 avant les insurrections des 24, 25 et 26 juin 1848. Par la suite, la loi du 28 juillet 1848 établit la liberté d’association et de réunion mais une liberté restreinte pour les associations politiques (clubs), J.-C. Bardout [1991, pp. 109-117].
L’article 291 du Code pénal est rétabli interdisant les associations de plus de 20 personnes, et se voit complété par la loi du 10 avril 1834 qui accentue la répression à l’encontre des associations illégales.
Voir D. Reynié [1998, pp. 110-170]., pour une description détaillée de la législation concernant les formes collectives.
Les associés au sein de ces sociétés sont égaux et responsables sur leurs biens ; elles étaient particulièrement adaptées « lorsque le capital et les compétences rassemblés ne dépassaient pas le cercle d’une famille ou de quelques associés », P. Verley [1997, p. 270].
Les commanditaires apportent les capitaux au sein de la société, mais ne sont pas responsables sur leurs biens ; les Sociétés en Commandite (simple ou par actions) se substituent généralement aux Sociétés en Nom Collectif, restreintes par leur gestion familiale, en permettant d’accroître les capitaux de l’entreprise par les apports des personnes étrangères (banquiers, financiers, etc.).
La contractualisation du travail d’une part, déstructure les rapports qui unissent au sein des corporations artisanales les compagnons et les apprentis avec leurs maîtres, et d’autre part, démantèle les coutumes et les droits collectifs (communaux, etc.) du monde rural.