1) Les éléments généraux de l’économie politique de Saint-Simon

La nécessité d’une réorganisation sociale de la société constitue un principe constant de la pensée de Saint-Simon. Dès les Lettres d’un habitant de Genève à ses contemporains (1802) 236 , il recherche les fondements d’une nouvelle organisation sociale, où les savants disposant du pouvoir spirituel, assurent le progrès scientifique et partant le développement économique et social de la société 237 . Ce principe s’affirme encore plus nettement ensuite à partir de 1814 238 avec l’adoption par Saint-Simon d’une doctrine sociale libérale 239 .

On distingue généralement deux phases principales dans la pensée de Saint-Simon : une première théorique constitutive d’une philosophie « positiviste » des sciences ou « physiciste », comprise entre les années 1802 et 1814-1815, où les progrès sociaux sont davantage attendus des progrès de l’esprit humain que d’une réorganisation de la société ; cette première phase reste relativement peu importante en ce qui concerne le développement de la pensée économique de Saint-Simon. La seconde phase « industrialiste », entre 1814-1815 et 1825, a attiré à l’inverse l’attention des économistes 240 . Elle est dominée par la question de l’organisation économique et politique des sociétés industrielles. Adoptant une vision libérale du fonctionnement social axée sur une « morale utilitaire » jusqu’à 1819 (1.1), Saint-Simon développe ensuite les prémices d’une pensée socialiste (1.2) 241 reposant dans ses derniers écrits sur une morale du désintéressement (1.3) 242 .

Notes
236.

Saint-Simon [1966 (1802)].

237.

Voir H. Desroche [1972].

238.

Saint-Simon et Augustin Thierry publient cette même année De la réorganisation de la société Européenne ou de la nécessité et des moyens de rassembler les peuples de l’Europe en un seul corps politique en conservant à chacun son indépendance nationale, Saint-Simon [1966 (1814)].

239.

Voir E. Halévy [1938 (1908a), p. 31].

240.

Voir notamment M. Lutfalla [1981].

241.

Le terme « socialisme » n’est pas connu de Saint-Simon.

242.

Voir H. Gouhier [1933 ; 1936 ; 1941], P. Ansart [1970] et P. Régnier [1982-1983]. Ce dernier discerne en fait trois phases : « physiciste », « industrialiste » et une dernière où le sentiment et l’imagination deviennent les composantes centrales de la doctrine sociale de Saint-Simon et qui s’affirme nettement dans le Nouveau Christianisme (1825), Saint-Simon [1966 (1825)]. Voir aussi E. Halévy [Op. cit.] pour l’évolution de la doctrine économique de Saint-Simon.