2.1) Le projet des associations ouvrières

Au moment où P. Buchez effectue ses premières conférences à la Société des Amis du peuple, après son départ en juin 1830 de l’école saint-simonienne, l’idée d’association ne constitue pas une nouveauté dans ses textes. Mais alors que les contributions au Producteur se référent à l’association comme mobile d’action désintéressé, les conférences qu’il donne et qui formeront la trame des articles publiés dans L’Européen en 1831 et 1832, se rapportent à l’association comme principe d’organisation. Il s’agit en effet de généraliser la pratique associative afin de créer les conditions d’un système économique dans lequel le travail vaut autant que le capital. Car si dans la société industrielle le paupérisme va croissant, selon P. Buchez, on en trouve la cause essentielle dans le maintien d’une organisation sociale divisée entre d’un côté, une classe de propriétaires, peu nombreuse, et vivant des revenus de leurs capitaux, et d’un autre côté, une classe de travailleurs, majoritaire, dépendante des conditions salariales dans lesquelles les propriétaires les emploient 520 . Cette division en classes de la société est directement imputée aux enseignements de l’économie politique anglaise 521 . La réflexion de P. Buchez part ainsi d’une critique des idées théoriques développées par les économistes classiques héritiers d’A. Smith, et de leurs conséquences pratiques (a). Une première alternative va consister à soumettre un projet d’associations ouvrières de production dans l’objectif à la fois de mettre fin aux inégalités économiques et sociales, et, de favoriser l’émancipation du travailleur salarié (b). Ces fins atteintes, l’organisation économique sortira alors des conflits d’intérêts incessants qui caractérisent la société industrielle concurrentielle et accédera à un état social dénué de sentiments égoïstes (c) 522 .

Notes
520.

P. Buchez développe cette idée, proche du saint-simonisme, dans Le Producteur, P. Buchez [Op. cit., p. 208]. Il la maintient même après son départ de l’école saint-simonienne, P. Buchez [1833, pp. 8-30].

521.

On trouve ces critiques dans deux textes de L’Européen, intitulés « Economie politique », P. Buchez [1831a ; 1832a] et dans plusieurs passages de l’Introduction à la science de l’histoire ou science du développement de l’humanité, P. Buchez [1833, pp. 1-40 ; pp. 340-364]. Des critiques de la théorie économique, car fondée sur le principe égoïste, sont aussi développées dans plusieurs préfaces à l’Histoire parlementaire de la Révolution Française ou journal des Assemblées Nationales, depuis 1789 jusqu’en 1815 publié en plus de quarante tomes avec P. C. Roux, P. Buchez et P.-C. Roux [1834 ; 1836 ; 1837].

522.

Ce projet de réforme est exposé dans plusieurs contributions à L’Européen dont les plus importantes sont : « Moyen d’améliorer la condition des salariés des villes », « Caisse générale de crédit public », P. Buchez [1831b ; 1832b ; 1832c]. P. Buchez apporte ensuite un nouvel éclairage sur son projet de réforme dans la préface du tome trente-deuxième à l’Histoire parlementaire de la Révolution Française, P. Buchez et P.-C. Roux [Op. cit., pp. IX-XVJ].