3.2) L’idée d’association, synthèse de l’individualisme et du socialisme

« De l’individualisme au socialisme » constitue un texte de référence dans la pensée de P. Leroux. Il est publié en 1834 après une première période libérale, marquée par la fondation du journal Le Globe en septembre 1824 dans laquelle il adhère aux principales thèses de l’économie politique classique, notamment à l’idée que les inégalités sociales avec les progrès de l’industrie et l’amélioration de l’instruction des classes sociales défavorisées tendent à s’estomper 613 . Puis, en 1831, il devient saint-simonien où devenu critique à l’égard de la doctrine des économistes classiques, il montre la nécessité d’un nouveau principe d’organisation afin d’aboutir à une égalité sociale relative. En fait, la question sociale n’a été vraiment abordée par P. Leroux qu’après la révolution de juillet 1830 614 . Il publie dans Le Globe au cours de cette même année avant sa courte adhésion à l’école saint-simonienne des articles qui préfigurent déjà sa position doctrinale de réformiste social qui débute réellement en 1832 615 . Son engagement au côté de P. Enfantin ne dure pas refusant le dogmatisme de l’école saint-simonienne 616 . « De l’individualisme au socialisme » est donc à la fois un point d’aboutissement mais aussi un texte programmatique de la doctrine réformiste de P. Leroux.

L’idée d’association n’est pas neuve. Dans sa période libérale, P. Leroux contrastait déjà les notions de ‘« fusion, homogénéité, union, ou encore coalition, alliance, association »’ 617 , aux manifestations sociales relevant d’intérêts antagonistes. L’association dans cette perspective est ce qui relie et qui permet d’apaiser les rapports sociaux conflictuels. On retrouve sur ce point un thème cher à P. Enfantin qu’il développe à la même période dans Le Producteur 618 . Mais à partir de 1832, l’association devient le principe fédérateur du projet économique et politique de P. Leroux. Celui-ci va ainsi suivre une voie médiane entre les économistes classiques et les saint-simoniens.

Ainsi, l’individualisme et le socialisme constituent deux systèmes théoriques opposés (a) que P. Leroux entend dépasser par le développement d’un principe « synthétique » qu’il trouve dans l’association (b).

Notes
613.

J.-J. Goblot [Op. cit., pp. 67-73] ; voir aussi J.-P. Lacassagne [Op. cit.].

614.

J.-J. Goblot [Op. cit., p. 16-20].

615.

A cette époque, il reconnaît pour partie les thèses développées par le saint-simonisme et le courant politique républicain, mais préconise aussi la recherche simultanée des droits politiques et des réformes sociales, J.-J. Goblot [Op. cit., p. 20].

616.

Cette « conversion précaire et provisoire » s’explique, pour J.-J. Goblot, car « Leroux […] est déjà l’homme de la synthèse  ; déjà sa pensée amalgame les enseignements de Saint-Simon et les idées républicaines ». Et « s’il se sépare du vieux libéralisme  », c’est parce qu’il « est très profondément démocrate », J.-J. Goblot [Op. cit., p. 26].

617.

J.-J. Goblot [Op. cit., p. 68].

618.

Voir 1ère partie, chap. 2, § 2.3.