3.3) L’association comme moyen de la solidarité sociale

L’idée d’association chez P. Leroux dénote autant du principe d’organisation que du mobile d’action. Elle est sous cette dernière acception le moyen de réunir autour de croyances communes les membres de la collectivité 644 . Elle permet aussi de surmonter les égoïsmes et de favoriser le développement d’actions désintéressées. Les économistes misent habituellement sur l’intérêt individuel pour accroître la richesse alors que ‘« ce qui produit [...] c’est l’amour, c’est la charité’ ‘, c’est l’association »’ 645 . P. Leroux développe en effet une doctrine sociale du progrès et de la perfectibilité 646 . L’histoire de la société répond dans cette perspective d’une solidarité croissante entre les connaissances par la science, entre les hommes par la religion, et entre les activités humaines par la politique. Cette période du début du XIXe siècle, marquée par l’émergence de la question sociale, correspond à une période de renouvellement ou encore de « palingénésie » dans laquelle les inégalités qui prévalent seront dépassées par l’avènement d’une « synthèse », d’organisation par l’association, convergeant vers une égalité relative 647 .

L’association est donc directement une source du progrès économique mais aussi du développement moral et intellectuel des membres de la société 648 . Mais à la différence des enseignements de l’économie politique classique, P. Leroux suppose que l’action économique productive repose sur un désintéressement nécessaire, en l’occurrence la solidarité, sans pour autant récuser la part qui revient naturellement à l’intérêt individuel. En fait, l’analyse psychologique prouve que le sentiment social est inhérent à la personne humaine ; elle permet ensuite de comprendre la constitution des activités solidaires (a). Cette solidarité trouve un lieu d’expression idéal dans l’association où s’entremêlent intérêt et désintéressement (b).

Notes
644.

P. Leroux [1994 (1841), p. 78].

645.

Il ajoute plus loin : « c’est l’homme uni à l’homme qui produit ; c’est l’association humaine, la communion humaine qui produit la richesse, et non l’égoïsme », P. Leroux [1848a, p. 119].

646.

Il se dit l’héritier sur ce point de A. R. J. Turgot, de M. J. A. C. de Condorcet et de Saint-Simon, P. Leroux [1979 (1838b), pp. XVIII-IX].

647.

Voir A. Le Bras-Chopard [Op. cit., p. 63 ; p. 106].

648.

Elle vise, comme on l’a vu précédemment, à « l’amélioration du sort moral, physique et intellectuel de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre », nouvelle formule du Globe lors de la reprise par les saint-simoniens en juillet 1830 de la direction du journal avec l’assentiment de P. Leroux.