1.2) La prépondérance de l’individualisme

Au travers de cette critique de la communauté ou de l’association, P.-J. Proudhon récuse l’idée selon laquelle l’on puisse faire du sentiment social, la fraternité, un principe a priori de l’organisation économique. Il ne voit ainsi ni dans l’égoïsme, ni dans le dévouement, une solution viable à la question sociale. Il faut davantage rechercher la synthèse des deux formules antinomiques de la propriété et de la communauté. En ce sens, il n’est pas question de surmonter l’individualisme par la pratique du désintéressement qui ne conduit qu’à la négation de la liberté et de l’indépendance individuelles, mais de trouver un principe répondant autant à l’intérêt individuel qu’à la solidarité ou à la fraternité. Cette conception de l’action individuelle est présente dès 1840 dans les écrits de P.-J. Proudhon 1015  ; elle sous-tend nous semble-t-il la théorie de la mutualité développée explicitement à partir de 1846 dans le Système des contradictions économiques 1016 . Elle permet ainsi de comprendre pourquoi P.-J. Proudhon s’oppose à l’idée de fraternité ou de solidarité induite par le principe d’association (a), et, l’alternative qu’il entend lui substituer, en l’occurrence la notion de justice. Il conviendra alors de déterminer en quoi celle-ci répond ou non à une nouvelle forme de désintéressement (b).

Notes
1015.

On pense ici au chapitre V « Exposition psychologique de l’idée de juste et d’injuste, et détermination du principe de gouvernement et du droit » de l’ouvrage Qu’est-ce que la propriété ? Ou recherches sur le principe du droit et du gouvernement. Premier mémoire, P.-J. Proudhon [1849 (1840), pp. 197-251].

1016.

P.-J. Proudhon [1846b, pp. 414-416].