2) Association et mutuellisme

La critique de P.-J. Proudhon sur le principe d’association porte essentiellement sur l’idée d’association socialiste. Sa réalisation, et P.-J. Proudhon montre à l’envi combien celle-ci est quasiment impraticable, entraînerait le développement de la contrainte individuelle, l’inefficacité économique et le désordre social. Mais l’association ainsi dépeinte ne résume pas toutes les formes associatives possibles. Déjà plusieurs passages dans le Premier et le Second Mémoire sur la propriété, anticipent sur l’idée d’association mutuelliste 1033 , que P.-J. Proudhon théorise vraiment dans son projet de Banque d’Echange puis en 1851 dans l’ouvrage Idée générale de la Révolution au XIX e siècle. On l’a déjà noté, les premières traces du principe de mutualité se trouvent dans le Système des contradictions économiques publié en 1846 mais en fait écrit à partir de 1844. Parallèlement, P.-J. Proudhon développe dans ses Carnets à la même période plusieurs projets de formation d’« associations progressives ». Ne peut-on pas supposer qu’il y a sur ce point certaines affinités entre le mutuellisme et l’idée d’« association progressive » ? Nous effectuons ici ce rapprochement où nous distinguerons trois étapes : une première correspondant à la période précédant le projet de Banque d’Echange en 1848 dans laquelle plusieurs points développés dans les Carnets, et surtout dans la conclusion du Système des contradictions économiques préfigurent le principe mutuelliste (2.1) ; une seconde étape circonscrite à la théorie du crédit mutuel et de son corollaire la Banque d’Echange prenant place entre les années 1848 et 1851, c’est-à-dire des premiers écrits sur le projet de la Banque d’Echange jusqu’à l’Idée générale de la Révolution au XIX e siècle 1034 (2.2), ouvrage marquant un tournant dans la pensée de P.-J. Proudhon sur l’association 1035  ; enfin, une troisième étape débutant après 1851 au cours de laquelle l’idée d’association est étendue à la production au travers notamment des associations ouvrières (2.3).

Notes
1033.

Dans le Deuxième Mémoire, en commentant les écrits de P. Leroux, il montre en quoi l’idée d’association que ce dernier développe se rapproche de sa théorie de la propriété de la possession, P.-J. Proudhon [1848 (1841), pp. 103-108].

1034.

Incluant l’Organisation du crédit et de la circulation et solution du problème social (31 mars 1848), les articles publiés dans le Représentant du Peuple qui formeront le « Programme Révolutionnaire » aux électeurs de la Seine pour les élections du 23 avril 1848, le Résumé de la question sociale (1849), le texte concernant les statuts de la banque proprement dit publié dans la Banque du Peuple (1849) (repris dans le tome VI des Œuvres Complètes de P.-J. Proudhon de l’édition Lacroix), les articles de 1849 parus dans Le Peuple (février et mars 1849) repris dans Les confessions d’un révolutionnaire pour servir à l’histoire de la révolution de février (1849), le débat polémique que P.-J. Proudhon développa avec F. Bastiat dans la Voix du Peuple en 1849 et 1850 puis publié dans Intérêt et Principal. Discussion entre monsieur Bastiat et M. Proudhon sur l’intérêt des capitaux (1850), et enfin deux chapitres d’Idée générale de la Révolution au XIX e siècle et De la capacité politique des classes ouvrières dans lesquels il revient sur le projet de la Banque d’Echange.

1035.

A. Berthod [Op. cit., pp. 32-53].