2.3) L’extension du mutuellisme 1089

Dans le projet de Banque d’échange, l’association dans l’échange prévaut sur l’association dans la production et par extension dans la consommation. La réorganisation du travail surtout ne peut se faire indépendamment d’une réforme préalable dans la circulation économique. Les associations ne répondant pas à cette condition pour P.-J. Proudhon ne font que reproduire les contrats de société civile et commerciale dont s’accommode parfaitement l’économie capitaliste. Elles n’engendrent aucun changement économique en ce sens que la division entre propriétaires et non-propriétaires n’est pas remise en cause. Elles favorisent en outre les intérêts particuliers de certains groupes de producteurs sans étendre les principes qui les régissent au-delà de leurs objets. P.-J. Proudhon maintient globalement le même point de vue après 1848, mais il va à la suite de l’Idée générale de la Révolution au XIX e siècle, publiée en 1851, modifier sensiblement son opinion sur les associations ouvrières de production (a). Elles vont venir s’intégrer dans un plan de réforme économique générale de la société, le mutuellisme, dans lequel est affirmée l’identité de l’association et de la mutualité (b). L’établissement de cette économie mutuelliste présuppose dans le même temps une conception spécifique de l’action économique procédant de l’idée de justice ; il n’est pas pour autant question de nier le principe de l’intérêt individuel mais de l’insérer dans un cadre d’action global dans lequel le sentiment social importe autant que la poursuite de l’intérêt personnel (c) 1090 .

Notes
1089.

Nous abordons dans cette troisième et dernière partie des écrits de P.-J. Proudhon qui dépassent notre période d’étude, de 1830 à 1852, puisque le dernier ouvrage ici pris en compte, De la capacité des classes ouvrières, a été publié à titre posthume en 1865, mais écrit après 1860. Mais il nous a paru important de tenir compte de cette partie des écrits de P.-J. Proudhon pour deux raisons principales. Premièrement, ils s’inscrivent dans le prolongement de la pensée de l’association de l’auteur qui débute dès le début des années 1840 ; ils constituent en un sens un point d’aboutissement de l’idée d’association chez P.-J. Proudhon dans la mesure où il va reprendre à son compte le concept d’association pour l’intégrer dans sa théorie de la mutualité. Deuxièmement enfin, ces écrits sur l’association se référent encore en partie à la période « associationniste » des années 1840 ; ils s’opposent principalement à la littérature socialiste sur la question.

1090.

Nous nous servirons pour ces deux dernières sous parties essentiellement des ouvrages De la justice dans la révolution et dans l’église (1860) et De la capacité des classes ouvrières (1865).