2.1) Un premier développement des associations coopératives (1863-1868)

Deux facteurs au moins expliquent la nouvelle croissance associationniste de la société française à partir de 1863 : la diffusion premièrement de l’expérience des Equitables Pionniers de la Rochdale et du modèle allemand des associations coopératives de crédit de Franz-Hermann Schulze-Delitzsch, et deuxièmement, un mouvement politique favorable aux idées coopératives initié au cours des élections de 1863-1864, et, souligne C. Gide, sous « le patronage bienveillant de Napoléon III » 1186 . Ce premier développement coopératif reste avant tout urbain, et, ne concerne en fait qu’une faible part de la population active 1187 . Il s’inspire autant des thèses socialiste, libérale, patronale, voire politique sous l’égide, note P. Leroy-Beaulieu, des partis républicain et catholique 1188 . Parmi les figures notoires jouant un rôle dans l’engagement coopératif à cette période, un nom au moins ressort, celui de Jean-Pierre Beluze, influencé par les idées d’Etienne Cabet, qui fonde à Paris en 1863, une coopérative de crédit, la « Société de crédit au travail », et un journal, L’Association – Bulletin des coopératives françaises, prenant le nom après une interruption momentanée, en septembre 1866, de La Coopération – Journal du progrès social, et, dont il cesse la publication en juillet 1868. C’est J.-P. Beluze, en 1866, qui propose l’alliance des coopératives françaises et étrangères initiant un mouvement qui se concrétisera en 1895 par la formation de l’Alliance Coopérative Internationale (ACI) 1189 . L’échec en 1868 du Crédit au travail, qui, selon J.-P. Beluze, peut être tenu à la fois comme une caisse d’épargne, une société de secours mutuel et une banque de crédit pour les projets coopératifs, va être en grande partie la cause de l’affaiblissement du mouvement coopératif à la fin des années 1860 ; elle compte en effet en 1866 au environ de 1 1000 associés et constitue une source de financement importante pour les autres coopératives de consommation et de production 1190 . D’autres facteurs entrent aussi en ligne de compte. On en notera au moins deux ici. Facteur économique d’abord ; les associés coopérateurs disposent souvent de trop faibles ressources pour pouvoir accumuler un capital suffisant afin de faire fonctionner durablement les coopératives ; c’est pourquoi J.-P. Beluze, tout comme L. Walras, font du crédit un élément indispensable au développement coopératif 1191 . Facteur politique enfin ; l’adhésion politique à la coopération n’aurait été que purement formelle sans réelle conviction. L’échec de La Commune renforce le déclin de ce premier développement coopératif.

Notes
1186.

C. Gide [1900 (1893b), pp. 109-112]. Voir J.-P. Potier et C. Hébert [Op. cit., pp. X-XI] et P. Leroy-Beaulieu [1896b, p. 587]. Deux faits au moins incitèrent Napoléon III à œuvrer favorablement pour la coopération : l’ouverture de l’économie française au libre-échange mécontentant les entrepreneurs industriels d’une part, et, la perte du soutien du camp catholique après la guerre d’Italie d'autre part, C. Boulifard [1992, p. 57].

1187.

A. Gueslin évalue, pour l’année 1869, le nombre de coopératives de production entre 90 et 160, entre 89 et 120 pour les coopératives de consommation et à une centaine pour les coopératives de crédit ; il souligne : « c’est au mieux une dizaine de milliers de Français touchés par un mouvement essentiellement parisien et urbain avec quelques incursions à Lyon, en Alsace et dans le Nord », A. Gueslin [Op. cit., p. 278].

1188.

P. Leroy-Beaulieu [Op. cit., p. 587].

1189.

Voir H. Desroche [1976].

1190.

A. Gueslin [Op. cit., pp. 72-73].

1191.

Voir 2nde partie, chap. 2, § 2.2.b.