2) Justice sociale et associations populaires coopératives

L’association avec la justice et la fraternité constituent les trois principes de « relations morales entre les hommes ». Seule la justice est reconnue par L. Walras comme de droit naturel alors que les deux autres restent facultatives et volontaires. L’association se différencie de la fraternité par les rapports sociaux égalitaires qu’elle développe. Ainsi, au niveau économique, le principe d’association comprend un nombre d’organisations assez étendu. L. Walras y inclut en effet les associations de bienfaisance et de prévoyance, les sociétés d’assurance et les associations agricoles, industrielles et commerciales 1277 . Aussi, faut-il bien distinguer au sein de cet ensemble hétérogène, les associations populaires coopératives qui présentent deux propriétés remarquables. Le mode coopératif premièrement ; le capital engagé dans l’association intéresse d’abord les associés. Ces derniers sont à la fois actionnaires et producteurs pour une association de production ou consommateurs ou emprunteurs pour les associations de consommation et de crédit. Il s’agit deuxièmement d’associations populaires, c’est-à-dire que les associés disposant lors de leurs premiers engagements d’une faible quantité de capitaux, constituent progressivement le capital social par des cotisations d’un montant suffisamment modéré pour que tous puissent effectuer des versements 1278 .

La théorie des « associations populaires » de L. Walras ne vise pas à l’instar des réformes socialistes à modifier l’organisation économique par la subordination du capital au travail, d’une part, parce que le capital contribue à la création des richesses et à ce titre doit être préservé de toute entrave à sa formation et à sa circulation 1279  ; et d’autre part, car le principe d’association, relevant de la production de la richesse sociale, ne se confond pas avec la réforme sociale, dépendant de la seule répartition de la richesse sociale. Ainsi, les associés sont d’autant plus favorables au capital qu’ils s’attendent à ce que leurs épargnes augmentent avec une productivité du capital élevée. L’association permet simplement aux classes populaires de devenir à leur tour propriétaire d’un capital. En même temps, travailleur et capitaliste continuent à exercer deux rôles bien différenciés bien qu’ils soient attachés à la même personne au sein de l’association. La coopération est ce qui permet aux salariés de « posséder par eux-mêmes » les capitaux et les intérêts des capitaux. Le but des associations populaires apparaît dès lors plus clairement. Du ressort des seules initiatives individuelles, le principe d’association se place au côté de la réforme sociale, comme un moyen de démocratisation des institutions économiques 1280 .

Nous allons ainsi d’abord exposer les principales caractéristiques de la théorie des associations populaires coopératives de L. Walras (2.1). Nous considérerons ensuite celles-ci appliquées aux associations coopératives de production, de consommation et de crédit (2.2).

Notes
1277.

L. Walras [Ibid., p. 693].

1278.

L. Walras [1990, p. 178 ; 1996, p. 702].

1279.

« Le capital […] n’est donc aucunement cet intermédiaire parasite qui, dit-on, dévore à la fois le producteur et le consommateur et qu’il faut anéantir ; c’est un agent indispensable et précieux de toute création industrielle, de toute entreprise commerciale, de toute opération de banque », L. Walras [1990, p. 172].

1280.

L. Walras [Ibid., p. 42 ; p. 172]. Voir aussi C. Hébert et J.-P. Potier [Op. cit., p. XV].