Le développement des associations populaires coopératives supposent la réunion des quatre conditions suivantes. Les deux premières concernent l’organisation économique de l’association alors que les deux dernières touchent à son organisation financière.
Le fonds social de l’association, premièrement, se forme progressivement par les versements réguliers des cotisations des associés d’abord prélevées sur les salaires puis complétées par un second prélèvement sur les bénéfices obtenus par l’association. Le capital ainsi constitué ne peut provenir que de l’épargne des associés. Les cotisations doivent être suffisamment faibles pour que tous les associés participent par son épargne à la formation du fonds social ; cette première condition répond au « caractère populaire » de l’association 1283 .
Les associés, deuxième condition, sont à la fois actionnaires du fonds social et participants actifs au fonctionnement de l’association, soit par leur travail au sein de l’association, soit par leur consommation en tant qu’acheteur ou emprunteur des produits de l’association. Chaque associé bénéficie de l’activité associative, soit indirectement par des dépenses de consommation moins élevées, correspondant à une baisse du prix de vente des biens vendus par la coopérative de consommation, ou par une élévation des revenus, consécutive à une hausse des rémunérations salariales par les coopératives de production ou de crédit ; soit directement par la perception de dividendes sur les bénéfices générés par l’association 1284 ; cette seconde condition définit le « caractère coopératif » de l’association 1285 .
L’association, troisième condition, adopte le principe de « responsabilité proportionnelle intégrale » consistant en ce que chaque associé s’engage ‘« jusqu’à concurrence’ ‘ du règlement intégral du passif social, chacun proportionnellement à sa quote-part dans l’actif social »’ 1286 . Il ne s’agit pas de sociétés de personnes mais de sociétés de capitaux dans lesquelles les pertes éventuelles sont comblées par le capital engagé.
Enfin, quatrième condition, le nombre des associés et le montant du capital social ne sont pas fixés à l’avance et sont susceptibles de varier suivant les entrées et les sorties de l’association 1287 . On notera ici que la réalisation de ces deux dernières conditions aurait demandé une modification du Code de commerce ; L. Walras proposa même un projet de loi, mais il fut sans suite 1288 .
A ces quatre conditions, L. Walras ajoute ensuite les statuts des associations populaires ; nous en soulignerons ici seulement les points les plus remarquables. Concernant d’abord l’administration de la société, L. Walras préconise une gestion par un conseil « nommé et contrôlé » par tous les associés qui peuvent à tout moment le dissoudre. Chaque associé disposant d’une voix et d’une seule, tous les intérêts sont ainsi représentés et la direction de l’association est assurée par délégation ; c’est le principe de la « self-administration » que L. Walras rapproche du « self-government » des institutions politiques 1289 . Enfin, pour la répartition des bénéfices, des deux mécanismes précédemment vus entre la distribution directe, sous forme de dividendes proportionnels aux parts des associés dans le fonds social, et la distribution indirecte, sous forme de baisse des prix pour les associations de consommation ou de hausse de revenus pour les associations de production et de crédit, L. Walras opte pour la répartition directe dans la mesure où elle favorise l’augmentation du fonds social. Les associés en effet sont incités à augmenter leurs parts dans le fonds social afin de percevoir des dividendes plus élevés. Par conséquent, les associations populaires versent leurs salaires, vendent leurs produits et effectuent leurs prêts aux « conditions du marché » 1290 .
L. Walras vise par les associations coopératives à l’avènement d’institutions économiques démocratiques auxquelles il rattache deux objectifs essentiels : la généralisation de la propriété du capital, et, l’éducation morale des classes populaires.
Elle distingue les associations populaires des autres sociétés commerciales et industrielles où le fonds social « est tout de suite établi dans ses conditions définitives » alors que dans le cas présent le « fonds grandit et s’accroît au fur et à mesure de la durée et des progrès de la société », L. Walras [Ibid., p. 67].
L. Walras, on le verra plus loin, préférera cette seconde option, L. Walras [Ibid., p. 67].
« Dans une association coopérative de production , par exemple, chaque membre est associé en tant que capitaliste ; et, en tant que travailleur, il est salarié », L. Walras [Ibid., p. 223 ; p. 178].
L. Walras [Ibid., p. 68 ; p. 51]. Voir le paragraphe 2.2 suivant pour les différences possibles entre associations de production, de consommation et de crédit.
L. Walras [Ibid., p. 54 ; p. 68].
L. Walras [Ibid., pp. 57-64] et C. Hébert et J.-P. Potier [Op. cit., p. XV].
Chaque associé « quel que soit le chiffre de sa quote-part dans le fonds social, doit avoir une voix, et n’en avoir qu’une seule, dans les assemblées générales », L. Walras [Ibid., p. 76].
L. Walras reconnaît néanmoins qu’une petite différence avec les « conditions du marché » serait « légitime en raison de ce fait que la réunion même des sociétaires comme consommateurs , producteurs et emprunteurs est un élément du succès de la société, et profitable en ce que cette petite part de bénéfice immédiatement perçue est susceptible d’attirer à l’association de nouveaux membres », L. Walras [Ibid., p. 77]. Pour le détail complet des statuts, voir L. Walras [Ibid., pp. 68-78].