L’objectif économique du coopératisme va de soi. Reconnaissant la question sociale comme un problème majeur de la société contemporaine, C. Gide vise par le développement des associations de consommation d’abord l’émancipation matérielle des travailleurs. Mais c’est davantage pour des considérations de justice sociale qu’il va condamner le système économique salarial dans ses premières conférences de propagande sur la coopération 1355 ; le salarié reste en effet dépendant du propriétaire des moyens de production lui laissant aucune initiative et responsabilité en matière économique. C. Gide étend aussi cette critique à tous les bénéfices obtenus dans les échanges économiques en raison de la propriété d’un capital, notamment entre le créancier et le débiteur ou entre le marchand et le client (a) 1356 . Ainsi, le coopératisme vise à transformer le salariat afin de restituer aux travailleurs la propriété des instruments de production, condition nécessaire à l’acquisition de leur autonomie individuelle. Il recherche aussi la modification des relations commerciales et financières. Mais si les transformations souhaitées de l’organisation économique portent d’abord sur la production, elles doivent en dernière instance répondre aux besoins des consommateurs. L’amélioration de la situation économique des classes salariales reste ainsi conditionnée à la réalisation de cette transformation politique de l’organisation économique (b).
Nous pensons ici surtout à ses premières conférences de 1886 intitulées « Les prophéties de Fourier » et « La coopération et le parti ouvrier en France », C. Gide [Op. cit., 1900 (1886b)].
Le coopératisme et le socialisme se rejoignent sur ce point car même « s’il est vrai que les associations coopératives ne se proposent pas de supprimer la propriété, ni le capital , ni l’intérêt […] elles ont pour but de destituer le capital et son rôle dirigeant et de lui retirer la partie qu’il prélève sous le nom de profit », C. Gide [2000 (1931), p. 374] (cet extrait date de la troisième édition des Principes d’Economie Politique en 1891).