Les associations coopératives, par définition antinomiques du mode salarial en ce qu’elles subordonnent le capital au travail, contraignent nécessairement les libertés individuelles et le développement économique. Certes, elles peuvent, par des applications variées et sous certaines conditions sociales bien déterminées, obtenir des résultats probants. Aux sociétés coopératives, il faudrait aussi ajouter les syndicats ouvriers, les sociétés de secours mutuels ouvrières, les institutions d’éducation professionnelles, etc. 1511 . Parmi les résultats attendus de la pratique associative figurent principalement d’une part les bénéfices économiques, par la baisse des coûts de la consommation ou l’augmentation des revenus des travailleurs ; et d’autre part les progrès moraux, par les habitudes de prévoyance, d’épargne et de solidarité entre associés 1512 . Si donc l’association se révèle effectivement un moyen à la fois utile et moral, nécessaire à la préservation de l’indépendance individuelle 1513 , son développement ne peut que rester limité aux situations économiques dans lesquelles elle n’enfreint pas les libertés individuelles. La suppression du salariat par l’association coopérative suppose en effet une organisation économique régie par la contrainte sociale (a). L’échec des expériences coopératives en apporte une preuve factuelle. Hormis quelques cas isolés, les associations réintroduisent inévitablement le salariat dans leur mode d’organisation interne (b).
P. Leroy-Beaulieu [1888, p. 185].
P. Leroy-Beaulieu effectue une description très détaillée dans le Traité théorique et pratique d’économie politique du fonctionnement des sociétés coopératives de consommation, de crédit et de production. Il dissocie ainsi entre les associations de consommation, celles qui ont un but économique, économique et moral, et, économique, moral et social ; le dernier type correspond à la société coopérative de consommation présentée par C. Gide. Le but économique vise donc à baisser les prix de vente des biens de consommation et à en améliorer la qualité ; le but moral à diffuser un esprit de solidarité entre ses membres en créant avec une partie des bénéfices des institutions d’entraide, de secours, d’instruction, etc. ; et le but social à inciter l’épargne par la dépense, (P. Leroy-Beaulieu [1896b, p. 568].). En ce qui concerne les sociétés coopératives de production, P. Leroy-Beaulieu distingue deux types d’avantages : économique, par l’augmentation des revenus des associés qui voient s’ajouter à leurs salaires les bénéfices de l’association, et moral, par l’indépendance acquise des ouvriers en devenant leurs propres employés (P. Leroy-Beaulieu [Ibid., p. 625].). Enfin, il sépare dans les associations coopératives de crédit, les coopératives de type Schulze-Delitzsch et celles de type Raiffeisen ; les premières visant par une organisation calquée sur les banques par actions (capital initial versé, cotisations sur les bénéfices, principe de responsabilité solidaire sur les dettes, etc.) à l’octroi de crédits mais sous condition de « qualités morales » avérées de l’emprunteur (« il fallait rendre l’ouvrier et l’artisan dignes de crédit »). Enfin, les secondes, ne requerant aucune souscription d’actions de la part des emprunteurs, fonctionnant sur une base locale et le principe d’une responsabilité illimitée sur les dettes contractées, et, accordant leurs crédits aux catégories sociales les plus démunies, P. Leroy-Beaulieu [Ibid., pp. 600-622]. Voir aussi pour un exposé plus synthétique P. Leroy-Beaulieu [1888, pp. 182-194].
La révolution de 1789 entraîna pour P. Leroy-Beaulieu l’établissement d’un « individualisme excessif » car la liberté individuelle présuppose « le droit de réunion et d’association », P. Leroy-Beaulieu [Ibid., p. 185].