5.2 Les textes spécialisés de la Pollution : marqueurs d’un savoir composite 361 , interdisciplinaire et transversal

Dans la perspective de la Terminologie moderne, on sait que pour mener à bien un travail terminologique ayant trait à un domaine qui est à la fois technologique (ayant comme base scientifique les principes de l’Écologie), économique et social (le bien-être de l’Homme au sein de l’environnement), il faut maîtriser une méthodologie ouverte et appropriée. C’est l’obligation première à la présentation de résultats cohérents, ordonnés et systématiques.

En effet “cada trabajo en concreto adopta una estrategia en función de su temàtica, objetivos, contexto, elementos implicados y recursos disponibles” (CABRÉ, 1999 : 137).

Le terminologue doit être doté de trois compétences essentielles pour mener à bien son travail.

Tout d’abord, il doit acquérir la compétence cognitive nécessaire à la connaissance du domaine concerné afin de structurer et d’identifier les divers éléments terminologiques.

Ensuite, il doit, dès le départ, maîtriser les langues sur lesquelles il fait la recherche terminologique.

Et, finalement, il doit s’approprier les caractéristiques qui peuvent contribuer à ce que son travail terminologique puisse réaliser pleinement les objectifs prévus et servir avec efficacité les utilisateurs.

Ces diverses compétences permettent de dessiner la “carte conceptuelle” du domaine (cf. Cabré, 1999), point de départ pour son traitement terminologique et terminographique (voire terminodidactique). Mais l’efficacité de ces démarches va dépendre des choix documentaires préliminaires. C’est ainsi que, en constatant la diversification de la diffusion des textes concernant la Pollution, nous avons dû constituer un corpus au premier regard hétérogène mais assez représentatif de la thématique étudiée.

Nous nous basons sur la méthode préconisée par une théorie Communicative de la Terminologie, que nous avons adaptée aux besoins spécifiques de notre recherche terminologique, car

‘En la TCT el método es necessariamente descriptivo, y consiste en la recopilación de las unidades reales usadas por los especialistas de un campo en distintas situaciones de comunicación. Esta diversidad de situaciones presupone que el corpus de extracción de los términos debe ser heterogéneo y representativo. Ello no impide que para un trabajo determinado pueda ser homogéneo tanto en su nivel de especialización y en el tipo de textos seleccionados, como también en la perspectiva de tratamiento del tema. Los términos seleccionados son unidades reales, (...)” (ibid, 1999 : 138)’

Ainsi, pour mieux cerner le domaine et secteur d’expérience de la Pollution, il a fallu acquérir les compétences cognitives sur, d’abord, le grand domaine de l’Écologie et ensuite ceux de l’Environnement/Pollution 362 . En effet, pour pouvoir aborder la thématique de la Pollution, force nous fut de constater qu’il fallait aborder le sujet de l’Écologie et de l’Environnement 363 , en tenant compte de l’imbrication des thématiques interconnectées, elles-mêmes exemplaires d’une nouvelle conception des savoirs et d’une nouvelle vision du monde.

Ces domaines sont au coeur des mutations sociétales 364 . Il a fallu donc, toute une étude interdisciplinaire liant épistémologie, histoire du (des) domaine(s) et terminologie pour pouvoir cerner le parcours de l’Écologie et ses implications dans les secteurs émergents de l’Environnement, et singulièrement dans celui de la Pollution 365 .

Nous avons dû également consulter des documents terminologiques du genre dictionnaires, lexiques, glossaires, banques de données, thesaurus, encyclopédies, classifications, etc., sans oublier l’avis des spécialistes, afin de mieux cerner des questions telles que le nomadisme des concepts/termes, les spécificités terminologiques du secteur, ses différentes dimensions, ses liens interdisciplinaires et, finalement, son développement transversal (terminologie de base, terminologie préférentielle, emprunts terminodiscursifs, etc).

Un ensemble de corpus de la Pollution a été ainsi constitué : un corpus documentaire de référence global, aidant à l’acquisition de la compétence cognitive, un corpus de base ou d’analyse (sous ensemble du corpus global) à double volet : pour la détermination du type de discours de la Pollution (cf. III Partie), pour l’extraction des éléments terminologiques (termes, contextes, occurrences, coocurrences, etc.).

Il va de soi que ces moyens “scripturaux” ont aidé à construire la carte conceptuelle de la Pollution. Nous la présentons dans une perspective générale, mais, néanmoins, elle reflète déjà l’importance terminologique de ce domaine dans les échelons les plus représentatifs du circuit de communication spécialisée. Nous sommes donc partis d’une analyse de textes ayant trait à une thématique précise mais composite, aux multiples dimensions, d’un univers liant le scientifique, le pédagogico-social, le politique, le juridique, l’anthropologique et l’éthique, explorant ainsi un domaine qui concerne les diverses structures de fonctionnement de la société moderne.

Il s’agit d’un travail thématique bilingue, essentiellement descriptif, visant à souligner les différents éléments qui pourront nous amenés vers un modèle de dictionnaire réellement représentatif des caractéristiques du domaine d’expérience traité au niveau de son réel fonctionnement terminologique.

Ainsi, positionner les textes au centre des préoccupations de l’analyse terminologique revient à les considérer comme des données de traitement terminologique. Les textes deviennent de ce fait des documents à exploiter, en vue de mieux connaître le domaine et son fonctionnement discursif, ainsi que de collecter, de dépouiller et de sélectionner l’ensemble des termes structurateurs du thème, avec l’ambition finale d’élaborer les outils terminographiques qui véhiculeront des connaissances terminologiques sur le domaine traité et proposeront les éléments nécessaires à sa diffusion (information). Les utilisateurs de ces documents terminologiques seront divers : le spécialiste du domaine, l’apprenti du domaine, le terminologue, le traducteur, et - pourquoi pas ? -, tout public “assoiffé de connaissances”.

Les “actes discursifs situationnels” de la Pollution démontrent bien le fonctionnement modèle de toute communication spécialisée actuelle : plusieurs organisations de concepts, enchaînement des descriptions, classements, etc, explicites dans différentes contextes d’ énonciations.

Par exemple, certaines composantes de la matrice textuelle pour l’étude de la Pollution indiquent des structures rhétoriques accordant une large place aux notions dépendantes des secteurs de gestion politique et technologique du milieu.

En effet, l’ensemble textuel de la Pollution sélectionné, est un ensemble rhétorique à plusieurs structures pragmatiques : une structure de texte constituant du type scientifique ou technologique, une structure de type économique, jurique et politique

‘Le paysage de l’analyse du discours scientifique baigne dans une ombre qui ne se dissipe jamais tout à fait. Quelle est la position sociale du scripteur ? Quels sont les enjeux de la communication ? Que savons-nous du champ scientifique, de ses traditions épistémologiques et de la genèse des concepts qu’on y discute ? Qui sont les lecteurs ? Pourquoi lisent-ils ? Que font-ils de cette information ? Dans quel but lisent-ils des écrits de la science ?, etc. On pourrait allonger cette liste.’ ‘Or tous ces éléments sont constitutifs du discours comme phénomène élémentaire de communication sociale.’ ‘Ce sont ces données qui l’engendrent, assurent son émergence et lui donnent sens. Que l’on désigne cette série comme “les conditions de production”, les “dimensions sociolinguistiques” ou le “domaine extralinguistique”, il y a bien unanimité pour considérer que l’analyse doit déborder le cadre formel.’ ‘Le chercheur ne peut interpréter et analyser une catégorie de discours scientifique qu’avec l’aide d’une connaissance approfondie du champ scientifique disciplinaire, en comparant les différentes pratiques de communication, et en décrivant le contexte dans lequel elles s’insèrent (contexte au sens des conditions sociales et historiques situant les enjeux de la communication).(JACOBI, 1984 : 48-49)’

On peut également considérer qu’un texte spécialisé est, en vérité, structuré à partir d’unités de connaissances spécialisées. Un système d’unités de signification générale se juxtapose à un système d’unités de signification spécialisée, qui ont acquis finalement leur valeur terminologique au moment où elles ont été utilisées dans un domaine (cf.CABRÉ, 1999).

Notes
361.

Dans le sens de varié.

362.

Cette étude est la conséquence directe d’une démarche qui, sans écarter la délimitation des domaines par le biais des classifications du type CDU ou Thesaurus, a dans cette première analyse fondamentale (la connaissance du domaine) préférée tenir compte d’une vision de la Science comme un ensemble d’îles contituant un archipel de savoirs.

363.

Cf. nos travaux au sein du groupe GRLLP pour le Dictionnaire Terminologique des Termes Préférentiels de l’Écologie ainsi que nos publications sur le sujet. Le DTPE, par exemple, est un outil terminographique qui a traité le domaine de l’Écologie en tenant compte du nouveau paradigme scientifique (notamment, la notion de “Science de synthèse”, souvent utilisée par les spécialistes avec lesquelles nous travaillons M. Michel Dupupet, M.le Professeur Aziz Ab’Saber et M. le Professeur A. Lamberti) et des nouveaux apports de la Théorie de la Terminologie.

364.

Qui ont trait à des constantes du type rentabilité, visibilité mais également respect de la loi et de l’éthique. Dans ce concept, la notion de programme d’action matérialisé par des outils de valorisation des spécificités est essentielle.C’est pourquoi ces transformations dépendent de mécanismes d’auto-régulation (par exemple, par domaines : l’écologie s’appuyant sur des mécanismes écologistes et les principes de développement durable). Dans cette nouvelle société, le citoyen a une présence à la fois économique et socioculturelle.

365.

Le thème de la Protection de l’Environnement, directement lié à celui-ci, n’a pas subi une analyse terminologique complète parce que cela dépasserait largement les objectifs de notre recherche. Dans nos futurs travaux, ce thème sera intégré dans une recherche qui inclura aussi l’étude de la terminologie de l’écotoxicologie et de la noxologie.