Ce qui gêne le terminologue, qui doit distinguer, en général, des domaines et des sous-domaines, est le fait qu’il doit (ou il ne peut pas s’empêcher de) s’appuyer sur des classifications perçues comme arbitraires. Il s’agit, de fait, de méthodes documentaires qui sont au service de systèmes codifiés et fermés 445 . Malgré cela, le besoin d’établir des contours et des “frontières” reste intact.
En se penchant sur les besoins classificatoires en Terminologie, B. de Bessé propose différents types de domaines.
Premièrement, le domaine terminologique, délimité par les scientifiques et les juristes et qui est composé de systèmes conceptuels organisés résultant de théories validées et reconnues.
Deuxièmement, le domaine documentaire, aux structures diverses, composé d’un certain nombre de langages (à structure arborescente ou à structure combinatoire) construits pour servir d’outils d’analyse, de traitement d’information et de recherche documentaire.
Troisièmement, le domaine sémantique, composé de classes conceptuelles qui peuvent être dégagées par la distinction des universaux en présence, par rapport à des éléments sémantiques caractéristiques de type cause, ordre, existence, etc.
Quatrièmement, le domaine terminographique, issu d’une sélection de concepts qui composent un réseau conceptuel en fonctionnement et qui seront associés à la définition terminographique.
Selon le type de structuration qu’on donne à une thématique, la Pollution par exemple, elle peut être un domaine documentaire 446 , un domaine terminologique, un domaine sémantique et un domaine terminographique. Traditionnellement, le travail terminologique aboutit à une pratique terminographique et donc à des produits terminographiques représentant un certain domaine.
Toujours dans la perspective où le traitement d’un domaine dépend d’un “point de vue”, ce même auteur propose pour le délimiter différentes classifications tributaires du point de vue choisi. Elles se résument à six catégories :
Face à tant de propositions classificatoires, la question qui se pose est de savoir si les applications de ces méthodes peuvent être multiples ? Il nous semble que l’utilisation de chaque méthode classificatoire proposée à des étapes précises de la recherche peut s’avérer efficace. Il est bien vrai que encore maintenant il serait impensable de procéder à l’analyse d’un domaine sans utiliser une démarche mixte, sémasiologique/ onomasiologique. En pratique terminographique le va et vient onomasiologie/sémasiologie s’opère constamment pour des besoins de rigueur d’analyse. C’est vrai que, le plus souvent pour des raisons méthodologiques, on classe de haut en bas (de la thématique générale aux spécificités) et seulement après ce premier découpage on procède, si le domaine n’est pas très spécifique, de bas en haut (des spécificités, ses relations intrinsèques et extrinsèques).
Il faut donc partir d’une ou de plusieurs classifications a priori pour concevoir une carte conceptuelle (ou un arbre de termes d’un domaine) et à mesure de sa description, utiliser des moyens de classement pour son organisation conceptuelle, son organisation terminologique, son classement terminologique final et sa production terminographique.
Le dossier terminographique qui servira à l’élaboration d’outils terminographiques, comme le dictionnaire, fonctionne finalement comme une classification d’un ou de plusieurs domaines. Il doit comporter un nombre raisonnable de termes qui, avec la description du concept, pourront décrire un domaine.
Pourquoi utiliser les classifications ? Parce qu’en soi elles constituent déjà un effort considérable de structuration et “d’harmonisation” de terminoclatures.
Nous savons fort bien que les classifications, malgré toutes les insuffisances rencontrées lors d’analyses terminologiques, ont contribué à l’idée générale de la multiplicité des domaines : on part d’un tronc vers des milliers d’embranchements. Il s’agit d’un univers cognitif fragmenté en milliers de rubriques. Mais, et nous l’avons déjà précisé, les domaines s’interpénètrent, construisent des passerelles qui pourront devenir soit de profitables moyens d’interdisciplinarité soit de nouvelles spécialisations, pionnières de nouvelles disciplines et donc de nouveaux paradigmes.
Tout compte fait, les classifications sont un moyen de reproduction d’un certain réel, de connaissances soumises à des modèles culturels et idéologiques même si elles évoluent moins vite que la diffusion de nouvelles connaissances.
Il est inévitable que la délimitation d’un espace conceptuel reste toujours une tâche subjective parce qu’elle dépend du point de vue utilisé. Par exemple, l’Écologie verra ces unités de connaissance classées de manières différentes par un chercheur, un technicien de l’environnement ou un juriste.
Pourquoi alors avons-nous besoin de nous servir de classifications documentaires du type CDU ou thesaurus ? Parce qu’elles sont un bon exemple d’approche documentaire préliminaire et utile à tout travail terminologique ; parce qu’elles facilitent l’acquisition d’une perspective globale sur le thème de la Pollution et ses imbrications avec d’autres domaines ; parce qu’elles facilitent la recherche terminologique dans la structuration du domaine et dans le classement des termes (cf. Annexes - Classifications documentaires).
Les langages documentaires constituent des systèmes pour la classification ou l’indexation de contenus de documents, servant comme outil de recherche d’information. Ils sont, de fait, des systèmes de classification de contenus (repérage de concepts fondamentaux contenus dans les documents suivi d’une classification thématique de chaque champ de connaissance). À titre d’exemple, on peut chronologiquement énumérer quelques classifications : la classification de Brunet, la classification de Harris, la CDD, l’Expansive Classification, la CDU, la classification de Ranganathan (proposition de cinq catégories pour l’indexation de la connaissance : personnalité, matière, énergie, espace, temps), la classification BBK, la Chinese Documentation Classification et à partir de la moitié de ce siècle vient s’ajouter le développement de langages d’indexation du type thesaurus, avec l’avènement, notamment, du concept d’uniterme, puis du descripteur (fin des années 50). Aujourd’hui il existe une grande diversité de thesaurus (cf. base de données THESAURI).
Indexation dans la CDU, dans un thesaurus, dans un bulletin terminologique officiel, dans un dictionnaire, etc.