7.2.1 L’Écologie : vers une science des écosystèmes

“Et au début était la Nature” 462 , telle était naguère toute introduction aux questions écologiques. Aujourd’hui, l’expression même si elle est un peu galvaudée, désigne encore spécifiquement les systèmes écologiques originels ou peu altérés par les actions de l’Homme.

Nous citerons, en préambule, d’autres définitions avec l’espoir qu’elles contribuent à plus de clarté : ainsi les termes Écologie, Environnement et Pollution 463 . Nonobstant l’ancienneté de la réflexion écologique, ce sont des termes vulgarisés depuis peu. En tant que termes officiellement normalisés, ils datent des années soixante dix. Voici ces termes présentés par la norme AFNOR NF X30-001 464

‘Écologie 465 Ecology ’ ‘Science traitant des relations des organismes vivants entre eux et avec leur milieu.’ ‘Environnement Environment ’ ‘Ensemble, à un moment donné, des agents physiques, chimiques et biologiques et des facteurs sociaux susceptibles d’avoir un effet direct ou indirect, immédiat ou à terme, sur les organismes vivants et les activités humaines.’ ‘Pollution 466 Pollution ’ ‘1° Introduction, directe ou indirecte, d’un polluant dans un milieu déterminé.’ ‘2° Résultat de cette action : présence de ce polluant dans ce milieu.’

Cette norme présente également le terme polluant comme un alteragène (physique, chimique ou biologique). Cela nous renvoie directement aux néologismes répertoriés en 1972, contenus dans cette norme. Tout d’abord, le terme Altéralogie qui est défini comme la partie de l’écologie consacrée à l’étude des altérations de l’environnement ; ensuite le terme Alteramétrie défini comme un champ d’application de l’altéralogie 467 qui traite de l’établissement des critères, de leur évaluation et de la mesure des données relatives aux agents et facteurs de l’environnement dans leurs rapports avec les êtres vivants.

Le terme environnement, plus prisé que ceux de nature ou de milieu 468 est de plus en plus l’élément-clé des programmes économiques concernant la croissance et l’emploi. Il a désormais sa place parmi les secteurs d’activité 469 du futur, réputés les plus féconds

‘L’écologie des années 90 est donc intégrée dans la société, aussi bien dans les instances administratives que politiques. Tous les partis politiques ont désormais un programme environnement. La plupart des grandes entreprises ont un service spécialisé et beaucoup se transforment en mécènes verts. L’écologie version fin de siècle ne renie pas le progrès scientifique et technologique qu’elle veut mettre au service de la nature, mais aussi de l’homme dont elle considère le bien-être social comme l’une des composantes de l’environnement” (BINET ET LIVIO, 1993 : 19)’

Son cheminement épistémologique est également intéressant. D’abord un mode de pensée scientifique tournée vers la “totalité bucolique” ou des microcosmes observés en tant que spécimens de la préservation de la nature, l’écologie s’oriente ensuite vers le macrocosme, des systèmes plus complexes 470 , où les contributions interdisciplinaires, toujours omniprésentes, s’accélèrent beaucoup à partir, notamment, de l’avènement de la théorie écologique des écosystèmes 471 . L’écologie est donc dès le départ liée à l’économie, aux modes de pensée et au milieu social.

Notes
462.

La Nature était un sujet de débat et de réflexions déjà chez les grecs. L’air, l’eau, le sol, les plantes et les animaux avaient intéressé, à des degrés divers, des savants tels qu’Hippocrates (Traité des Airs, des Eaux et des Lieux, ouvrage qui défendait que l’organisme dépendait du milieu extérieur), Platon, Ciceron, Aristote (étude des plantes, histoire naturelle des animaux locaux, tentatives de classement), Théophraste (étude des plantes dans leur habitat et distribution géographique), Dioscorides (le principe des herbiers).

463.

En portugais respectivement Ecologia, (Meio) Ambiente, Poluição. Il ont été vulgarisés plus tard au Portugal qu’en France.

464.

Ce sont des termes qui résultent des travaux menés par le CILF avec la participation de l’AFNOR. Ils font partie du “Vocabulaire de l’environnement,” édité par le CILF en 1972. Les normes qui commencent par X30 concernent la terminologie de l’environnement et les ressources de base.

465.

En 1971, Odum la définissait comme étant “l’étude des relations des organismes ou des groupements d’organismes avec leur environnement, ou la science des interrelations des organismes vivants et de leur environnement”.

466.

La plupart des scientifiques font toujours référence à la première définition de Pollution , celle du Rapport du Conseil sur la Qualité de l’environnement de la Maison Blanche (1965), comme étant la plus précise, et la plus apte à de nouvelles adaptations conceptuelles. Le terme pollution est défini comme étant une modification défavorable du milieu naturel qui apparaît en totalité ou en partie comme un sous-produit de l’action humaine, au travers des effets directs ou indirects altérant les critères de répartition des flux d’énergie, des niveaux de radiation, de la constitution physicochimique du milieu naturel et de l’abondance des espèces vivantes. Ces modifications peuvent affecter l’homme directement ou au travers des ressources agricoles, en eau et en produits biologiques. Elles peuvent aussi l’affecter en altérant les objets physiques qu’il possède ou les possibilités récréatives du milieu.

467.

Les premières fois que J. Ternisien utilisa ces termes il les appliqua, sous l’angle de la pollution, à l’atmosphère.

468.

Le terme milieu fut utilisé jusqu’au début du siècle pour être remplacé par le terme environnement (qui existait en français dès le XVIes mais qui, dans le cadre de ces études est, au départ, un emprunt de l’anglais environment). Le terme milieu était d’ailleurs très concurrencé par d’autres termes : “endroit”, “lieu” (Linné), “circonstances extérieures” et “les milieux ambiants (E.G. Saint-Hilaire), “paysage”, “agents extérieurs”(Candolle), “conditions d’existence”, entre autres. C’est Lamarck qui introduisit le terme dans l’Histoire Naturelle, au moment de son discours d’ouverture au cours de zoologie (1800) “milieux environnants “ . Il est à remarquer que le terme introduit au Portugal fut Meio Ambiente, avec aujourd’hui la tendance à être réduit à Ambiente. L’usage du terme “environment” se doit à la grande influence de l’écologie américaine. Le terme est d’en emploi courant en France et il est repértorié dans les dictionnaires à partir de 1960. L’environnement est le milieu dont on maîtrise les facteurs multiples et dont on comprend son organisation par des réseaux complexes d’interrelations. Le terme environnement se lie d’emblée aux caractères dynamiques(successionnelles) de la biocénose et non classificatoire et statique. Il est, en général, le milieu biogéochimique où vivent les humains.

469.

Notamment, des stratégies de production et de fabrication.

470.

Comme système complexe il est l’objet d’études de méthodes variées, qualitatives et quantitatives, etc.

471.

L’écologie est une science de synthèse qui utilise les connaissances et les méthodes de beaucoup d’autres disciplines. Ce concept était en germe dès le départ. Ce seront les concepts de biocénose et de biotope(Candolle pour la répartition des espèces utilisait le terme station) qui lui accorderont toute sa consistance conceptuelle. Des petits milieux bien localisés, l’écologie s’est élargi peu à peu à des modèles de biotopes qui sont toujours en vigueur : la montagne (études des étages de végétation), le lac (étude des biocénoses et du concept d’écosystème), l’île (étude de biotope isolé ; surtout avec le Centre de Recherches de Limnologie de l’université de Madison).