7.3.2 Écologie et environnement

En 1995, J. Grinevald 571 insistait sur la nécéssité d’appliquer une stratégie cognitive globale aux relations d’interdisciplinarité, liant l’écologie et l’environnement, non sans souligner que ce but était loin d’être atteint.

Heureusement, une étape importante vient, toutefois, d’être franchie car aujourd’hui la société moderne fait appel aux écologues pour des besoins scientifiques de gestion de l’environnement naturel. Les applications de l’écologie sont désormais nécessaires pour la résolution de problèmes au niveau local, national et mondial. Les écologues interviennent dans les études sur la pollution, la recherche des méthodes de prévention et de dépollution, les analyses sur les impacts, les projets d’aménagement, le classement de sites à risques, la constitution de normes 572 et d’harmonisation de terminologies, etc.

E. Odum (1971) résume cette situation scientifique particulière en présentant l’écologie comme une science interdisciplinaire qui entretient des relations avec les sciences biologiques, physiques et sociales. Dans la logique de ce raisonnement, les sciences de l’environnement apparaissent aussi interdisciplinaires et composites, concernées par l’ensemble des disciplines non biologiques qui étudient l’environnement.

Cet état de fait se reflète dans le domaine universitaire au niveau mondial : la plupart des Universités considèrent la gestion et la protection de l’environnement comme un champ d’investigation et d’étude si important qu’elles ont inscrit dans leurs cursus des formations techniques et diplômantes sur l’environnement.

Dans les Universités scientifiques françaises les formations en écologie et en métiers d’environnement sont déjà établies. Au Portugal, il s’agit d’un secteur nouveau mais qui témoigne de l’adoption sans réserve du mode de vie européen, il compte de nombreuses formations spécifiques récentes, à savoir : Engenharia do Ambiente, Ciências do Ambiente - ramo de qualidade do ambiente, Engenharia do Ambiente e dos Recursos Naturais, Engenharia de Minas e Geoambiente, Engenharia do Ambiente - ramo de engenharia sanitária, Engenharia do Ambiente e do Território, Engenharia Civil e do Ambiente, Ciências do Ambiente, Gestão do Ambiente 573 .

Ces quelques exemples sont révélateurs des besoins sociaux et scientifiques en “écologie appliquée”. Cependant, comme en France, le terme “écologie” est absent des intitulés de ces diplômes. Il ne faut pas oublier que ce terme a été exclu de l’enseignement français en 1981 à peu près à la même date qu’au Portugal où l’écologie n’a connu qu’une existence éphémère dans l’enseignement secondaire.

En revenant à la distinction entre écologie et environnement, F. di Castri (1994) considère qu’il s’agit de deux concepts différents : l’écologie demeure une science à dominante biologique alors que l’environnement est un carrefour de sciences exactes, naturelles et humaines.

À notre humble avis, cette distinction valide la définition classificatoire déjà établie des sciences de l’environnement : l’ensemble des disciplines non biologiques concernées par l’étude de l’environnement. Mais la pertinence de la distinction entre l’écologie et l’environnement est pondérée par le fait que leur objet d’étude est le même. A. Lamberti 574 , scientifique brésilien, considère qu’il ne faut pas dissocier l’écologie et l’environnement parce que la problématique écologique est une “problématique environnementale”. J. de Rosnay (1994 : 12) rejoint cette analyse en définissant l’écologie comme “une sorte de métadiscipline. Une discipline intégrante qui rassemble de nombreuses autres disciplines dans une vision globale. C’est un concept intégrateur”.

Les différents secteurs de recherche sont en étroite interdépendance. L’écologie est essentielle à l’étude de la pollution, car elle constitue la base pour la connaissance d’un environnement dégradé 575 . Dans ce sens, elle sert à analyser les déséquilibres produits, en les confrontant avec les connaissances acquises sur les équilibres écologiques. Cela veut dire qu’on ne pourra pas délimiter conceptuellement et terminologiquement un secteur comme la Pollution de l’eau si on ne tient pas compte des aspects tels que la structure et la fonction des écosystèmes aquatiques pour lesquels des mesures chimiques et des vérifications expérimentales, peuvent dresser un tableau de dysfonctionnements.

Dans le même ordre d’idées, pour entreprendre une étude scientifique de l’environnement il faut prendre en compte l’impact de l’activité anthropique sur la biosphère. Nous rappellerons, à cet égard, que l’environnement dans sa plus grande échelle traite aussi bien de l’écosphère que de la biosphère.

C. Larrère (1993 : 27) considère que le terme environnement englobe plusieurs acceptions : ensemble de pratiques variées dont la protection des biotopes, la défense du cadre de vie, la gestion des ressources énergétiques, la taxation des émissions industrielles, la protection des espèces, la protection des droits des chasseurs ; et un moyen d’alerte en situation de crise ou de danger.

L’environnement est ainsi, officiellement, un bien commun ce qui est confirmé par le Rapport Bruntland et les conférences internationales sur : l’ozone, le gaz à effet de serre, les CFC, etc.

On peut gérer l’utilisation qu’on fait de l’environnement dans la mesure où l’Écologie implique l’observation d’éléments réels tels que le flux d’énergie et de matière se combinant à travers des cycles organiques et inorganiques. Cette gestion concerne l’application des données scientifiques aux (re)compositions créées par les systèmes culturels.

Le terme environique, ou génie de l’environnement 576 , devient ainsi la proposition de terme le plus approprié pour décrire toutes ses applications politiques, juridiques, sociales et économiques.

Il apparaît, ainsi, que l’environnement est composé de l’ensemble des systèmes physiques écologiques, économiques et socioculturels ayant des effets directs ou indirects sur le bien-être de l’Homme. Comme l’écrit Jean-Yves Daniel (1994 : 122)

‘C’est dire que l’environnement ne saurait se réduire à l’écologie, au sens traditionnel, ni à la biologie. Qu’il intègre les autres sciences que sont les sciences de la Terre et les sciences physique. Qu’il relève également d’une prise en compte technologique, économique et sociologique. Qu’il ne peut être appréhendé dans son devenir sans approfondissement historique. Qu’il ne peut être saisi dans sa diversité sans éclairage géographique, et qu’on ne peut donner un sens à toute politique environnementale, notamment dans sa dimension éducative, sans projet politique et planétaire d’organisation sociale faisant leur part aux relations entre les hommes et entre les peuples, sous leurs aspects philosophiques, moraux et éthiques.’

C’est pourquoi, enfin, les sciences de l’environnement impliquent un développement concerté de niveau technologique 577 , de la même manière qu’elles s’infiltrent dans les programmes de formation/éducation du citoyen, de la productivité économique et de la qualité de vie.

Pour certains écologues l’écologie est la “santé” et l’environnement le “remède”. Ainsi, pour que la santé perdure, les recherches dans les disciplines de l’environnement ainsi que leurs expérimentations sont de plus en plus nombreuses, notamment, dans les secteurs de notre étude. L’écologie est devenu un des pilliers de la société moderne, à un tel point que, en 1992, la Conférence de Rio 578 s’érigea en symbole fort d’un sommet planétaire.

L’environnement a comme référent les réalités humaines qui sont par nature complexes. De là, au niveau discursif et terminologique, des problèmes de précision, de terminologies senties comme équivoques. La problématique terminologique qui s’est posée par rapport à l’écologie se manifeste également par rapport à l’environnement. Par exemple, l’interconnection entre environnement et développement peut prendre des significations diverses dans le langage utilisé par les chercheurs, représentant autant de courants de pensée et autant de disciplines .

L’environnement est, de surcroît, un vaste univers discursif. C’est la raison pour laquelle nous avons privilégié comme axe de recherche terminologique l’analyse des rapports du champ conceptuel d’écosystème avec les disfonctionnements de l’environnement, en délimitant comme secteurs d’analyse la pollution atmosphérique, la pollution de l’eau, la pollution du sol, les déchets 579 .

Comme pour l’écologie, les sciences de l’environnement privilégient la méthode systémique, c’est-à-dire, une analyse des systèmes, suivi de modélisations et de planifications intégrées des ressources. De plus, elle a une triple approche : interdisciplinaire, intersectorielle et internationale. Il s’agit d’une recherche de type résolutif : d’abord une préparation et une conceptualisation par la collecte d’informations importantes sur des situations effectives, par l’appui des théories et des méthodologies disponibles, suivi d’une analyse technique et finalement de la mise en place des recommandations ; c’est l’alliance fondamentale, de l’appliqué et de l’institutionnel.

Notes
571.

Cf Bibliographie de référence.

572.

Les normes servent, de jure, à harmoniser. Le CEN (Comité européen de normalisation) est un organisme qui traite des normes pour les industriels. Il y a quelques commissions de normalisation constituées : deux pour la gestion de l’environnement, deux pour la gestion des déchets, quatre pour les décharges, six pour la qualité de l’air, quatre pour la qualité des sols, six pour l’écotoxicologie et deux pour le bruit. Elles constituent un nouveau cadre pour le changement des comportements de production et des conditions de travail. Il s’agit en effet de documents approuvés souvent par consensus, fixant les caractéristiques d’un produit (déchet hospitalier), d’un processus (traitement des eaux usées) ou d’un matériel (filtre).

573.

Nous faisons référence ici aux Universités de Porto, Trás-os-Montes e Alto Douro, Coimbra, Beja, Lisboa, Algarve et Açores. Cela sous-tend un souci de développer un enseignement structuré et coordonné des questions écologiques, ainsi que l’ idée d’ensemble d’orientations modernes de la recherche en écologie/environnement.

574.

Dans une de ses études sur la préservation et l’agression de l’environnement au Brésil, qu’il a présenté en séance de travail au groupe de recherche GRLLP lors de sa mission à l’Université Lumière Lyon2. Le terme environnement, à titre indicatif, est, au départ, en portugais Meio Ambiente (considéré par beaucoup une redondance), la tendance actuelle étant la réduction à O Ambiente.

575.

Elle permit, de plus, le débat qui concerne l’organisation de la société autour de la problématique de l’environnement. Il existe en quelque sorte quatre tendances : un écologisme fondamentaliste, très lié aux idées du mouvement de mai 1968, très pessimiste et très catastrophiste, prônant une nouvelle société écologiste ; des “écossocialistes” qui préconisent la rupture totale avec la société capitaliste ; les “écocapitalistes” qui défendent une société de marché basée sur le bien-être écologique ; et, finalement, l’écologisme réaliste qui croit en la transformation de la société par la construction d’un nouveau système socio-économique basé sur des actions locales adaptées et visant une progressive écologisation de la société moderne

576.

Auquel, plus récemment, viennent se lier des concepts nouveaux de environtologie, management environnemental et performance environnemental. Ce terme fut créé par Bouché.

577.

Cf. Ph. Esquissaud, L’écologie industrielle.

578.

Il traitait es questions de développement et d’environnement. Cf Agenda 21. L’Union européenne cré, par la suite, le “programme communautaire de politique et d’action pour l’environnement et son développement durable et respectueux”, en 1992 l’ONU créa la commission mondial de développement durable.

579.

Ces thèmes constituent, à l’heure actuelle, les principaux problèmes non seulement des pays industrialisés mais également des pays du “tiers monde”.