7.3.2.1 Droit et réglementations concernant l’environnement

À la suite de ce que nous venons de présenter dans le paragraphe précédent, il faut maintenant décrire les contributions du droit à l’agrément institutionnel de l’écologie en tant que savoir validé ainsi que de l’environnement en tant qu’ensemble d’applications règlementées et normalisées en direction du consommateur, des entreprises, des États, etc.

Le droit de l’environnement est un discours juridique intéressant à analyser parce qu’il reflète le développement des connaissances en physique, en chimie, en biologie et technologie au sens large. Il est composé d’un ensemble de principes et de normes juridiques qui ont comme référence les relations de l’homme avec son environnement. Cette législation poursuit des objectifs de conservation de la nature, de préservation des équilibres écologiques et de lutte contre les différentes pollutions. Le droit de l’environnement présente donc quelques spécificités par rapport au droit général ou au droit de responsabilité, dont il est issu. On le distingue bien par son objectif et son domaine d’application : les relations de l’Homme avec l’environnement, au niveau de l’air, de l’eau, du sol et du sous-sol, de la flore et de la faune.

Chaque norme juridique veut ainsi contrôler l’action de l’homme sur les ressources naturelles, de préserver la nature ou de lutter contre la pollution en vue de maintenir les équilibres écologiques.

Le droit de l’environnement est également spécifique au niveau des principes, comme, par exemple, celui du pollueur-payeur, de la prévention et de la participation. Il affirme sa spécificité nationale 580 , communautaire et internationale.

Dans cet ordre d’idées, faisons un bref récapitulatif des étapes constitutives. Quelles sont-elles ? On peut distinguer trois étapes essentielles pour le droit de l’environnement. La première qui s’échelonne du début du siècle jusqu’à 1940. La deuxième qui s’étend jusqu’à 1970. La troisième qui commence avec la conférence de Stockholm 581 , préconisant la législation internationale sur l’environnement.

Si au départ il s’agissait surtout de normes à caractère régional, elles se sont élargies rapidement aux niveaux national, international et planétaire.

Le droit de l’environnement est omniprésent. On le voit dans les outils d’évaluation et de gestion (diagnostics, audit, harmonisation internationale, brevets), dans l’emballage, le recyclage, les transports de produits à risques, dans la formation, dans la diffusion d’information prioritaire. Au niveau supranational cette législation se traduit par des directives européennes sur l’eau, l’air, l’utilisation du sol, les produits chimiques, les déchets, le bruit, les normes labels et les marque (NF, éco-label européenn), le traitement des pollutions (la France est au premier rang en ce qui concerne le traitement de la pollution de l’eau).

Remarquons maintenant, à travers quelques exemples, l’ampleur du cadre où ce type de droit agit. Au niveau des curiosités historiques, par exemple, on peut signaler qu’au XIVes l’élevage d’animaux à Paris avait été interdit, au XVes des réglementations sur des eaux polluées avaient vu le jour et le droit des installations classées se forma successivement au cours des années 1810, 1917, 1976 aboutissant à la constitution d’une police spéciale des installations classées en 1983.

Pour ce qui est de la qualité de l’air, la France possédait déjà une loi de 1917, confirmée en 1961 et modifiée en 1980. Pour l’eau, la France est un des pays les mieux outillés du monde. La France eut des problèmes d’eau dans les années 1960. Pour mener à bien une politique concertée et adéquate, les réserves en eau furent alors réparties en six bassins hydrographiques (loi du 16/12/1964) : Adour-Garonne, Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditérranée-Corse, Seine-Normandie (avec comités de Bassin). S’y ajoutent aujourd’hui les schémas de gestion comme les SDAGE et les SAGE (loi du 3/01/92).

L’année 1970 marque l’intérêt porté aux déchets, et le démarrage de leur gestion : collecte, décharge comme un moyen ordinaire de traitement à cette époque. 582 . Aujourd’hui près de 100% des ordures sont collectées, un tiers subit un traitement avec valorisation. La loi pour la maîtrise des déchets connut des temps forts en 1975, 1988 et 1992 583 .

Ces questions sont largement traitées dans les Rapports des Ministères de l’environnement. C’est le cas de la France avec son rapport d’activité. De quoi traite-t-il ? Il est généralement divisé en quatre parties : le plan national pour l’environnement, la gestion durable des milieux physiques et vivants, la maîtrise du développement (contrôle des technologies et des risques - déchets, produits chimiques et risques technologiques), et la stratégie de l’environnement au plan international.

On peut observer que le droit de l’environnement, d’essence fondamentalement réglementaire, demeure un des éléments de l’affirmation de la conscience écologique qui se matérialise, de plus, par la création d’associations pour la défense de l’environnement (Greenpeace, WWF, Quercus, Geota, etc), par l’avènement des “partis verts”, par une industrie “verte” fleurissante (les écoproduits, le papier recyclé), par la création des agences de l’eau, d’organismes (ADEME 584 , le DRIRE), etc.

En ce qui concerne les taxes, les premières ont surgi dans les années 1970 585 , et les impôts-verts à partir de 1980. La politique de l’environnment se structure ainsi en trois types de mesures : légales (les lois et les règlements), sociales (l’information et l’éducation), budgétaires et fiscales (les instruments de politique économique 586 ). Ce sont des éléments interdépendants que nous retrouvons également dans l’analyse de la terminologie de la Pollution.

Ces mesures visent des questions prioritaires : la pollution, l’explosion démographique et le problème de l’élimination des déchets. De la sorte, toute la réglementation de base pour la protection de l’environnment, la lutte contre la pollution, la gestion et le traitement des déchets fut élaboré pendant ces trente dernières années.

La survenue récente de quelques catastrophes majeures est venue conforter le droit de l’environnement au niveau national et a favorisé son extension internationale, notamment au sein de l’Union Européenne.

Ces catastrophes sont pratiquement toutes liées à des phénomènes de pollution et de contamination : les marées noires en mer du Nord (1966 et 1971), le Torrey Canyon (1967), l’Amoco Cadiz (1978), les Açores (1989), sur les côtes de l’Alaska (l’épisode Exxon Valdez), etc. ; l’utilisation du défoliant Agent orange (2,4,5-T, pollution par le dibenzodioxine polychloréé et dibenzofurane) en 1975-1971 ; pollution par le rejet d’uranium de l’usine Ferrald dans l’atmosphère (1951) ; l’empoisonnement au mercure à Minamata (1938-1968), le nuage de dioxine à Seveso (1976), la combustion du réacteur nucléaire de Three Miles Island EUA (1979), l’accident chimique (émission de méthylisocyanate) de Bhopal en Inde (1984) ; la catastrophe écologique à Tchernobyl (1986) faisant prendre conscience que la Pollution n’a pas de frontières ; le transport de déchets dangereux dans les pays du tiers monde, etc., une liste qui s’allonge sans limite.

L’évolution du droit de l’environnement est perceptible également au niveau des accords internationaux du genre : Convention sur le droit de la mer (1982), Convention de Vienne (1985), Protocole de Montréal (1987), Convention de Bâle (1989), Convention sur la diversité biologique (1992), entre autres.

Face à ces réalités, le droit national et le droit international de l’environnement sont devenus complémentaires. Si on prend comme exemple le droit de l’environnement et les sanctions contre les effets des pollutions, on vérifie qu’ils dépassent les cadres nationaux.

Les actions législatives et règlementaires sont menées sous l’égide de l’ONU (les programmes PNUE). En 1992 il existait vingt deux directives sur la pollution de l’air, onze sur les déchets. L’environnement est, de facto, une question supranationale dès son apparition. Quelques exemples le confirment : l’Union internationale pour la protection de la nature (aujourd’hui UICN) fut fondée en 1948, sous l’égide de l’UNESCO, comptant 450 gouvernements et ONG et fut l’auteur du Red Data Book en 1980. En 1961 et en 1963 la France associée à l’Allemagne, d’abord, puis au Luxembourg, signa l’accord pour la protection de l’eau (Moselle et Rhin). En 1963, le Conseil d’Europe créa le CESNRN (Comité européen pour la sauvegarde de la nature et des ressources naturelles). En 1967, fut créé le CEICNP (Centre européen d’information pour la conservation de la nature et des paysages. Une conférence d’experts sur les bases scientifiques de l’utilisation rationnelle et de la conservation des ressources de la biosphère se réunit, encore dans le cadre de l’UNESCO, en 1968.

Peu à peu ces nombreuses conférences, conventions et protocoles qui au départ traitaient le plus souvent de thèmes généraux relatifs à l’environnement et à la société, focalisèrent plus spécifiquement leur attention sur la pollution.

Vers 1990 les premiers grands accords internationaux sur l’environnement ont été signés. Par exemple, le protocole de Montréal, en 1987, sur la question des CFC accusés de détruire la couche d’ozone ; la Convention de Bâle sur le règlement du transport transfrontière des déchets toxiques ; le Clean Air Act, loi sur la pollution atmosphérique, par cent trente sept pays ; le rapport du PNUE par Brundtland Notre avenir à tous (1987) lançant le concept de développement durable. Au niveau mondial, la Convention de Basilée établit un cadre juridique international de contrôle du transport des déchets. Dorénavant les déversements ne devraient ni s’effectuer dans la mer ni être exportés vers les pays pauvres.

Ainsi, pour la pollution, les mesures législatives et règlementaires sont nationales, européennes et mondiales. À ce propos on peut citer quelques exemples de traités internationaux comme : le protocole d’Helsinki (émission de SO2), le protocole de Sofia (émission de NOx), le protocole de Montréal (CFC).

En quoi consiste la politique communautaire en matière d’environnement ? Il y a des actions de prévention, le principe du pollueur-payeur, la prévention à la source des effets nocifs, l’intégration des politiques de l’environnement dans l’ensemble communautaire. À partir des années 1990, le Fonds LIFE fut créé afin de financer des actions de dépollution, de conservation de la nature et de récupération de sites (le Portugal fut un grand bénéficiaire de ce fonds) 587 .

À quoi servent les directives de l’UE ? Elles fixent aux États membres des objectifs, qu’il leur appartient de retranscrire dans des textes nationaux (réductions des pollutions de l’eau, de l’air, du sol, sonore). Les déchets, très règlementés, ont une nomenclature qui s’impose à tous.

Nous observons que les lois sur l’environnement, presque absentes en 1970, se comptent par centaines en 1990. Quels en sont les cibles ? La sécurité industriel, la gestion des résidus, les normes de produits, l’hygiene et la santé, la gestion des risques, les pollutions, etc.

L’évolution de la législation est continue. Il y a environ deux centaines de directives et de règlements communautaires obligatoires dans le secteur de l’environnement. En effet, on a commencé par une stratégie du laisser-faire, poursuivie par une stratégie du end-of-pipe (soigner pour guérir) pour aboutir à une stratégie de prévention.

Il faut tenir compte du fait qu’il s’agit d’un droit de l’environnement très complexe et très technique. Il est sans cesse renouvelé. De plus, il est tributaire, ou foncièrement lié à l’évolution des recherches dans les domaines liés à l’environnement : la physique, la chimie (biochimie), la biologie, la géographie, la sociologie, l’économie, etc.

Notes
580.

À titre indicatif, le droit à l’environnement est présent dans la Constitution du Portugal de 1976, de la Constitution du Brésil de 1988, il n’apparaît pas dans la constitution française mais les sources du droit de l’environnement en France ont comme cadre le droit basé sur la protection de la nature du 10 juillet 1976.

581.

Le principe six issu de cette conférence préconise la défense des écosystèmes et le principe dix-huit fait l’apologie de la science comme le moyen de résoudre les problèmes de l’environnement.

582.

Les déchets industriels se faisaient dans la décharge interne.

583.

On cite la France comme un exemple de la voie française du déchet, promesse d’une nouvelle économie à exporter (développement de technologies propres). Dans la loi du 15/07/75 le producteur et détenteur de déchets doit les éliminer par des techniques appropriées (collecte, stockage, dépôt, rejet, récupération). La loi du 13/07/92 concerne plutôt les décharges. Encore quelques lois sur d’autres pollutions, les pesticides, les substances chimiques et encore des déchets, sont intéressantes à signaler : la pollution des eaux superficielles et souterraines (1919), les déchets urbains (1978), les déchets agro-industries (1979), la pollution et décontamination du sol (1980), déchets hospitaliers et les déchets dangereux (1985), la valorisation des déchets (1985), la pollution industrielle et la pollution sonore (1987).

584.

L’ADEME a comme fonction la prévention et lutte contre la pollution de l’air, limitation de la production, élimination, récupération et valorisation des déchets ; la prévention de la pollution des sols, le développement des énergies renouvelables et des technologies propres ainsi que la lutte contre les nuisances sonores. Les Agences financières de bassin coordonnent leur action avec l’ADEME.

585.

Et le brevet européen fut créé en 1973.

586.

À l’heure actuelle, le marché de l’antipollution et de la dépollution s’élève à des milliards de francs avec, environ, une augmentation de 10%/an. Avec ce marché en plein essor, le problème devint international et se matérialise par : la formation d’audits, les processus de spécialisation, la conscience pratique aïgue que la dépollution peut générer de la pollution et que l’antipollution ne fait que déplacer le problème.

587.

À signaler ici l’importance d el’action de l’Agence européenne de l’environnement.