8.1 Sur la collecte et le dépouillement des unités terminologiques en pollution

Il faut avoir présent à l’esprit, qu’aucun modèle scientifique et/ou technologique ne peut être défini et représenté de manière pertinente en analyse terminologique, sans un travail approfondi sur la compréhension des unités terminologiques d’un domaine, à partir de trois niveaux distincts et complémentaires : le niveau cognitif, le niveau communicatif et le niveau linguistique. Nous avons pu mettre en évidence tout au long de ces pages, l’importance de l’acquisition d’une compétence cognitive associée à une compétence sociofonctionnelle, pour structurer convenablement la connaissance d’un domaine.

Il a été question d’histoire mais également de relations entre champs de connaissances connexes et, par conséquent, entre terminologie endogène et terminologie exogène 635 . Ce qui nous conduit, presque naturellement, à un questionnement sur les idées d’interdisciplinarité, de multidisciplinarité et de transversalité.

Un champ de connaissances est interdisciplinaire dès lors qu’il est le produit d’une combinatoire sélective d’éléments, d’idées et de concepts à partir d’autres champs de connaissances. Cette observation conduit à l’émergence d’ un nouveau champ de recherche déterminé par un objet d’étude et une méthode propres.

La pollution est également un champ multidisciplinaire en ce sens qu’elle inclut l’intervention d’autres disciplines, notamment de la biochimie, sans que cela influence ses spécificités domainières.

La pollution est finalement un champ de connaissances caractérisé par la transversalité, parce qu’il peut être analysé à partir de perspectives différentes. Quand la pollution est analysée au niveau scientifique, au niveau juridique, au niveau politique, médical, etc, elle constitue un objet d’étude transdisciplinaire.

Au confluent de ces trois voies d’observations, force est de constater que la sélection des unités terminologiques de la pollution doit être terminologiquement pertinente, pour reproduire avec fidélité sa carte conceptuelle.

On peut conclure provisoirement que cette phase d’analyse thématique de la Pollution, nous a permis de cerner ses fondements conceptuels et ainsi d’établir les relations entre les concepts fondateurs du secteur. Ce premier ensemble nous donne les éclaircissements nécessaires à une première structuration des candidats termes 636 utilisés dans le domaine. Il s’agit évidemment d’une approche qui tient compte des “critères de domaine” (cf. Kocourek : 40), déterminés par le découpage des unités collectées dans le corpus traité.

Si nous replaçons ce qui précède dans le cadre de notre modèle, nous intégrons la pollution dans l’ensemble conceptuel suivant :

Au sens large, on le voit, nous avons mis en évidence l’intégration de la pollution dans les recherches en écologie et en sciences d’environnement. Comme domaine d’expérience elle se situe dans le cadre de l’Altéralogie. Dans ce cadre conceptuel, une première question s’impose : À partir de quand un milieu naturel est-il altéré ? Quand il a une action polluante 637 capable de nuire aux ressources écologiques (faune, flore, à la santé de l’Homme et à des réservoirs comme le sol).

C’est à partir de l’analyse conceptuelle et de la réalisation d’interrelation entre le triangle moteur (coordonnées de l’espace et du temps, et différentes sphères de l’écosphère) et le triangle inhibiteur (coordonnées chaîne trophique et action anthropique) que nous avons identifié les génériques qui définissent la science écologique dans son ensemble. Il s’agit, entre autres : d’écosystème, de biotope, de biocénose, de chaîne trophique, de pyramide écologique, de cycles biogéochimiques, de facteurs abiotiques, de facteurs biotiques augmentés de tous les génériques qui peuvent conforter l’analyse thématique de la pollution. Il s’agit des concepts base, nécessaires à la compréhension des fondements écologiques jouant un rôle important dans l’interprétation terminologique de la pollution, et, permettant, de surcroît, d’expliquer les relations entre équilibre écologique et déséquilibre écologique.

De ce qui précède, on peut aisément déduire que l’espace conceptuel de la Pollution - qui est l’espace du domaine - peut être organisé en réseaux de champs terminologiques homogènes, aptes à dégager de la signification 638 . Les différents tableaux présentés ci-dessous (cf. 8.2) rendent visibles les structures de la connaissance en Pollution, organisées en plusieurs ensembles de concepts/termes interdépendants. Conformément à la méthodologie terminologique adoptée, notre souci a été de faire état du système conceptuel 639 qui gère le champ de connaisssances de la pollution. Ces unités recensées sont, de surcroît, des candidats termes qui, dans une deuxième phase de ce travail seront analysés comme unités d’information, de nature à la fois extra-linguistique et linguistique.

Grâce au dépouillement 640 , et à l’étude du domaine dans les différentes classifications ainsi qu’à la démarche précédemment décrite, nous avons pu, in fine, intégrer à la réflexion la problématique des appelations : domaine thématique, sous-domaine 641 , domaine d’usage, domaine d’usage spécifique, domaine d’usage connexe. Ces appelations ont contribué à procéder à une meilleure structuration des recoupements des différentes séries terminologiques concernant la Pollution. Ces séries sont au départ des indices terminologiques 642 , faisant office de support pour la structuration formelle et sémantique du système conceptuel analysé. Le dépouillement a révélé que les unités collectées se regroupent par champs conceptuels et par champs terminologiques.

En résumé, et globalement, nous sommes en présence d’un grand générique (Écologie et Environnement), d’un domaine spécifique (Altéralogie), d’un domaine d’expérience (Pollution, pollution de l’eau, etc), et des secteurs d’expérience (dépollution, dépollution de l’air, méthodes de lutte contre la pollution, etc).

Dans un tel contexte, faire usage de la méthode classificatoire apparaît la seule voie de récupération de l’information organisée. Les indices terminologiques recueillis au départ, s’identifient, en réalité, avec les indicateurs de classe (des descripteurs dans la nomenclature des thesaurus).

Faisons retour maintenant sur la question de la classification. On remarque que celle-ci fait partie de nos opérations mentales, de nos activités perceptives et cognitives. Otman (1996 : 29) la définit comme un processus permettant de conceptualiser des relations entre objets. Dans la phase actuelle d’analyse terminologique, la classification sert 643 , à partir de valeurs de précision et de systématicité, à constituer des catégories, dans lesquelles on distribue plusieurs ensembles ou sous-ensembles d’éléments coordonnés et subordonnés. À l’issue de l’opération la classification aboutit à la présentation d’un ensemble d’objets dans un système ordonné par similitude, différence et contiguïté. C’est pourquoi une catégorie définit, le plus souvent, une classe de même nature. La catégorie désigne les membres d’une classe représentés par des noms, ayant entre eux des relations spécifiques et appartenant au même environnement syntaxique, la classe, elle, désigne l’ensemble d’unités linguistiques qui possédent une ou plusieurs propriétés communes (cf. Otman, ibid : 30). Il s’agit tout bonnement de systèmes conceptuels représentés par des matrices terminologiques.

En tant qu’ensemble de données de connaissance, la terminologie de la Pollution peut ainsi être distribuée en catégories et répartie en classes, englobant, de la sorte, l’ensemble de ses propriétés communes et complémentaires. Cela est le premier pas sur le chemin du repérage, du classement des termes et de la libération du sens.

Il faut, somme toute, accorder de l’ importance aux éléments et aux relations qu’ils entretiennent. Ce travail classificatoire révèle, de surcroît, son utilité pratique car il devient le véritable maître d’ouvrage de construction de modèles terminologiques théorico-pratiques, très fonctionnels au moment de l’élaboration d’ouvrages terminographiques.

Soucieux d’une présentation lisible et pratique du thème en étude, nous avons fait le choix d’une représentation sous forme de tableaux 644 . Dans ces tableaux s’inscrivent les vocabulaires (ensemble d’unités lexicales concrétisées dans un domaine de langue) appartenant aux domaines auxiliaires et au domaine propre à la pollution. Ils constituent un groupe thématique et sont la représentation graphique du système conceptuel de la Pollution, ses organisation, délimitation et articulations dans différents secteurs constituants du domaine étudié. Ils résultent d’un processus d’analyse de la structure du domaine, dans chaque langue analysée. Et l’établissemnt de ces tableaux a donc intégré l’occurrence des formes et l’étude diachronique et interdisciplinaire du domaine. Ils ont été enrichis, dans une deuxième phase, par les apports d’une double recherche terminologique interne, d’une part, et par la méthode comparative, d’autre part. Nous avons, de la sorte, évalué et situé les concepts/termes dans l’ensemble auquel ils appartiennent et nous avons mis en évidence la relation entre eux, créant des classes qui se concrétisent en secteurs terminologiques.

À quoi servent-ils ?

  • À organiser sous une forme systématique chaque ensemble thématique ou système d’informations sur la Pollution.
  • Ils jouent également un rôle sémantique en tant que première visualisation des relations entre concepts, de leur positionnement ou de leur densité et centralité au sein du domaine.

Ainsi nous avons dégagé une vision synoptique de l’ensemble terminologique de la Pollution. Tout d’abord le domaine d’expérience Pollution 645 et ses sous-ensembles : la pollution atmosphérique, la pollution de l’eau, la pollution du sol, la pollution sonore, la pollution par l’odeur (ou “pollution olfactive”). Ensuite, on a pu constituer l’ensemble des classificateurs : les polluants et les déchets. Le tout avec un complément structuré autour de la notion d’équilibre écologique : matérialisé en trois tableaux concernant les réseaux conceptuels de équilibre écologique, contamination / bioaccumulation / concentration et celui de catastrophes (qui se distinguent du concept de pollution). Les triangles à réseaux sémantiques que nous avons proposé ci-dessus définissent les relations conceptuelles de chacun de ces groupes. Le premier réunit les concepts liés à l’eau, au sol, à l’air ; le deuxième, la chaîne trophique de production et de consommation ainsi que les impacts : les déchets, les polluants.

Chaque tableau présente une zone de génériques et des colonnes pour les typologies dépouillées, visant à mettre en évidence que la Pollution est un domaine et secteur d’expérience interdisciplinaire, composite, nourri de transversalités.

Le synopsis se présente sous la forme de deux jeux de tableaux, l’un pour le français l’autre pour le portugais. Dans les deux cas notre intention était terminodidactique, en ce sens que le lecteur dispose immédiatement d’une source d’information et de mémorisation sur le thème de la pollution.

Premier jeu de tableaux (français) :

  • - Pollution
  • Pollution atmosphérique (pollution de l’air)
  • Pollution de l’eau
  • Pollution des sols
  • Pollution sonore
  • Pollution par l’odeur
  • Pollution industrielle
  • Polluants
  • Déchets
  • Équilibre écologique (par le droit, dépollution, antipollution)
  • Contamination, Bioaccumulation, Concentration
  • Catastrophes

Pour le portugais, et toujours dans une perspective de terminologie thématique, donc bilingue, nous avons pu dégager pratiquement les mêmes champs terminologiques.

Second jeu de tableaux (portugais) :

  • Poluição ou Poluição ambiental ou Poluição do meio ambiente ou Poluição do ambiente ;
  • Poluição Atmosférica ou Poluição do ar 646 ;
  • Poluição da água ou Poluição hídrica ;
  • Poluição da Terra ou Poluição dos solos ;
  • Poluição sonora ou Poluição acústica ;
  • Poluição industrial ;
  • Poluentes ;
  • Resíduos ;
  • Equilíbio ecológico (pelo direito,despoluição, antipoluição);
  • Contaminação, Bio-acumulação, Concentração ;
  • Catástrofes.(cf. 4.4.2, Tableaux)

Il est évident, vous l’avez remarqué, que le travail accompli en portugais présente sensiblement les mêmes résultats qu’en français : même sections, même classificateurs et sous-classificateurs. Cependant, il est intéressant de noter que les indices terminologiques pour le portugais sont plus récents, s’agissant souvent d’emprunts au français et à l’anglais, qui induisent une terminologie de la pollution créant une nomenclature nouvelle. Ce sera finalement au moment de la structuration des champs qui composeront l’ouvrage dictionnairique que nous aurons une certitude concernant le degré d’équivalence entre les deux terminologies ainsi que le degré de stabilité conceptuelle, notamment, par les caractéristiques des termes, leurs définitions et leurs actualisations dans les contextes.

Les tableaux ont été réalisés sous la base d’un réseau de rapports de superordination, de subordination et de coordination 647 qui, dans l’ensemble, réunit un vaste groupe thématique. Afin de mieux éclairer ces rapports, chaque tableau est divisé en sections qui tendent à dégager des ensembles terminologiques cohérents. Cette délimitation a respecté les règles de l’analyse en compréhension et en extension : caractéristiques génériques et spécifiques des concepts, qui engendrent les catégorisations et les fonctionnalités de l’ensemble.

Pour des raisons d’ordre et d’orientation nous avons adopté volontairement le terme domaine. Ainsi la section générique représente le grand générique (Écologie) et le domaine générique (l’Altéralogie). De même, dans un souci de précision, chaque tableau possède dans sa colonne générique, les termes génériques communs à plusieurs secteurs, importants pour comprendre les fondements du sujet traité et ses imbrications avec d’autres disciplines.

Nous avons également utilisé des classificateurs et des sous-classificateurs. Ils fonctionnent comme des étiquettes sémantiques, recouvrant les concepts du domaine et secteur décrits. En outre, ils facilitent le tracé des frontières correspondant aux objectifs de la recherche et se révèlent, finalement, une aide à la description du réseau conceptuel.

Ainsi, le tableau général Pollution/Poluição, en français et en portugais, comporte trois sections ou zones terminologiques.

La section I traite des données terminologiques génériques concernant le domaine en général et ses interconnexions avec d’autres domaines dont il est tributaire.

La section II propose un classement général des branches de la pollution à partir d’un élément sémantique pertinent : le milieu récepteur ou bien le type de polluants.

La section III présente les données terminologiques relatives aux rapports entre déséquilibre écologique et équilibre écologique, liés intrinsèquement à la notion d’impacts et de lutte contre la pollution.

Les trois grands volets 648 de la Pollution présentés dans les six tableaux suivants sont divisés en six secteurs chacun.

Le secteur I traite à nouveau des génériques qui (par exemple, au niveau de la pollution atmosphérique) le lient au domaine de l’écologie et aux disciplines connexes (géographie terreste, chimie, etc).

Le secteur II fournit des données terminologiques, concernant les sources de chaque pollution (le processus).

Le secteur III présente les différents classificateurs de chaque type de pollution produite (le résultat du processus).

Dans le secteur IV il s’agit de données terminologiques liées aux types de polluants qui interviennent dans chaque processus ou type de pollution.

Quant au secteur V il traite des effets (impacts). Le secteur VI, à nouveau, envisage les remédiations, de la notion de lutte contre la pollution, surtout s’agissant des moyens technologiques et des interventions scientifiques, économiques et politiques.

Les tableaux Pollution sonore / Poluição acústica et Pollution par l’odeur présentent la même structure que les tableaux des trois grands secteurs de la Pollution décrits. Nous constatons que les données terminologiques les plus pertinentes en français se trouvent dans la section VI, celle des applications technologiques. Nous n’avons pas pu structurer un ensemble similaire pour le portugais en ce qui concerne la pollution par l’odeur. Impossible, en effet, lors de la constitution du corpus, de trouver des ouvrages en portugais sur ce thème.

Force est de constater que la Pollution, si elle est aujourd’hui un ensemble cohérent d’éléments scientifiques, se manifeste aussi sous la forme d’un discours économique, juridique et technologique. C’est pourquoi nous avons cru bon d’ajouter les tableaux sur la pollution industrielle/ poluição industrial, tableaux qui mettent en évidence un concept nouveau : le développement durable.

Pour faciliter l’usage de la lecture des tableaux, sous l’angle diachronique et interdisciplinaire, nous proposons quatre tableaux intitulés Polluants/Poluentes, Déchets/Resíduos. Les premiers sont très dépendants des théories et expérimentations chimiques, et les seconds de la gestion économique institutionnelle.

Les tableaux des polluants/poluentes se divisent également en six sections. Nous sommes ici devant une taxonomie basée sur la nature de l’agent polluant et du type de milieu pollué, mettant l’accent sur les trois grands groupes de polluants : les polluants physiques, les polluants chimiques (ceux qui se répandent le plus fréquemment dans les trois réservoirs de l’environnement) et les polluants biologiques 649 .

Ainsi, la section I a trait aux données terminologiques génériques, les sections II, III et IV aux classes des différents polluants selon les trois grands types de pollution. La section V propose une classification des polluants par leur appartenance à des familles chimiques. La section VI relève à nouveau des notions d’impact et de traitement et méthodes pour l’élimination des polluants (recherche d’équilibre écologique).

Pour ce qui est des tableaux Déchets/Resíduos, nous les avons divisés en trois sections. La section I, celle des génériques, qui témoignent des échanges nourris entre la problématique écologique / économique du développement durable et les préoccupations terminologiques de nomenclature et de classement. La section II propose un classement des déchets qui est par ailleurs très réglémenté et soumis à des adaptations terminologiques permanentes. La section III traite des données terminologiques concernant les méthodes, contrôle, gestion et traitement des déchets dans leurs composantes écologiques, économiques, politiques et juridiques.

Quant à la terminologie des déchets, elle est le reflet des problèmes terminologiques qui se posent encore dans le cadre du discours spécialisé de la pollution/environnement. Elle est symptomatique des démarches entreprises au niveau national, communautaire et international, pour établir une terminologie commune des déchets. Le cas des déchets est très révélateur des besoins en nomenclature normalisée et des liens plus complexes entre l’économie et l’écologie.

‘L’évolution des problèmes posés par les déchets, effluents, sites pollués conduit, en priorité, à la nécessité de recourir à un langage commun, à des concepts recouvrants des champs identiques, à des passerelles clairement identifiées entre les différentes langues compte tenu de l’internationalisation des marchés et des problèmes liés à l’environnement.(RICOUR et al., 1994)’

Précisons ceci davantage. À partir de 1992 sont apparues les lois sur les déchets. En 1993 est crée en France la Commission de Terminologie de l’Environnement, ayant pour tâche l’harmonisation du vocabulaire français en matière d’environnement. Un véritable travail de planification terminologique est entrepris : collecte et harmonisation des données terminologiques, proposition des néologismes nécessaires à la désignation des réalités nouvelles, propositions de diffusion de ces néologismes.

Le problème terminologique du déchet est d’abord un problème de conceptualisation et de distinction conceptuelle : les notions de “résidus de production, résidus de transformation et résidus d’utilisation”. Le concept de déchet est relatif, donc instable, ce qui engendre des problèmes terminologiques. C’est pourquoi le législateur français 650 l’a défini par son origine, lui conférant Objectivité et Stabilité conceptuelle, et du coup, comblant le vide juridique en réduisant l’insécurité terminologique.

La terminologie des déchets est, à l’évidence, une préoccupation d’ordre communautaire et international car elle obéit à l’exigence de nature économique, de singulariser les déchets, par rapport aux matières premières secondaires et aux autres sous-produits. De là découle la quasi nécessité de procéder à l’harmonisation des outils terminologiques, tels que l’application uniforme des textes relatifs aux déchets. L’idée de départ est que pour traiter les déchets, il faut parler d’eux objectivement, car il y a, par exemple, des notions intermédiaires entre déchet et produit : sous-produit, coproduit, matière secondaire.

Les deux tableaux concernant le principe Équilibre écologique / Equilíbrio ecológico se divise en deux sections. La première concerne le cadre juridique de protection de l’environnement et la seconde section celui de la notion de “dépollution” et donc des réalisations technologiques.

En ce qui concerne la terminologie de la pollution et son lien avec le déséquilibre écologique il existe, au moins, au niveau du droit et des organismes tels que l’AFNOR 651 , une orientation de normalisation terminologique, surtout s’agissant de l’adéquation des termes. Cependant, le droit de l’environnement est très complexe, très technique et il se renouvelle sans arrêt.

Nous avons voulu montrer que la pollution est intrinsèquement liée au concept de dysfonctionnement de l’environnement et à travers l’analyse comparative, au concept d’équilibre écologique, modèle fondamental des structures écologiques.

Lié à la notion d’équilibre nous avons ajouté un tableau des champs terminologiques de Catastrophes / Catástrofes parce qu’à l’intersection des éléments abiotiques et biotiques on dégage également le concept d’équilibre écologique (principe technologique et socio-économique important) lié au domaine d’expérience, et celui de déséquilibre écologique. Dans cette perspective, la Pollution est ici un des constituants de l’univers discursif des catastrophes écologiques.

La Pollution 652 étant souvent confondue avec le thème de contamination, nous avons tenu à présenter les tableaux succints Concentration, Bioaccumulation, Contamination /Concentração, Bio-acumulação, Concentração. Il s’agit de catégories qui se lient surtout à la problématique de la dynamique des populations et donc aux concepts base de chaîne trophique, de pyramide écologique et à des domaines comme l’écotoxicologie et la noxologie, dans des cadres biologiques précis 653 . Il est facile de vérifier que les “agents nuisibles” sont les mêmes mais quand ils atteignent les biocénoses (faune, flore, Homme) ils deviennent des contaminants et le résultat de leur action est la contamination qui, présente dans les chaînes trophiques, a comme effet la bioconcentration, la bioaccumulation et la bioamplification.

La mise en scène de tous les tableaux effectuée, il convient maintenant d’en tirer des considérations plus générales. Tous tableaux réunis, force est de constater que les termes appelés à constituer la terminoclature de l’ouvrage terminographique, recensent environ deux mille candidats termes pour le français et mille cinq cents candidats termes pour le portugais 654 . L’écart d’équivalence apparaît surtout au niveau du discours technologique, c’est-à-dire, au niveau des techniques de dépollution, des méthodes, des analyses et des mesures. L’ensemble terminologique de la pollution atmosphérique et de la pollution de l’eau est plus vaste en français en raison du développement plus ancien et plus vaste des recherches françaises. La recherche en France en matière d’environnement mobilise plus de moyens ; on dénombre plusieurs écoles, plusieurs auteurs et scientifiques de renommée, plusieurs organismes et donc un circuit d’information et de communication beaucoup plus vaste. La terminologisation des objets de référence, fondée sur un acquis et des développement technologique 655 plus anciens, témoigne d’une plus grande maturité dans l’analyse et dans la conceptualisation.

L’ensemble des tableaux constitue en soi un système de gestion et de structuration des données terminologiqes concernant le(s) champ(s) terminologiques de la pollution. Lus d’une façon dynamique, les tableaux font apparaître un processus qui va de l’emprunt à la création et finalement à la spécialisation ; processus élaboré sur la base de catégories, de classificateurs de plus en plus spécifiques. À la fin du processus on atteint une maturité terminologique, gage de stabilité conceptuelle.

Steiner (1998 : 39) a le mérite de mettre en relief cet aspect de parallélisme entre évolution technologique, documentation technique (partie non moins importante du discours de la pollution) et dynamique terminologique : “Une terminologie qui se développe en même temps que les produits est la garantie d’une cohérence dans toute la chaîne de la communication, et confère à la société qui l’emploi un avantage compétitif certain”.

Il est généralement admis, pour mesurer la dynamique d’une terminologie, de rapporter les termes anciens désuets ainsi que les termes disparus au nombre de termes nouveaux. Si le nombre des termes nouveaux est nettement supérieur à l’ensemble des termes à valeur historique, on est en présence d’une terminologie en croissance vigoureuse. L’analyse des tableaux le démontre : les terminologies de l’écologie, de l’environnement et de la pollution sont des terminologies en croissance forte qui s’enrichissent d’une grande variation. On observe la croissance de la variation conceptuelle et dénominative, du genre pluriterminologisation, terminologisation, banalisation 656 , etc.

Dans une première synthèse, nous avons voulu, après l’analyse du corpus et une première classification, par le biais d’une analyse terminochronique et interdisciplinaire, identifier les concepts nécessaires à la représentation du système conceptuel de la Pollution qui a permis d’achever l’analyse thématique du domaine de l’étude. Ensuite nous avons procédé à la classification par champs terminologiques en vue de systématiser les différents secteurs terminologiques qui structurent le domaine et secteur d’expérience de la Pollution.

Nous accordons clairement à la terminologie la fonction de classer et définir. Jusqu’au produit terminologique final, nous utiliserons, à des degrès divers, différents moyens (linguistiques ou autres) de classification et de structuration des connaisances de la Pollution. Des ajouts, et des remaniements ponctuels pourront combler les failles. Les indices proposés confirmeront qu’il s’agit de termes ou de non termes 657 lorque nous trouverons leurs définitions respectives. Nous nous garderons d’oublier qu’un concept est le savoir sur un objet (chose) et que chaque objet est conceptualisé, que chaque concept s’exprime par un signe qui dénomme un objet, qui est représenté par un terme 658 (association d’une dénomination et d’un concept). Dans ce chapitre nous nous sommes bornés volontairement à présenter la terminologie de la Pollution, telle qu’elle est effectivement utilisée dans les contextes propres au domaine, où précisément se valideront les caractères de terme.

Arrivés au terme de la présentation de cette maquette d’analyse, nous croyons opportun d’insister particulièrement sur les leçons que nous en avons tirées. Premièrement, les liens qui unissent les termes (unités d’expression et de dénominations) d’un même domaine ou d’un même secteur de connaissances sont les matériaux des champs terminologiques, lesquels, dans un deuxième temps, ont permis d’élaborer un plan d’architecture terminologique de la pollution, susceptible d’être représenté et transmis à volonté.

Le chapitre qui suit constitue l’ensemble des tableaux décrits ci-dessus.

Notes
635.

La terminologie est, de la sorte, ici, une terminologie à caractère général, comprenant des termes communs à différentes formations discursives. En revanche, dans l’optique de la double articulation horizontale et verticale, la terminologie endogène est le vocabulaire spécialisé utilisé exclusivement dans une formation discursive précise d’un domaine.

636.

Nous partons de l’idée que dans un répertoire on a affaire à des termes tout court, à des unités terminologisées ou un voie de le devenir. Ce sera, notamment, par le dépouillement des contextes qu’on s’apercevra qu’une dénomination n’est pas forcément un terme.

637.

Dans ce sens la notion de nuisance, ne se confondant pas avec le concept de pollution, dépasse son cadre. La nuisance est l’action d’un altéragène comportant un risque notable pour la santé ou le bien-être de l’homme.

638.

Le sens des termes se produit à l’intérieur même du domaine et s’actualise en discours, comme nous l’avons vu. Il y a, donc, une réelle interaction entre le domaine et discours.

639.

Nous n’oublions toujours pas que le concept est une construction de connaissances.

640.

Le dépouillement a été fait de façon à rendre comparables les textes dans le but de procéder à une collecte cohérente et mesurable des données.

641.

Appliquer la catégorie sous-domaine à la pollution est insuffisante dans le cadre d’une étude interdisciplinaire parce qu’il rend difficile tout procédé d’analyse dans le repérage d’une terminologie générale, par exemple.

642.

Au même titre que les indices lexicologiques, ces données jouent le rôle d’indices systématiques des unités de connaissances repérées par l’analyse du domaine et du corpus, constituant, de la sorte, un ensemble d’unités classées selon des critères qui ont présidé à la structuration même du domaine, à l’organisation des champs conceptuels et des champs terminologiques de la Pollution.

643.

Une classification peut donner comme résultat une taxonomie.

644.

Ce type de représentation graphique nous a semblé celle pouvant donner plus de lisibilité au système conceptuel de la pollution/poluição.

645.

Il s’agit en effet d’une classification par superordination, une distribution typologique complétée par un système de classificateurs.

646.

Il s’agit surtout d’une terminologie qui se développe dans le cadre juridique. Son histoire terminologique est récente, notamment en ce qui concerne les secteurs du contrôle et de la gestion technologiques. On retrouve ce même scénario pour la terminologie de la pollution de l’eau. En revanche, la terminologie de la pollution sonore tient un véritable rang dans tout le circuit de communication spécialisé. Il s’agit d’un problème majeur pour le bien-être de la société portugaise.

647.

Ces liens constituent les traditionnelles relations logiques et ontologiques. Il s’agit de relations génériques et partitives du type identité, implication et inclusion, intersection et disjonction, de contiguïté, etc.

648.

Air, eau, sol qui correspondent à l’atmosphère,à la lithosphère et à l’hydrosphère. Ce sont des réservoirs communicants. Le moins connu est le sol qui est à la fois ressource et milieu naturel. Le sol a plusieurs fonctions : la fonction de filtre, la fonction nutritive. Les sols sont constitués de solides, minéraux et de matières organiques. C’est le compartiment essentiel des écosystèmes et des cycles naturels.

649.

De là la classification de pollution physique, pollution chimique et pollution biologique.

650.

Il ne faut pas oublier que les normes sur les déchets sont par nature appelées à être complétées et modifiées. L’organisation internationale de normalisation de l’U.E définit ainsi Norme comme étant une “spécification technique ou autre document accessible au public, établi avec la coopération et le consensus ou l’approbation générale de toutes les parties intéressées, fondé sur les résultats conjugués de la science, de la technologie et de l’expérience, visant à l’avantage optimal de la communauté dans son ensemble et approuvé par un organisme qualifié sur le plan national, régional ou international”. En France, la norme n’a pas le caractère obligatoire attribué au règlement mais plutôt volontaire et à valeur contractuelle. exemple : NF X 30-001 dont la lettre X indique la classe de la norme, 30 la sous-classe de la norme, 001 le repérage de la norme dans la sous-classe.

651.

L’AFNOR a été créée en 1926 par décret et a été dès lors le centre du système de normalisation français. L’AFNOR est soumise au contrôle économique et financier de l’État. Elle est le responsable de l’évaluation des priorités de la normalisation (aujourd’hui surtout l’environnement et la chimie) et du suivi des programmes de normalisation. Ainsi, l’AFNOR a comme mission le recensement des besoins en nouvelles normes, la coordination de travaux de normalisation, l’analyse des projets, l’édition et la diffusion des normes ; la formation et la promotion de la normalisation. Au niveau international, elle représente les intérêts de la France. Au Portugal, il existe également un Institut National de normalisation attaché au service du Ministère de l’Industrie.

652.

De toute façon, à l’heure actuelle, on conçoit plus facilement qu’un même objet peut être conceptualisé par des regards différents et générer des dénominations différentes.

653.

Par exemple, la contamination existe quand le polluant (généralement des germes pathogènes), une fois dans l’environnement, peut passer d’un milieu à un autre, ou se déplacer dans le même milieu, d’un objet ou d’un corps à un autre. La bioaccumulation existe quand les polluants pénètrent dans les organismes, par absorption ou par adsorption, en s’y accumulant. La biomagnification se produit quand la bioaccumulation des organismes se repércute à chaque niveau trophique. Finalement, la concentration évalue, par des mesures spécifiques, les conséquences de la présence d’un polluant dans un milieu donné.

654.

Pour les tableaux des séries terminologiques de la pollution en français le constat est le suivant : la pollution (environ 234 indices terminologiques), la pollution atmosphérique (environ 190), la pollution de l’eau (environ 444), la pollution des sols (126), la pollution sonore (15), la pollution par l’odeur (33), la pollution industrielle (58), les Polluants (902), les déchets (313), Équilibre écologique (91), Contamination/bioaccumulation et Concentration (26), catastrophes 20). Pour les tableaux des séries terminologiques de la pollution en portugais le constat est le suivant : poluição (environ 190), poluição atmosférica (176), poluição da água (197), poluição da terra (122), poluição sonora (15), poluição industrial (69), poluentes (653), lixo (246), equilíbrio écológico (116), contaminação/bioacumulação e concentração (62), Catástriofes (17). Ainsi, dans cette phase de dépouillement nous avons recensé environ 2.700 indices terminologiques pour le français et 1800 indices pour le portugais.

655.

C’est le cas de la terminologie concernant la “dépollution”, très vigoureuse, soumise à la normalisation linguistique et technique. La normalisation nécessaire et concertée, loin du purisme excessif, ne pourra pas être un motif de linguicide. La vie des langages spécialisés se porte bien.

656.

Cf. T. Cabré (1999)., sachant que la pluriterminologisation est le transfert d’unités spécialisées d’un champ à un autre par amplification, restriction ou changement de sens ; la terminologisation est la spécialisation d’unités générales; la banalisation est la généralisation d’unités spécialisées. Ce qu’il faut considérer c’est qu’un discours spécialisé contient forcément trois matrices terminologiques : terminologies générales, terminologies spécialisées et terminologies très spécialisées conformément au modèle de communication décrit (situations et contextes pragmatiques d’énonciation).

657.

Dans le sens de suites lexicales ne correspondant pas à des concepts et qui, de surcroît, ne font pas l’objet d’une définition dans le domaine en étude.

658.

terme “c’est un mot ou groupe de mots servant à désigner une notion”(ISO 88 : 249)