9.1.2 Pour une approche sémantique des termes de la pollution/poluição

Les aspects que nous venons de présenter peuvent également être considérés sous l’angle sémantique 709 dans la mesure où les concepts constituent les fondements du sens. La Terminologie considère que le sens du terme est, stricto sensu, son concept, renforçant ainsi l’idée d’une interaction forte entre le niveau conceptuel et le niveau du sens 710 . Sous l’aspect linguistique, les caractères qui définissent et délimitent les concepts deviennent les traits sémantiques 711 .

La sémantique lexicale plus directement liée à notre recherche est celle qui contribue, sur l’axe paradigmatique 712 , à structurer la terminologie du domaine étudié. Dans un espace de connaissances elle précsie les relations de sens entre les termes qui recouvrent le domaine, et particulièrement, l’articulation d’un champ conceptuel à un champ lexical.

La thématique étudiée dans une perspective sémantique, contribue, de surcroît, à éclairer des questions concernant le classement des termes, voire les séries terminologiques s’y rattachant.

Comme nous l’avons constaté, la pollution/poluição constitue un vaste réseau sémantique qui est l’organisation linguistique de son système conceptuel.

Dans ce sens, nous pouvons présenter, sur la base d’une analyse componentielle, quelques réflexions sur notre sujet d’étude au niveau de sa structure macrosémantique. Le domaine est caractérisé par un sème mésogénérique - pollution - qui est inclus dans une série macrogénérique - écologie ~ altéralogie. Le domaine est, à son tour, constitué de taxèmes. Ceux-ci sont caractérisés par des sèmes microgénériques servant à regrouper les éléments conceptuels au sein du même taxème et les sèmes spécifiques servant à les distinguer. La dimension 713 du domaine représente, de la sorte, les différents traits ou caractéristiques de chaque classe de généralité supérieure, de type polluant/non polluant, équilibre/déséquilibre, etc.

Ces aspects peuvent être également considérés sous un autre angle, plus philosophique que linguistique. Nous pensons, notamment, aux questions du prototype et du stéréotype 714 , deux modèles de catégorisation qui s’affranchissent des traditionnelles théories du sens sur la catégorisation des référents. Pour préciser notre propos, rappelons que le modèle des conditions nécessaires et suffisantes impose que les éléments d’une même classe partagent les mêmes propriétés. Dans cette perspective, les catégories sont homogènes et les équivalences entre les éléments sont parfaites. Cependant, il est très difficile de démontrer une nette appartenance des propriétés à une catégorie. Il existe des degrés de ressemblance. De plus, les catégories sont soumises à des hiérarchies. C’est là que toute la question de l’imprécision catégorielle se pose. Selon le modèle du prototype, par exemple, la meilleure façon de réduire l’imprécison lors de l’ordonnancement en catégories, c’est la référence au meilleur représentant de cette classe.

La prise en compte de ces modèles est utile pour situer les questions sémantiques au sein de la Terminologie. Cela nous permet, même si nous n’avons pas approfondi ces aspects, d’avancer quelques propositions concernant la problématique du sens dans notre étude.

Ainsi, gaz d’échappement peut être considéré un membre normal de la classe polluants. Il joue le rôle de stéréotype. Par ailleurs, dégradation 715 peut constituer le centre autour duquel la catégorie pollution s’organise. De même, polluer est l’attribut prototypique de pollution ; dioxyde de carbone est le mieux de la famille polluant atmosphérique ; effet de serre est le meilleur exemple de la catégorie pollution. Ces prototypes matérialisent les propriétés les plus communes des membres d’une classe. Dans ce sens, la pollution/ poluiçãotend vers une répartition fixe, catégorielle, facilement repérable : pollution, polluer, pollution de l’eau, polluant, anti-polluant, agent polluant, pollueur, pollueur-payeur, etc. C’est que finalement le prototype produit des liens entre les catégories cognitives et le sens lexical.

Quelles sont les questions sémantiques auxquelles l’analyse terminologique attache le plus d’intérêt ? Il s’agit de la problématique de l’hyperonymie - hyponymie - co-hyponymie, de la polysémie-homonymie-synonymie, de l’antonymie, et du nomadisme des concepts/termes 716 .

Ainsi, dans la foulée de la description des relations entre concepts, il est temps maintenant de déterminer les relations de sens entre les termes. Il s’agit de deux types de relations. Les relations hiérarchiques 717 et d’inclusion, et les relations d’équivalence et d’opposition.

Notes
709.

La sémantique, dans le cadre d’une sémiologie, occupe une place importante dans l’étude des relations entre les signes et leurs référents. Qu’elle soit une sémantique lexicale, de l’énoncé, de la phrase (cf. Lyons), la sémantique considère le langage du point de vue du sens. Notons, au passage, l’importance de la sémantique cognitive, de la sémantique référentielle (rapports entre le réel, la conceptualisation et les systèmes de langues naturelles), de la sémantique structurelle et de la sémantique relationnelle pour l’analyse des terminologies ; et de surcroît les approches sémasiologique et onomasiologique. La Terminologie s’efforce précisément d’appliquer la relation du signe et du référent. Cf. également Bréal, Darmetester, Trier, Baldinger, Quemada, Guilbert, Pottier, Guiraud, Tamba-Mecz, Lerat, J.Rey-Debove, Rastier.

710.

Le terme a le rôle de présenter la totalité de l’information sur le concept (degré d’intension maximale) et il est employé dans une spécialité (réduction d’extension). Le terme, en tant que dénomination, est, de surcroît, lié à un grand niveau de conceptualisation et on peut analyser le sens d’un terme à partir, notamment, de sa structuration sémique (modèle des CNS).

711.

Cf. Depecker (2000), la question du concept et du signifié. À signaler également les questions très importantes en analyse terminologique concernant la mononymie, la monosémie, la polysémie, l’homonymie et la synonymie.

712.

De là l’importance de considérer les champs sémantiques. Comme nous l’avons vu précédemment, à partir de Trier le champ sémantique est défini comme le vocabulaire d’une langue se compose de sous-ensembles structurés de champs. Les champs constituent des chaînes d’informations pertinentes sur un domaine.

713.

Le sémème est un ensemble de sèmes qui possèdent des traits différentieurs. On compte les sèmes génériques et les sèmes spécifiques qui entretiennent des relations sémantiques. Ainsi, chaque dimension comporte des semèmes qui ont, au moins, un même trait générique.

714.

L’analyse terminologique, outre la logique des classes, démontre un vif intérêt pour ce genre d’approches (cf. notamment, l’intérêt pour les travaux de Rosch et de Kleiber). Le modèle du prototype (perspective psycholinguistique) place la catégorisation (description cognitive des catégories) dans une dimension horizontale et dans une dimension verticale. La dimension horizontale, fondamentale, traite de la structure interne des catégories (le dégré de ressemblance en prenant le meilleur repésentant de la catégorie comme prototype). La dimension verticale construit un système relationnelle entre les catégories (niveaux de superordination, de base et de subordination). .C’est le niveau de base où l’on applique le prototype. Celui-ci concerne la classification des termes autour d’un élément central connu et nommé au préalable. Le modèle du stéréotype (perspective sociolinguistique) présente un membre normal d’une classe déterminée, en dénombrant les caractéristiques qui lui sont associées. Le stéréotype est fait d’idées conventionnelles, reconnues socialement. Il transmet l’usage effectif de l’unité lexicale.

715.

Dans NF X30-001, la dégradation de l’environnement est la “modification défavorable de l’état de l’environnement sous l’action d’altéragènes”. À prendre également en compte que l’altération par rapport à la dégradation est une modification favorable ou défavorable de l’état de l’environnement.

716.

Notamment, les questions sémantiques liées à la métaphore, métonymie et synecdoque.

717.

Ce sont des relations logiques, notamment celles se reportant aux catégories aristotéliciennes de genre prochain et différence spécifique (principes directeurs de la définition).