9.1.2.2 Relations d’équivalence et d’opposition

Dans ce type de relations, les unités terminologiques se situent sur le même plan, soulevant, notamment, des questions de polysémie / homonymie, de synonymie, d’antonymie.

Comme nous avons eu l’occasion de le mentionner, la Terminologie, dans sa démarche classique - concept vers le signe - considère que les termes sont des mononymes 725 . Cependant, il n’y a désormais pas de doute que les langages spécialisés sont soumis à la loi de l’économie linguistique, au processus général de conservation et de transformation qui caractérise toute langue. Comme unités lexicales, fonctionnant en discours, les termes sont assujettis à la polysémie, donc aux degrés de sens.

Considérons brièvement la question de la polysémie et de l’homonymie en langage spécialisé. Fondamentalement, ces dénominations s’appliquent aux mêmes phénomènes. Elles expriment le potentiel des termes quand leurs traits sémantiques s’affirment dans les différentes situations. La polysémie et l’homonymie contredisent l’idée que le terme est monosémique 726 .

La polysémie est un phénomène lexicologique d’ordre général, elle existe à cause de phénomènes de variation divers (variation diachronique, etc.). Un terme peut devenir polysémique (un même signe pour plusieurs sens), entre autres, par extension, attraction de sens, métaphore.

L’homonymie est identifiable à partir de sa distribution au sein de différents systèmes conceptuels (termes appartenant à différentes disciplines) et, généralement, attachée à la même catégorie grammaticale. L’homonymie constituée d’homographes et d’homophones met en place différentes notions. Ainsi, décharge, en pollution, désigne la zone dans laquelle sont déposés des déchets domestiques ou industriels ; en typographie, le terme désigne une feuille de papier qui absorbe l’excès d’encre des caractères d’imprimerie. De même, déchets, en pollution, désigne les résidus produits par les activités humaines et dans le langage courant, par exemple, déchet désigne une personne méprisable. Face à un tel comportement distributionnel, le problème du traitement terminographique des entrées dans la macrostructure d’un dictionnaire, se pose. D’ailleurs, le principe, devenu standard en terminographie, est le dégroupement d’entrées car en langage spécialisé nous sommes plutôt en présence de termes homonymes que de signes polysémiques.

Pour ce qui est de la synonymie une question s’impose. Peut-il y avoir des vrais synonymes dans un langage spécialisé ? Les vrais synonymes sont interchangeables dans tous les énoncés d’un même domaine, ce qui suppose que les termes désignent une même notion à un même niveau de conceptualisation et de langue. D’aucuns 727 estiment que la véritable synonymie existe quand il y a une parfaite intercommutabilité des termes dans tous les contextes.

Il est, néanmoins, accepté qu’un concept peut avoir plusieurs désignations. Mais il est difficile de trouver des termes substituables dans tous les contextes de discours. Il faudrait pour cela que les notions auxquelles les dénominations renvoient soient identiques en intension et en extension. On peut donc partir du principe que, faute d’une parfaite synonymie, il existe une synonymie partielle ou graduelle. Elle est approximative et se produit sur les plans syntaxique, sémantique et pragmatique 728 .

Parce que la synonymie est étroitement liée au contexte, on a un intérêt certain à étudier les synonymes en discours. On peut, donc, poser la problématique de la synonymie en termes de variation terminologique 729 . Dans une seule langue et au sein d’un même discours spécialisé, on pourra considérer que s’il n’y a pas de synonymie proprement dite, l’écart distributionnel entre les termes est dû à leur appartenance à des domaines ou des branches spécialisées différents 730 et, de la sorte, à des variations au sein des discours 731 . Ainsi par exemple, des termes comme CO2 ~ dyoxide de carbone ~gaz carbonique sont des variantes de registre ; dioxyde de carbone et gaz carbonique sont les paraphrases de CO2. De même, des cas de formes abrégées avec des formes déployées comme, par exemple, DBO ~ demande biologique en oxygène, ETAR ~ estação de tratamento.

La variation au sein des nomenclatures est le résultat d’une démarche dénominative mais également pédagogique. Utiliser le terme eau comme substitut de H2O revèle une volonté de clarté et de transparence du concept. En somme, les termes qui rendent vivant le discours trouvent le terrain propice à la variation dénominative (HCL (symbole universel) pour chlorure d’hydrogène et cloreto).

Au moment où l’on doit établir la structure sémantique de la terminologie en cours d’étude, tenir compte des différences d’usage constitue un atout considérable pour mesurer les conséquences de la synonymie 732 , notamment, dans l’élaboration des ouvrages de type dictionnairique.

Au lieu d’établir un ordre rigide de synonymie, il faut, donc, chercher à relever dans sa distribution, ses différents emplois. Dans son approche normalisatrice, la Terminologie a proposé le terme “quasi-synonyme” pour désigner les différents usages. Le Vocabulaire Systématique de la Terminologie (1985 : 21) définit le quasi-synonyme 733 comme chacun des termes d’une langue donnée qui désignent une même notion, mais qui se situent à des niveaux de langue et à des niveaux de conceptualisation différents ou qui s’emploient dans des situations de communication différentes. Ils ne sont pas interchangeables dans tous les énoncés relatifs à un même domaine.

Une typologie de quasi-synonymes est ici proposée. Ainsi :

Il s’agit, en définitive, d’un éventail caractéristique de la variation sociolinguistique dans les axes diachronique (variation chronolectale) et synchronique (variations dialectale, technolectale, sociolectale, idiolectale).

Il est à signaler, finalement, en pollution/poluição, la présence du principe d’utilité en ordonnancement lexical 734 . Il s’agit de la valence lexicale entre syntagmes (pollution atmosphérique ~ pollution de l’air), entre un syntagme et une unité simple (nitrate de peroxyacétyl ~ PAN) et entre des unités simples (eau ~ H2O).

La problématique de la synonymie entre deux langues dans un même domaine d’expérience est envisagée en termes d’équivalence. Dans la perspective terminologique, le terme équivalent sert à déterminer les relations entre termes de langues différentes qui désignent les mêmes notions. Par exemple, les familles dióxido de carbono ~ dyoxide de carbone, azote~azoto ~ nitrogênio sont des équivalents.

Ainsi, l’équivalence des termes génériques est très visible :

Comme pour la synonymie intralinguistique, l’équivalence interlinguistique est soumise à des gradualités. L’équivalence entre les termes de deux langues peut être totale quand la correspondance entre termes et notions est isomorphique. En pollution/poluição l’utilisation des nomenclatures chimique et des taxonomies de déchets entre dans ce cas de figure. Mais l’équivalence est également dépendante de la variation. Il y a des termes qui se distinguent par les niveaux de langue ou par des différences d’intension et d’extension.

Il nous reste finalement à faire référence aux rapports très fréquents d’antonymie en pollution/poluição. Les rapports déséquilibre écologique / recherche d’équilibre dirigent la thématique bipolaire pollution / dépollution. À titre d’illustration, voici quelques exemples révélateurs :

Le discours spécialisé de la pollution/poluição se caractérise par une bonne dynamique conceptuelle et lexicale. Il obéit aux finalités du domaine et aux paramètres psycho-socio-linguistiques 737 , éléments déterminants pour la mesure de sa créativité terminologique.

Notes
725.

Un terme est en principe caractérisé par la monorréférentialité. C’est le principe de la dénomination unique et l’idéal de l’univocité (école wüstérienne).

726.

En vérité, le terme a tendance à la monosémie mais à l’intérieur de la discipline ou du champ de connaissances où il gravite.

727.

Voir, notamment, Sager, Nakos, Boutin-Quesnel, Duquet-Picard, Lerat ; Norme ISO 1087. La vraie synonymie doit répondre à trois propriétés : symétrie, transitivité, réflexivité. Cela renvoie, de fait, à la synonymie référentielle (pollution globale ~ pollution générale).

728.

Dans cette perspective, la paraphrase constitue un exemple de synonymie du type substitutif et explicatif. La paraphrase a, notamment, la fonction de construction du sens. Elle peut jouer un rôle pédagogico-didactique indéniable dans l’apprentissage des terminologies.

729.

Par exemple, Duquet-Picard propose plusieurs types de variation. Plusieurs types de synonymie y sont repértoriés ; par exemple, la synonyme affixale, analogique, aspectuelle, éponymique, morphosyntaxique, paraphrastique, érudite, usuelle, graphique.

730.

Pour l’alonyme échantillonage, en microbiologie des eaux Action qui consiste à prélever une partie considérée comme représentative d’une masse d’eau en vue de l’examen de diverses caractéristiques définies (source : T90-502) ; en méthode d’échantillonage de l’air, Prélèvement d’une quantité représentative d’un air pollué, vis-à-vis du ou des polluants que l’on cherche à évaluer (source NF X43-001) (AFNOR, 1994).

731.

C’est pourquoi, d’ailleurs, le parasynonyme est souvent signalé comme la meilleur désignation pour synonyme en discours. Les parasynonymes sont des termes qui ont le même sens mais l’usage est différent.

732.

Pour résoudre des ambiguïtés comme celle entre le concept de contamination et celui de pollution, souvent pris pour des synonymes. La contamination est un processus, interne ou externe, de transfert, propagation et concentration d’un polluant physique, chimique ou biologique tandis que la pollution est un processus d’introduction, directe ou indirecte, d’un polluant dans un milieu déterminé et de sa présence dans le milieu.

733.

Ou bien synonymie de champ sémantique (Dubuc), faux synonymes (Nakos), pseudo-synonymes (Duquet-Picard), par exemple.

734.

L’utilité de stermes déterminée par la mesure des puissances de définition, de combinaison, d’inclusion et d’extension.

735.

Il s’agit d’internationalismes, formes identiques ou semblables appartenant à des systèmes linguistiques différents.

736.

Des cas fréquents avec non/não à attester les structures en combinatoire livre.

737.

Cf. Yves Gentilhomme (2000).