CONCLUSION

Au terme de cette étude, rappelons-nous l’objectif que nous nous étions fixé au départ : appliquer au domaine d’expérience de la Pollution les voies et les moyens de la Terminologie moderne.

À la Terminologie choisie, à savoir celle qui a pour objet l’étude des langages spécialisés, nous avons appliqué une méthodologie “ouverte” autour d’un cheminement par étapes. C’est ainsi que nous avons pu, déterminer les relations entre la normalisation et la diversité terminologique ; rendre visibles les corrélations entre langage et discours scientifiques ; faire les rapprochements nécessaires entre communication spécialisée, textes et discours et définir le parcours des termes en tant qu’unités de connaissance, unités de communication et, in fine, unités linguistiques.

Ainsi appréhendée, la Terminologie se révèle riche de plusieurs possibilités. Elle permet d’abord la représentation et le transfert de connaissances, ensuite elle facilite les actions de normalisation et de planification terminologique, enfin elle contribue au rayonnement technologique. En outre, la Terminologie est devenue un domaine de recherche et elle est une discipline intégrée aux structures d’enseignement.

Les terminologies, quant à elles, puisqu’elles n’existent pas en dehors des langages spécialisés, répondent, intrinsèquement, à des finalités d’information et de communication. C’est pourquoi décrire les rapports entretenus entre Terminologie, Technologie et Communication spécialisée nous a paru fondamental pour exposer la problématique des langages spécialisés et leurs terminologies.

C’est ainsi que nous avons tenté de montrer combien une approche coordonnée comprenant une des terminologie conceptuelle, textuelle et communicative est partie intégrante de l’étude terminologique de la pollution aussi bien en français qu’en portugais. C’est pourquoi, notre but a été de proposer un modèle d’analyse terminologique appliqué au domaine de la pollution, sous un angle à la fois thématique (donc aussi diachronique), comparatif et contrastif. Cela induisait naturellement une réflexion plus approfondie sur la théorie et les pratiques terminologiques à l’heure actuelle.

Ce faisant, nous avons été conduits à préciser le rôle du terminologue prenant en compte la diversité des activités terminologiques et terminographiques. Pour réaliser dans leur complexité les programmes qui lui sont soumis, le terminologue doit faire preuve de compétences cognitive, linguistique, sociofonctionnelle et méthodologique, compétences sans cesse réactualisées pour faire face au développement rapide des connaissances et de la communication.

Les deux premières parties de notre thèse, qui en comporte trois, ont été consacrées aux orientations théoriques et méthodologiques.

Dans la première partie, nous avons donné un relief particulier aux aspects politique, institutionnel, professionnel, culturel, et disciplinaire de la Terminologie et nous avons mis l’accent sur les liens de la Terminologie et des savoirs dans une approche diachronique. Cette analyse était indispensable pour cerner le système conceptuel de la pollution. Il a fallu également, s’agissant de deux langues, le français et le portugais, situer nos travaux dans le cadre précis des pays où ces terminologies sont employées.

Ensuite, s’agissant de la science et de la connaissance, nous nous sommes attachés à mettre en lumière les aspects épistémologiques et terminologiques, dans une perspective interdisciplinaire. Nous avons pu faire le point sur l’état actuel des connaissances en matière de pollution, sa structure conceptuelle et son langage propre ; nous avons mis en évidence la nécessité d’approfondir et de faire valoir d’autres travaux en terminologie diachronique.

Dans la deuxième partie, pour tenir compte des caractéristiques du langage de la Pollution, nous avons été amenés à comparer les évolutions respectives des savoirs et de la Terminologie, en mettant en évidence leurs corrélations, puis à déterminer les rapports qui existent entre le développement de la connaissance, donc des terminologies, et celui de l’information et de la communication dans la société postindustrielle. Au cours de cette étape de l’analyse nous nous sommes permis d’assigner un rôle “d’observatoire” à la Terminologie.

Dans cette deuxième partie on trouvera, également, notre contribution théorico-méthodologique à la préparation du travail de recherche terminologique sur la pollution. Nous avons tenu à faire apparaître, plus précisément, la relation existant entre la problématique de la naissance et de l’évolution des concepts et les branches du savoir, questions cognitives devenues fondamentales en analyse terminologique. Ces questions ont une incidence importante sur l’évolution de la terminologie conceptuelle, et se sont révélées utiles pour développer des analyses en terminologie diachronique. Au surplus, cette approche a été précieuse pour comprendre que les termes peuvent être à la fois des unités de connaissance, des unités linguistiques et des unités de communication.

La science, considérée comme un ensemble de textes/discours, marquée par une histoire et par des paradigmes, a offert de nouveaux champs d’analyse. À ce propos nous avons souligné les vertus du courant éditologique, appelé à soutenir des programmes de communication spécialisée au bénéfice, notamment, de la langue portugaise. L’association de l’éditologie et de la terminologie est un partenariat fructueux en faveur de langues moins répandues dans le domaine scientifique. Si l’image du monde projetée par la Science n’est pas assujettie à une langue particulière, la diffusion et le transfert de connaissances se font en revanche par le biais d’une langue naturelle.

Pour enrichir les réflexions épistémologiques et théorico-méthodologiques nous avons mis l’accent sur les éléments connaissance, circulation du savoir et système de communication spécialisée. Cette recherche préalable nous a offert la possibilité de travailler simultanément, dans le cadre d’une méthode de corpus, sur le domaine, les textes, le discours spécialisé et les termes ; et de mieux appréhender à quel point le langage spécialisé est lié à l’univers discursif, à l’ information, à la communication et au système matriciel de textes.

C’est pourquoi nous avons décrit la nature, les caractéristiques, les critères et les valeurs qui régissent la communication spécialisée. Puis nous avons mis en évidence les textes spécialisés comme moyens et supports privilégiés de l’analyse terminologique. Nous avons pu montrer que les textes sont les unités fondamentales de la communication spécialisée car ils permettent d’effectuer une analyse terminologique à la fois englobante et approfondie de domaines composites comme celui de la pollution. Ce domaine est en effet très marqué par l’interdisciplinarité et par la transdisciplinarité et son langage s’applique à des objets présents dans un monde spécifique où savoir, pratique et production constituent comme une sorte de synthèse de l’extrême complexité des interrelations existantes dans la société contemporaine.

En outre, nous avons tenté de montrer que les textes représentatifs de la Pollution sont le reflet du modèle même de communication spécialisée et qu’ils doivent, par conséquent, être analysés en fonction de leur nature, leurs spécificités et leurs finalités pragmatiques. Pour renforcer cette option méthodologique nous avons insisté sur le soin à apporter à la sélection du corpus de la pollution.

Le domaine vivant en discours, il a un fonctionnement socio-discursif et il est tributaire du temps et de l’espace. Le discours de la pollution en français possède une maturation plus grande au niveau de son système de conceptualisation et de lexicalisation tandis que le discours de la pollution en portugais, plus récent est donc plus ouvert à l’emprunt.

Il n’aura pas échappé au lecteur que, dans cette deuxième partie, le travail sur corpus a fait appel à des moyens informatiques qui nous revient ici de développer davantage.

Précisons, tout d’abord, que nous avons fait appel à l’informatique d’orientation textuelle, comprenant des logiciels de reconnaissance de caractères et des logiciels pour traitement de corpus textuel (hypertextes).

Disposant de ces moyens, nous avons pu procéder à la numérisation des textes, donc à leur classement et leur stockage, ouvrant la voie à leur rassemblement thématique afin de procéder à des traitements de données de type lexical, textuel et discursif.

Sans entrer dans la présentation détaillée d’un hypertexte rappelons ses deux fonctions essentielles, à savoir : l’analyse lexicométrique (calcul de la fréquence des termes) et l’analyse documentaire (localisation de termes, occurrences, contextes). De plus, ces logiciels permettent plusieurs types de recherche : l’extraction d’unités terminologiques, établissement de listes de formants, repérage et extraction de contextes et de concordances.

Dans le cadre de notre recherche, précisons que son utilisation a servi à “valider” par l’analyse statistique, quantitative et inductive nos conclusions préalablement établies conformément aux compétences exigées du terminologue. Cette consultation a permis le repérage et l’extraction de contextes, de listes de collocations et de listes de fréquences des vocables dans l’ensemble des discours, fréquences qui ont leur part dans la délimitation de la nomenclature d’un recueil terminographique et dans le choix des termes-vedettes possédant des variantes (poluição atmosférica ~ poluição do ar). En ce qui concerne le vocabulaire préférentiel du domaine, l’hypertexte a assuré la vérification de nos choix grâce à la pondération d’un texte et à la mesure de sa densité sémantique. En effet, s’agissant de la description et de l’interprétation du texte, la statistique paramétrique a été d’une aide précieuse pour approfondir la recherche logique et pertinente appliquée au discours.

Au cours de nos travaux, nous n’avons qu’effleuré les possibilités offertes par l’hypertexte. Mais les premiers résultats obtenus nous encouragent à penser qu’il est en mesure de nous fournir les moyens nécessaires pour faire les choix opportuns en ce qui concerne, notamment, les termes-vedettes d’un recueil terminographique.

Dans la troisième partie ont été décrites les étapes du travail terminologique succédant aux choix de la documentation, de la sélection du corpus et de l’analyse des textes/discours. Les questions de thématique et de classification appliquées à la Pollution ont été traitées. Malgré leurs insuffisances et les critiques qu’elles inspirent c’est aux classifications “traditionnelles” que nous avons eu recours pour préstructurer le domaine de la Pollution sans négliger le concours de l’approche terminochronique.

C’est pourquoi, l’approche historique et interdisciplinaire a été essentielle pour mieux cerner le système conceptuel de la Pollution et, in fine, mieux délimiter la terminoclature elle-même candidate à intégrer la macrostructure d’un dictionnaire terminologique.

Dans cette troisième partie nous avons également mis l’accent sur le besoin de structurer les connaissances extra-linguistiques et linguistiques d’un domaine. L’idée s’est alors imposée à nous que le domaine fait littéralement le lien entre son système conceptuel et sa structuration terminologique.

Nous sommes partis du principe que les termes vivent dans un environnement linguistique, et que la phase intermédiaire, avant la production terminographique constituerait, sous l’axe linguistique, à analyser les termes dans les textes où ils apparaissent. Effectivement, nous avons pu pour la pollution, déterminer, entre autres, les concepts et leurs relations, les catégories, les différents champs conceptuels, les relations sémantiques entre les termes, leur système morphosyntaxique. Nous avons de la sorte privilégié les dimensions morphosyntaxique, morphosémantique et pragmatique du langage spécialisé de la pollution aussi bien en français qu’en portugais.

L’ensemble terminologique de la pollution ainsi conçu, il serait plus aisé de concevoir un ou plusieurs programmes d’élaboration d’outils terminographiques pour notre domaine d’application.

Finalement, quels résultats avons-nous obtenu au niveau du traitement terminologique du domaine de la pollution ? Le système de communication spécialisée de la pollution tel qu’il apparaît à l’issu de nos recherches est fondé, d’une part, sur une documentation de référence aussi pertinente que possible, d’autre part, sur un choix définitif de textes réalisé en fonction d’une approche interdisciplinaire et historique. L’approfondissement du domaine de la pollution dans chacune des deux langues a requis l’analyse de leur univers discursif et de la structuration de leurs champs terminologiques.

Tout aussi présente a été la question toujours pendante qui lie simultanément l’objet, le concept et le signe linguistique.

Pour finir nous nous permettons d’exprimer un voeu personnel. Les travaux terminologiques favorisant l’essor de la terminodidactique, c’est à elle, à notre sens, qu’il reviendrait de réaliser le voeu de Pasteur, à savoir : un enseignement scientifique non dogmatique, c’est-à-dire, qui ne néglige pas l’histoire des concepts et qui s’attache à créer un contexte d’apprentissage propice à la capacité de réflexion et aux réalisations pragmatiques.